Les USA en Greyhound
Chicago, Illinois
La ville est écrasée par la chaleur. Quand on vient de New York, on est pas très dépaysé. Mêmes gratte-ciel, même impression de marcher dans des canyons de verre et de métal. Avant d'arriver à la station Greyhound, le bus traverse une banlieue immense et pauvre. Rues sales et jonchées de détritus, maisons à l'abandon, clochards en guenilles errant dans ces rues chauffées à blanc par un soleil puissant. Au cœur de ce riche pays : d'immenses zones d'extrême pauvreté subsistent, s'étendent et cela est rendu d'autant plus intolérable que cette misère voisine avec la plus arrogante des richesses. Dans la station de bus, j'observe des Amish. Les filles portent des robes vertes et une coiffe blanche. Les hommes ont un chapeau, des vêtements sombres et une barbe de lutin. Ils semblent vivre à une autre époque, dans un autre monde. Ils refusent le progrès. Ils n'ont pas de télévision, etc. Mais si le progrès, c'est CNN et Fox News, des minutes de conscience achetées par Coca-Cola, est-ce qu'il ne vaut pas mieux encore le refuser tout net et vivre comme eux ? Cette pensée me traverse l'esprit alors que je les observe si étrangers à tout ce qui les entoure, si différents des autres passagers des bus Greyhound. Car il faut bien le dire : la population de ces bus est très pauvre. Les Américains préfèrent la voiture, le train ou l'avion. Et seuls, semble-t-il, ceux qui n'ont pas le choix optent pour ce moyen de transport. Voyager en Greyhound, c'est observer l'autre face du rêve américain, partager un moment de la vie d'hommes et de femmes dont on ne parle pas, que l'on ne voit pas à la télévision, dans les journaux ou les revues. Et pourtant combien de millions crèvent en silence dans l'indifférence de leurs riches et patriotiques concitoyens ?
Texte : Xavier Le Frapper
Mise en ligne :