10 Canoës, 150 lances et 3 épouses

10 Canoës, 150 lances et 3 épouses
© Mémento Film

Un film comme vous n’en avez jamais vu ! Il s’agit de la première production écrite et interprétée par des Aborigènes dans leur propre langue. À conseiller aux cinéphiles routards, avides de découverte, mais aussi à tous ceux qui ont gardé intacte leur faculté d’émerveillement. Ouvrez grand les yeux, ce conte de Noël débarque directement de l’Outback australien le 20 décembre. Un objet filmique non identifié, pour se refaire une virginité du regard…

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Le premier film aborigène

Attention, OVNI cinématographique ! 10 Canoës, 150 lances et 3 épouses, Prix spécial du Jury « Un Certain Regard » au Festival de Cannes 2006, est d’ores et déjà entré dans l’histoire du cinéma. Il s’agit en effet du premier film écrit et interprété par des Aborigènes, dans leur langue. Le film a été tourné dans une région du nord de l’Australie, à l’est de Darwin : le marais d’Arafura, une zone quasi vierge de 130 000 hectares, où l’on trouve une faune très riche, notamment des oiseaux et des crocodiles, parmi les plus gros du monde.
Né d’une idée de l’acteur aborigène David Gulpilil, 10 Canoës... raconte une légende ancestrale, non dénuée d’humour, sur le rachat et le pardon. Elle se déroule à l’aube des temps et ressuscite tout un pan de la culture des premiers habitants de l’Australie. L’histoire est d’une simplicité «biblique » : un jeune homme, Dayindi, convoite l’une des trois femmes de son frère aîné, Ridjimaril. Pour ramener Dayindi à la raison et lui faire respecter la coutume tribale, le sage Minygululu lui raconte une histoire de convoitise, d’amour interdit, d’enlèvement, de vengeance et de sorcellerie. Ce récit est à l’origine de la Loi, fondement de la société.

À la découverte des Yolngus

10 Canoës, 150 lances et 3 épouses baigne dans les eaux d’une mythologie des antipodes, surgie d’un marécage où sommeillent les âmes mortes. On se croirait dans une sorte de Totem et tabou à la sauce aborigène, un récit des origines à bien des égards fascinant. Le cinéaste Rolf de Heer (Le Vieux qui lisait des romans d’amour ; Dance Me To My Song) rend hommage au peuple des Yolngus, dont le mode de vie a aujourd’hui pratiquement disparu. Il s’est d’ailleurs inspiré des recherches de l’anthropologue Donald Thompson qui a travaillé dans le Nord australien dans les années 1930. Ses photos en noir et blanc, conservées au superbe Musée Victoria de Melbourne, couvrent de très nombreux aspects de la culture des Yolngus. Un trésor anthropologique, dernière trace d’un univers englouti…
Aujourd’hui, les Yolngus, peuple de chasseurs-cueilleurs nomades, habitent toujours le comté d’Arnhem qui englobe le marais d’Arafura. Nombre d’entre eux ont été massacrés au début du XXe siècle par les éleveurs de bétail blancs. Leur mode de vie a été bouleversé : délaissant le nomadisme, ils sont désormais sédentaires, vivent dans des maisons modernes et surfent sur Internet. Malgré tout, ils ont conservé leurs règles matrimoniales et certaines cérémonies restituées dans 10 Canoës, comme la danse de la mort pour accompagner les derniers jours d’un mourant. La langue, ou plutôt les langues des Yolngus sont également bien vivantes. Ce sont celles que l’on entend dans le film: le ganalbingu, le mandalpingu et le maningrida. Aujourd’hui encore, l’anglais est peu utilisé et mal maîtrisé par les Yolngus.

Une tribune pour une culture en voie d’extinction

Fable philosophique, 10 Canoës possède une dimension documentaire non négligeable. Le film de Rolf de Heer nous fait notamment découvrir l’artisanat aborigène et des traditions ancestrales comme la chasse aux oies sauvages et la collecte de leurs œufs. Les accessoires traditionnels (lances, bracelets…) que l’on aperçoit ont tous été confectionnés par les Yolngus. Le film montre également comment sont fabriqués les canoës. Le tournage, qui dura trois mois, fut une véritable aventure, puisqu’il s’est déroulé quasiment les pieds dans des marécages infestés par les moustiques, les sangsues et surtout les crocodiles. Le making-of de 10 Canoës ferait sans doute un film à grand spectacle à lui seul.
Œuvre à la fois réaliste et contemplative, 10 Canoës rend un bel hommage au peuple aborigène qui prend ici la parole. La réussite formelle du film de Rolf de Heer est indéniable, tout comme l’exploit cinématographique qui est à son origine. On ne peut que saluer la démarche de la production : ce film, qui a fait le tour du monde, offre une tribune remarquable aux peuples premiers de l’Australie, trop souvent considérés comme des citoyens de seconde zone et dont la culture est en voie d’extinction. Il faut embarquer sur ces canoës, ne serait-ce que pour le plaisir de l’émerveillement devant cette terra incognita qu’est, pour nous, l’univers aborigène.

Pour en savoir plus

Le film

10 Canoës, 150 lances et 3 épouses (10 Canoes)

Réalisateur : Rolf de Heer.
Co-réalisateur : Peter Djigirr.
Scénario : les habitants de Ramingining (Arnhem) et Rolf de Heer.
Interprétation : Crusoe Kurddal, Jamie Dayindi Gulpilil, Richard Birrinbirrin…
Durée : 1 31.
Sortie en France : le 20 décembre 2006.
Prix spécial du jury « Un Certain Regard », Festival de Cannes 2006.

Sur le Web

Département des collections aborigènes du Victoria Museum de Melbourne : www.museum.vic.gov.au.

À lire

Les Aborigènes d’Australie, de Stephen Mueke et Adam Shoemaker, Éditions Gallimard, Collection Découvertes, 128 pages.

Texte : Jean-Philippe Damiani

Mise en ligne :

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