Cuba, dans les rues de La Havane

Cuba, dans les rues de La Havane
Capitole © Andrey Armyagov - Fotolia

Habana Vieja, le Malecon, les portraits de Guevara, les vieilles Américaines… Autant d’images et de lieux qui ont fait de La Havane une ville mythique.

À l’heure où Cuba vit un tournant de son histoire, nous sommes allés faire un tour dans cette ville qui semble, au premier abord, figée dans le temps.  En s’éloignant de sa magnifique vieille ville, cette première impression se dissipe : une Havane éclatante de vie, mais aussi pétrie des contradictions, se révèle.

Bien loin de la carte postale, au fil de superbes balades dans les rues de La Havane…

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Come-back à La Havane

Come-back à La Havane
© Ingo Bartussek - Fotolia

Rien qu'en 2016, La Havane a accueilli trois événements que ses habitants ont perçu comme le présage de changements à venir. En mars, les Rolling Stones y ont donné un concert devant 500 000 personnes. En mai, le styliste couturier Karl Lagerfeld y organisait un défilé Chanel. Quelques jours plus tôt, c'était l'acteur américain Vin Diesel qui y tournait des scènes pour le huitième épisode de la saga Fast & Furious.

Avec la levée progressive de l'embargo mis en place par les États-Unis, ces noms sont venus s'ajouter à la longue liste de personnalités qui ont aimé La Havane : Johnny Weissmuller, Buster Keaton, Ava Gardner, Frank Sinatra, Fred Astaire... Et bien sûr l'écrivain Ernest Hemingway.

La Havane demeure une ville pauvre, où des milliers de familles vivent dans une situation précaire, mais la capitale cubaine est loin d'être gagnée par la torpeur tropicale. Une poignée de jours passés hors des circuits touristiques témoignent d'une ville en pleine effervescence, où le système D carbure à plein régime.

Bien sûr, il faut se perdre dans sa vieille ville, inscrite depuis 1982 au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais aussi s'enfoncer dans les quartiers du centre et du Vedado, flâner le long du Malecón. Savourer l'ombre bienvenue d'un palmier.

On peut parcourir La Havane en coco taxi, ce véhicule ouvert au vent, ovoïde et jaune, à condition d'y allonger la monnaie. Ou assouvir son fantasme de vieilles voitures décapotables (Buick, Chevrolet, Pontiac... il y a largement le choix) et s'y pavaner en lunettes de soleil. Encore que, pour découvrir La Havane, le meilleur accessoire, c'est encore la chaussure de marche.

Habana Vieja, un kaléidoscope architectural

Habana Vieja, un kaléidoscope architectural
Cathédrale © Joël Métreau

Les immeubles les plus étonnants se trouvent dans Habana Vieja, la vieille ville. Souvent décrépits, avec leurs couleurs fanées par la chaleur et les précipitations, les immeubles aux styles baroque et néoclassique se côtoient. Arcades, balcons, cours intérieures forment un kaléidoscope architectural généreux pour l’œil. Attention quand même aux chutes de pierre.

Le vieil Havane, qui s’étend autour de l’originelle Plaza de Armas, n'a toutefois rien d'un musée à ciel ouvert. Les rues sont pleines d'activité et la frontière bien poreuse entre les habitats et l'extérieur.  Des soldats discutent entre eux, les enfants jouent à cache-cache, des ados au foot...

La calle Obispo constitue un excellent point de repère, elle traverse le quartier tout en longeant des centres d'intérêt. Mais il vaut mieux s'écarter de cette rue surtout fréquentée par les touristes, sur laquelle donne El Floridita, un établissement historique fréquenté jadis par Hemingway. L'écrivain américain est une valeur sûre pour attirer l'étranger. C'est parfois à croire qu'il a écumé tous les bars de Cuba pour y goûter tous les mojitos.

Mais dans le vieil Havane, des bars moins chics valent aussi la peine de s'y attarder. Un bar moins chic, c'est quoi ? Deux ou trois tables dans une pièce à la décoration minimaliste, un vieux comptoir en bois vers lequel sont comme aimantés des tabourets fatigués, un couple tiroir-caisse et ventilateur qui fête ses noces de diamant, une sexagénaire en débardeur qui commande un rhum, avale d'un trait le verre entier et s'en va.

