La Pologne, de la Baltique à la Podlachie
Il y a la Pologne des villes et la Pologne des campagnes. Traversant le pays d’ouest en est, de la frontière allemande aux confins de la Biélorussie, ce voyage entre mer et terres prend les chemins de traverse, sans oublier les incontournables.
Tout commence sur le littoral de la mer Baltique, aux longues plages où l’on cherche les lambeaux d’ambre, sur fond de forêts de pins. Plusieurs sites classés au patrimoine mondial s’ensuivent : la ville médiévale de Toruń, patrie de Copernic ; le château des chevaliers teutoniques à Malbork ; puis la forêt de Białowieża, sanctuaire des derniers bisons d’Europe.
Entre temps : une belle escale dans les verdeurs et les lacs de Mazurie, survolés par les cigognes, et un détour par les mosquées tatares de Podlachie. La Pologne n’a pas fini de vous surprendre !
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A l'est on l'appelle Uznam, à l'ouest Usedom. Recouverte de vastes forêts de pins entremêlés de feuillus, la grande île (445 km2) attira dès le début du XIXe s les curistes et les villégiaturistes allemands. Partagée depuis 1945 par l’Allemagne et la Pologne, elle abrite toujours de part et d'autre de la frontière plusieurs stations balnéaires très animées tout au long de l'été.
À l'est, Świnoujście, ex-Swinemünde, atteinte par un bac et par nul autre moyen, entretient ses souvenirs et ses nobles maisons 1900. De son grand port de pêche et de commerce, les ferries filent vers la Suède et le Danemark.
L'île de Wolin, la plus vaste de Pologne (260 km2), flotte, elle, à l'orée de l’immense lagune de Szczecin, formée par le déversement du fleuve Oder. Les anciens Slaves y établirent dès la fin du premier millénaire un poste de traite, où s'échangeaient fourrures, esclaves et ambre.
Piquetée de collines, de lacs et de rochers, vestiges des anciennes glaciations, Wolin se couvre d'un manteau de grands hêtres. Protégée par un parc national, refuge des rares pygargues à queue blanche (l'aigle symbole de la Pologne), elle se jette par endroits en mer du haut de falaises atteignant 90 m.
Ailleurs, la plage reprend ses droits. A Międzyzdroje, la plus importante station de l'île, adossée à un bourrelet de dunes boisées, l'heure est ainsi à la baignade et aux châteaux de sable. La plage, très large, s'étend à perte de vue, ininterrompue si ce n'est par une haute jetée s'avançant au-dessus des eaux sombres de la Baltique.
Sur la côte d’Ambre
Vers l'est, passé la profonde baie de Kamien et ses paysages de prés salés, les plages font la chaîne sur plus de 300 km : à Dziwnówek, à Rewal, à Kołobrzeg (le principal centre balnéaire de la région), à Darłowo aussi, où Éric XIII, roi de Norvège, du Danemark et de Suède — et pirate à ses heures — établit ses quartiers vers le milieu du XVe s. Ici, le littoral reçoit à chaque tempête des miettes de résine fossilisée arrachées aux fonds marins : c'est ce qui lui a valu son nom de Côte d'Ambre.
Les courants déposent aussi du sable, beaucoup de sable, construisant au fil du temps des lagunes et des cordons littoraux réputés pour leurs dunes mouvantes — parmi les plus hautes d'Europe. Celles du parc national Słowiński (327 km2), refuge des cygnes muets, des pygargues et des rares cigognes noires, peuvent atteindre 40 m ! Façonnées par les vents venus du large, elles avancent peu à peu, avalant au passage arbres et arbustes. On les rejoint en vélo à travers la forêt de pins depuis les abords de Łeba, en navette électrique, ou à pied en longeant le littoral (1h30 environ).
Dans les terres, les panneaux perdent la tête. Les Polonais parlent de Kashuby, les Allemands de Kaschubei, les Cachoubes de Kaszëbë. Mais quelles sont donc cette drôle de terre et sa drôle de langue ? Un pays slave, héritier de la vieille Poméranie, greffant sur sa colonne vertébrale polonaise des influences bas-allemandes et prussiennes. Et côté paysages ? Imaginez bocages, lacs et lacs encore.
