Les USA en Greyhound
Memphis, Tennessee
Après Chicago, je descends en quelques jours jusqu'à Memphis. Premières impressions de ce qu'est le Middle West. Des plaines immenses s'étendant à l'infini. Des routes tracées à la règle. La nuit, dans le bus, alors que des lumières brillent au-dehors, j'ai l'impression de naviguer sur une mer infinie, un chemin d'eau sans fin. Memphis, c'est le début du sud. Il est 8 h du matin et je viens de sortir du bus, légèrement courbaturé. Je demande mon chemin et engage la conversation avec un Noir qui me propose de me montrer un endroit intéressant. Je lui fais confiance et le suis. Il m'explique qu'il y a des quartiers à éviter et m'indique lesquels. Tout d'un coup, nous sommes au pied d'un motel qui m'est familier. « C'est ici que Martin Luther King a été assassiné » me dit-il. « Ils ont même gardé sa voiture. » Elle est là en effet, au pied du motel, vestige d'années de lutte et d'espoir qui semblent si étrangères à l'Amérique d'aujourd'hui. Dans le musée de la Soul et du Rock, près de Beal Street, je découvre tout ce que la musique doit à cette Amérique pauvre et noire. Le blues est né de leurs souffrances, de leur désespoir, mais aussi de leurs révoltes. Certains sont partis sur les routes pour fuir les champs de coton et ont chanté l'errance, les difficultés inhérentes à la vie sur la route et l'amour… Certains sont restés et ont chanté, les rares jours de repos, parce que c'était le seul genre de plaisir qu'ils pouvaient s'offrir.
Texte : Xavier Le Frapper
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