Après avoir sillonné les rues, on peut partir vers le Nord, vers le castillo San Salvador de la Punta, forteresse espagnole du 16siècle, désormais pacifiquement allongée face à la baie de la Havane.

 En chemin, on sera passé devant le musée de la Révolution. Ce magnifique bâtiment néoclassique construit en 1920 fut le palais présidentiel jusqu'en 1959. D'un côté, il abrite le yacht Granma, de l'autre un char soviétique SU-100. Les deux ont en commun d'avoir accueilli... Fidel Castro.

Le Malecón, tourné vers le grand large

Le Malecón, tourné vers le grand large
Pêcheurs sur le Malecón © Ingo Bartussek - Fotolia

En 2016, le chanteur Jacob Forever lui consacrait la chanson Hasta que se seque el Malecon, un tube auquel il est difficile d'échapper. Une visite de La Havane conduit forcément au Malecón, le front de mer qui s'étale sur 8 km de long. La digue a été construite à partir de 1902 par les Américains pour protéger la ville des assauts de l'océan Atlantique.

Pas de plage à La Havane, le Malecón est donc devenu l'endroit idéal pour flâner, mais pas seulement. On s’y donne rendez-vous, on y pêche, dort, fait la fête, s’aime, c’est un lieu de vie intense.

Attention à être prudents en traversant la route, car les chauffeurs déboulent à toute allure. D'ailleurs, la digue, qui ceinture amoureusement les quartiers du Vedado, du centre et du vieil Havane, n'est pas forcément le lieu le plus calme de la capitale.

En raison de l'intense circulation, les discussions sont souvent interrompues par les klaxons. Mais cette promenade permet de prendre le frais, de regarder le large et les couchers de soleils, entre les groupes de pêcheurs et les amoureux d'un soir ou d'une vie.

Le populaire Centro Habana

Le populaire Centro Habana
Callejon de Hamel © Atlantis - Fotolia

Deux édifices délimitent le quartier de Centro Habana. À l'est, le siège du gouvernement avant 1959, ce Capitole, bouffi d'orgueil, au nom emprunté à Washington. À l'ouest, la plaza de la Revolución, avec deux visages qui illuminent leurs façades la nuit, ceux de deux célèbres révolutionnaires : Camilo Cienfuegos et  Che Guevara.

Ce dernier est inspiré par le célèbre portrait photo du Cubain Alberto Korda. L'Argentin, qui fut un des premiers ministres après la prise du pouvoir par les communistes, bénéficie encore d'un large culte. Sa figure orne les casquettes dans les boutiques de souvenirs ou les murs façon street art.

Au premier abord, on ne s'en rend pas compte, mais La Havane brille par l'absence de publicité, de panneau d'affichage ou d'écrans plats. Les marques internationales sont encore absentes du paysage. Après tout, dans les supermarchés, chaque produit est une marque locale unique.

Street art et Art déco

Pas de pub donc, mais du street art à foison. Une jeune génération d'artistes a pris le parti d'occuper les murs de la ville. En venant, les touristes partagent leurs œuvres sur les réseaux sociaux, contribuant à l'émergence de leur célébrité.

Les silhouettes naïves et molles de Yulier P. et  le mystérieux homme cagoulé que représente Fabian, sous le pseudo « 2+2=5 », dans plusieurs positions. Regardez bien autour de vous, les murs ont la parole comme dans le Callejon de Hamel où a officié l’un des plus grands muralistes d’Amérique latine, Salvador Gonzalez Escalona.

L'un des buildings les plus étonnants de Centro Habana, c'est le Lopez Serrano Building, une forteresse carré Art déco, surmontée d'une flèche. Un petit air de New York. Avec ses dix étages et ses 78 appartements, il s'agit d'un des premiers « gratte-ciel », toutes proportions gardées, de La Havane. Achevé en 1932, ce bijou a bénéficié il y a quelques années de fonds pour sa restauration. Insuffisants, hélas.

