Cabourg

La côte de cette partie de la Normandie est très belle et très chic. La ville de Cabourg est liée à l'un de nos plus grands écrivains français qui y séjournait et l'a utilisée dans sa grande œuvre, La Recherche du temps perdu, comme il utilisait tout ce qui constituait sa vie, le transfigurant, lui donnant d'autres noms, mélangeant plusieurs personnes de la vie réelle pour obtenir un personnage. On retrouve dans Cabourg ce charme suranné qui est la caractéristique de l'univers proustien, où les duchesses et les baronnes occupent les premières places et retrouvent une dignité qu'elles avaient déjà perdu au moment de la parution du roman. L'aristocratie française ne donne plus le ton depuis longtemps et l'on marche dans Cabourg comme dans un musée consacré à une époque ancienne de l'histoire de France. Une légère brume enveloppe la ville. Les maisons semblent flotter dans l'air comme des fantômes. Dans Le Grand Hôtel que l'on peut difficilement manquer tant sa taille est imposante, il est possible de visiter la chambre qu'occupait Marcel Proust lui-même. Je pénètre dans le hall pour me renseigner. Le décor m'impressionne et je sens bien que je ne suis pas vraiment à ma place avec mes baskets usées et un pantalon kaki semblable à ceux qu'on achète dans les surplus militaires. Les employés sont néanmoins très polis et ne paraissent pas choqués plus que ça par ma présence. Une femme à l'accueil tapote sur son clavier et m'annonce que la chambre est prise avec un sourire désolé. On ne peut visiter cette chambre que si elle n'est pas louée. Si vous désirez y passer une nuit, par contre, il faut être prêt à débourser 230 € ! Mais c'est peut-être à ce prix que l'inspiration viendra, qu'une vocation naîtra et que vous écrirez plusieurs pavés aussi épais que l'annuaire téléphonique de la région parisienne ! Pour 230 €, c'est donné, non ? Je me rabats sur ce qu'on appelle la promenade Marcel Proust. Elle est située de l'autre côté de l'hôtel, le long de la plage. Comme vous pouvez l'imaginer, l'ambiance n'est pas routarde pour un poil, mais si le vent se lève, que les nuages dessinent au-dessus de la mer des formes extravagantes, que les quelques baigneurs, silhouettes lointaines et fragiles, semblent sortis d'un rêve ou de l'imagination d'un romancier, marchez sur la plage d'un pas lent et des souvenirs anciens remonteront à votre mémoire comme des bulles de champagne vers la surface. Des êtres dont vous aviez oublié l'existence, des personnes que vous avez aimées retrouveront un peu de leur consistance, de leurs contours, sans que la souffrance et le chagrin qu'ils vous ont causés n'accompagnent leur résurrection. Marcel Proust qui a su utiliser ses amours déçus, pour les transfigurer en œuvres d'art, veille sur vous…

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