Le monde selon Monsanto
Auteur : Marie-Monique Robin
Editeur : La Découverte/Arte Éditions
372 Pages
On se croirait plongé dans un roman ou un film et, pourtant, ce que contient l’enquête de Marie-Monique Robin est on ne peut plus réel. Et accablant. Elle nous révèle comment la multinationale états-unienne Monsanto s’y prend pour mettre la main sur le marché mondial des semences. Sa principale arme est le dépôt de brevets de semences transgéniques (les fameux OGM), suivie d’une commercialisation forcée de ces dernières. Tous les moyens sont bons pour empêcher la contestation. L’entreprise fournit aux pouvoirs publics des études scientifiques rassurantes et fait taire les chercheurs qui tentent de s’opposer à elle. Marie-Monique Robin met à jour des pratiques plus qu’inquiétantes, comme l’application du principe de la « porte tournante », qui fait passer de hauts responsables américains d’instances chargées de santé publique ou de l’agriculture à l’administration de Monsanto et inversement.
La firme est l’un des leaders de la filière biotechnologique qui, depuis la présidence Reagan, est devenu un enjeu majeur pour l’économie des États-Unis. La questionner, voire la combattre, c’est donc s’opposer à la première puissance mondiale. L’Europe résiste un peu, mais pas (ou très difficilement) les pays en voie de développement. L’auteur nous emmène en Inde, au Mexique, au Paraguay, voir ce qu’il en est des merveilles que sont censées apporter les semences transgéniques aux populations. Ainsi, dans l’État du Maharashtra, les producteurs de coton sont dorénavant obligés d’acquérir leurs semences à Monsanto qui a racheté les entreprises locales. Résultat : une mauvaise productivité de la semence BT qui, quatre fois plus coûteuse, oblige les agriculteurs à s’endetter, ce qui provoque chez eux des suicides par centaines… Dans l’État de Oaxaca, conservatoire du maïs originel, la dissémination d’OGM (le pollen se répand par le vent) dans les champs risque de faire disparaître la production locale. On observe le même phénomène au Paraguay, en Argentine et au Brésil.
Les OGM sont-ils dangereux ? Tout porte à le penser : pour la biodiversité, pour le consommateur animal ou humain, pour l’économie des pays submergés par ces produits. Mais pour en être sûr, ou pour que les opposants soient légitimement contredits, il faudrait que des études sérieuses soient menées et que Monsanto collabore avec des institutions indépendantes… Or, depuis sa création en 1901, ce géant de l’industrie chimique (polystyrène, aspartame, agent Orange, PCB contenant du pyralène, hormones de croissance bovine, herbicides…) a très souvent cherché à esquiver ses responsabilités.
Texte : Michel Doussot
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