Dans le vieux Havane, le Bacardi Building, autre bijou de l'Art déco, construit en 1930 sur les plans de l'architecture Esteban Rodríguez Castells a heureusement bénéficié d'une restauration. Située sur la Avenida de Bélgica, sa façade de granite impressionne.

On ne saurait trop vous conseiller de vous égarer dans ce quartier central, entre les vendeurs ambulants de fruits et légumes, les vélos-taxis, les parties de dominos sur une table à côté du trottoir, les gesticulations des écoliers en uniforme, les boucheries où pendent des viandes sur les devantures...

On vous alpague parfois dans la rue, pour vous entraîner dans une maison où sont vendus sous le manteau des cigares. Pas forcément au meilleur prix. Quand la pluie tombe, les rues en pente de La Havane se transforment en torrents. Même un parapluie s'avère inefficace pour se protéger. Un taxi peut alors proposer de vous emmener à votre destination, mais le tarif a augmenté car « il pleut ». Il faut négocier sec.

Le Vedado, quartier résidentiel

Le Vedado, quartier résidentiel
Rue du Vedado © Joël Métreau

Dans ce quartier résidentiel, des maisons flamboyantes, entourées de jardins bien entretenus, côtoient de petits immeubles sans âme. Le linge pendu et multicolore redonne du lustre aux balcons, où s'échappent des fenêtres des morceaux de reggaeton.

À Cuba, le mélange de rythmes cubains et de dancehall jamaïcain, dont le groupe Gente de Zona est l'un des représentants, a détrôné le Buena Vista Social Club. Des fêtes organisées à l'intérieur des cours des bâtiments les plus somptueux perpétuent aussi leur héritage.

Plus on va vers l'ouest, plus le quartier gagne en quiétude. Plus loin, un cinéma avec une façade des années 1950, sans blockbusters à l'affiche. Les cris d'un homme qui propose ses services de réparateur en tout genre rompent le silence.

À La Havane, on rafistole tout tant bien que mal, des appareils électroménagers aux motos et aux modèles anciens de voitures, des Chevrolet aux Lada. Le spectacle le plus commun à La Havane, c'est celui des Havanais en train d'exercer ensemble sur le trottoir leurs compétences de mécaniciens.

John Lennon et Christophe Colomb

On croit facilement se perdre dans le Vedado, dans ces rues perpendiculaires identifiées par des chiffres et des lettres, étourdis à force de lever la tête vers les palmiers et les bougainvilliers. Aux croisements des voies, de discrètes bornes blanches permettent de s'y retrouver. En bas de l'avenida de los Presidentes, les lettrages jaunes illuminés sur le toit de l'hôtel 4 étoiles Roc Presidente servent de repère dans la nuit.

Autre point de repère, le parc John Theodore Lennon, avec sa sculpture en bronze de José Villa Soberón, inaugurée en l'an 2000. Un John Lennon plus vrai que nature, les jambes croisées sur un banc, qui attend que les touristes prennent tour à tour la pose à ses côtés. Paradoxalement, c'est le groupe rival des Beatles qui aura le premier donné un concert sur l'île.

En bifurquant vers le sud, on déboule sur le vaste cimetière Christophe Colomb, avec ses quelque 500 petites chapelles et mausolées, sur un rectangle de 57 hectares. À la différence du Père Lachaise parisien, ici point de colline, encore moins d'arbres. Dans la chaleur écrasante, les tombes blanchies par le soleil éblouissent les visiteurs. Ne pas manquer l'impressionnante entrée monumentale de ce lieu fondé en 1876.

En poursuivant vers le sud, le quartier appelé Nuevo Vedado abrite le parc zoologique qui fait face à la gare routière de Viazul, la compagnie de bus avec laquelle on peut partir vers deux autres villes inscrites au patrimoine mondial de l'humanité. Vers l’ouest et la magnifique vallée de Vinales , vers l'est et la délicieuse cité de Trinidad, au bord de la mer caribéenne.

Calle 23, par ici les sorties...

