La Pologne, de Varsovie aux Sudètes
L’étonnant destin du docteur Cejba
En lisant l’excellent Berlin-Moscou, un voyage à pied du journaliste allemand Wolfgang Bücher, je n’avais pas trouvé de référence aux marches forcées de l’armée napoléonienne, mais un passage amusant sur Szamotuly, une petite ville de la région de Poznan où l’auteur n’avait pas fermé l’œil de la nuit : « L’hôtel était près de la gare de marchandises, le métal cognait contre le métal, on aurait dit qu’on chargeait la moitié du bloc de l’Est ».
Je suis passé en souriant devant la gare de marchandises de Szamotuly pour me rendre chez le docteur Edward Cejba, vétérinaire polonais à la retraite, un ami de mon père. Il passe l’hiver à Brest (pas Brest-Litovsk, mais Brest en Bretagne) et l’été en Pologne, dans sa ville natale où il restaure un petit appartement (avec vue sur les champs, que lui a laissé sa mère en héritage). Ce polyglotte jovial et toujours de bonne humeur me reçoit et me raconte sa vie.
Edward a connu les monstres du XXe siècle, la guerre, l’occupation nazie et la dictature communiste. Bébé malade atteint d’avitaminose pendant l’occupation allemande de la Pologne, il était à l’article de la mort. Sans l’insistance de son grand-père auprès d’un officier nazi détenteur des derniers médicaments, il n’aurait pas survécu. De son père qui s’occupait des chevaux dans un château voisin, Edward a hérité de l’amour des animaux : il est ainsi devenu vétérinaire sous le régime communiste (sans jamais faire de politique), au point d’être remarqué par les experts de la FAO (Food & Agriculture Organisation, organisme dépendant de l’ONU) pour sa seule compétence. Il ne voulait pas quitter son pays, mais dut le faire pour accepter une carrière de spécialiste en Afrique.
Après quoi, il trouva à Brest un poste intéressant et se fixa à la pointe du Finistère, avec sa femme et ses deux enfants. Depuis l’entrée de son pays dans l’Union européenne, Edward peut retourner à Szamotuly au volant de sa voiture, de Brest à Poznan, en homme libre. Plus rien ne sépare son « Est natal » de son « Ouest d’adoption ». « Je suis polonais de naissance, breton de cœur, français bien sûr, et européen de raison ». Ajoutons : brésilien par passion, car Edward adore le Brésil !
- Introduction
- Varsovie dort à l’Est et rêve à l’Ouest
- Une capitale à taille humaine
- Ville-martyre de la Deuxième Guerre mondiale
- Ville-phénix qui renaît de ses cendres
- L’ancien ghetto de Varsovie
- Le futur musée d’Histoire des juifs polonais
- Sur les pas de Chopin à Zelazowa Wola
- La Maison de la Bretagne à Poznan
- L’étonnant destin du docteur Cejba
- Wroclaw, vraie ville d’Europe centrale
- Les Sudètes ou les fantômes de l’histoire
- Kletno, l’ours végétarien et la nymphe sylvestre
- Carnet pratique
Texte : Olivier Page
Mise en ligne :