Calle 23, par ici les sorties...
Hotel Nacional de Cuba © kmiragaya - Fotolia

Cette voie qui traverse le Vedado est l'un des poumons nocturnes de la Havane. Vers l'est, la calle 23, alias « La Rampa », prend les atours de cœur vibrant de la ville, avec son alignement de bars, de cinémas, ses restaurants et ses boîtes.

Toutefois, le samedi soir, c'est davantage dans la rue que les Cubains se rencontrent, versant une joyeuse agitation sur les trottoirs. On y consomme son refresco (soda) ou sa cerveza (bière), de préférence la Presidente en bouteille ou la Boucanero, plus forte et ambrée, en canette. Le tout, sous le regard de l'Hotel Nacional de Cuba, un palace achevé en 1930 qui a accueilli Johnny Weissmuller ou Buster Keaton après son ouverture, puis les stars d'une époque : Ava Gardner, Frank Sinatra, Fred Astaire...

Les gays se réunissent en face d'une cafétéria au bout de la Calle 23. L'homosexualité n'est officiellement plus un délit. Mais des policiers surveillent la centaine de personnes. « Il y a déjà eu des heurts avec les travestis », glisse un Cubain. Après minuit, ils s'éparpillent dans différentes soirées et boîtes, comme le proche Cabaret Las Vegas, sur la Calzada de Infante, avec ses extravagants shows de transformistes.

Des groupes se forment à l'extérieur autour de points d'accès au wifi. Chacun à l’œil rivé sur son smartphone et pianote sur l'écran. Les Cubains ont désormais accès à Internet et aux réseaux sociaux.

En juillet 2015, le gouvernement avait ouvert 35 spots de wi-fi public dans l'île, et ce chiffre paraît avoir bien progressé depuis. N'empêche, les gens continuent de se presser autour des hôtels qui proposent le wi-fi. Auparavant, ils auront acheté et gratté une carte vendue par l'ETECSA, l'entreprise publique qui détient le monopole des télécommunications. Carte qui permet de surfer sur le Web dans un temps limité.

Fiche pratique

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Comment y aller ?

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Où dormir ?

En dehors des hôtels, les adresses où dormir ne manquent pas grâce aux Casas Particulares. Ces chambres d'hôtes sont signalées par une plaque sur la maison ou à côté de la porte. Sur la plaque, un symbole bleu sur fond blanc, qui représente comme une ancre. En logeant chez l'habitant, on découvre mieux la vie quotidienne des Cubains.

À La Havane, on a beaucoup apprécié loger au quinzième étage d'un immeuble dans le Vedado. L'adresse, c'est : Calle 15 #152 entre K et L.  Piso 15 Apto 141. Pour réserver : alucard68686@gmail.com 

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Où manger ? Où boire un verre ?

- El Cochinito : entre Calle I et Calle H, 435 Calle 23. El Cochinito, cela veut dire petit cochon en espagnol. Dans les plats du porc donc, mais aussi du poulet. Ce restaurant du Vedado sur la Calle 23 vaut surtout pour sa vaste cour couverte par les branchages d'un grand arbre. Le service peut être long. Alors patience...

El Chanchullero : Brasil (Teniente Rey), 457A, sur la pl. de Cristo. Poulet, crevettes grillées et autres plats simples servis pour pas cher dans un paladar près du Capitole. Une bonne adresse.

- Sociedad Castropol : Malecón, 107. Une taverne qui sert une cuisine bien troussée, avec, en prime un terrasse sur le Malecón !

- La Zorra y el Cuervo : calle 23, 155. L’un des meilleurs clubs de jazz latino de La Havane, au cœur de la « Rampa ». Oscar Valdes et Roberto Fonseca s’y produisent régulièrement.

- Nombreux établissements sur la Calle 23 (« la Rampa ») : l’endroit où sortir à Cuba.

- Bar Dos Hermanos : San Pedro. L’un des plus vieux bars de La Havane. Un lieu chargé d’histoire, donnant sur le port.

- Pour les aficionados de Hemingway, El Floridita et la Bodeguita del Medio, mais ce sont (presque) plus des musées que des bars.

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Playlist Routard Cuba

Texte : Joel Metreau

Mise en ligne :

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