La superbe Gdansk n’est qu’à deux pas. Pour sa visite, lire notre reportage sur Gdansk.
Toruń, la ville de Copernic
Du XIVe au XVIe s, le royaume polono-lituanien est au fait de sa gloire ; architecture, arts et sciences se développent, tandis que plusieurs cités polonaises intègrent la Ligue Hanséatique.
Parmi elles : Toruń, sur la basse Vistule, où naît en 1473 le plus illustre des Polonais, Nicolas Copernic. Parmi les très rares villes polonaises à avoir échappé aux destructions de la Seconde Guerre mondiale, elle conserve une part importante de son enceinte fortifiée et, au centre, un splendide ensemble d’architecture médiévale — qui lui a valu d'être classée au patrimoine mondial par l’Unesco.
Au centre du rynek, la place centrale, encadrée de jolies demeures baroques, l’hôtel de ville fait bande à part : lui est gothique, remanié dans le style de la Renaissance flamande. De sa tour, se détachent la Maison sous l’Étoile, à la façade couverte de stucs floraux, et les périscopes de la cathédrale des Saint-Jean et de l’austère église Notre-Dame — toute de brique rouge, aux vitraux hauts de 15 m !
Sur l’esplanade, contre le petit marché aux fleurs et la fontaine aux grenouilles, un bronze trône, l’index levé, un globe terrestre dans l’autre main. L’inscription est formelle : « Nicolas Copernic, habitant de Toruń, a mis la Terre en mouvement et arrêté le Soleil et le ciel ».
À deux pas, dans une rue portant son nom, la maison natale de l’astronome a été transformée en musée. Elle voisine avec le réjouissant Muzeum Piernika, où l’on apprend en famille (et en anglais) à confectionner le pain d’épices décoré — une spécialité locale passée du statut de friandise à celui d’objet d’art !
Château de Malbork : dans le sillage des chevaliers Teutoniques
De ville en ville, bien des vieux châteaux évoquent l’épopée des chevaliers teutoniques, ces croisés allemands qui, au Moyen-Âge, soumirent la région et ses païens prusses et slaves.
Aucun ne dégage la même puissante dominatrice que Malbork, siège de l’ordre de 1309 à 1450 sous le nom de Marienburg. Voilà, ni plus ni moins, le plus grand château médiéval en briques d'Europe (classé au patrimoine mondial) !
Vue de la passerelle jetée sur la rivière Nogat, l’immense forteresse s’élève par paliers majestueux jusqu’aux créneaux supérieurs du plus haut donjon, en un patchwork de toits, de hautes baies gothiques, de fortes tours rondes et pointues. Malbork accumule plusieurs enceintes successives, protégeant pas moins de trois châteaux en un — chacun avec ses propres moyens de défense.
Si l’avant-Château, où se regroupaient les activités commerciales, a largement disparu, la grande cour rectangulaire du Château Moyen, accessible par un pont-levis, a retrouvé toute sa prestance. Sur les flancs se répartissent notamment les appartements du Grand Maître, le Grand Réfectoire voûté (450 m2 !) doté d’un chauffage au sol, et le Réfectoire d’été à la voûte radiale soutenue par un unique pilier central.
Un second pont-levis, franchissant de profondes douves, permet d’accéder au siège du pouvoir politique et religieux de l'ordre : le Château Haut. Entouré de lices où poussent les rosiers, il est le sanctuaire de l’exceptionnelle Porte d’or romane, polychrome. Côté chevet, l’église Notre-Dame a enfin retrouvé en 2016 sa statue de Marie de 8 m, recouverte de 300 000 tesselles rouges, bleues et dorées.
La Mazurie, entre canaux et cigognes
Sur les cheminées, sur les poteaux, de grands nids ronds signalent les résidences estivales des cigognes qui, année après année, reviennent au pays pour se reproduire. La bourgade de Żywkowo, en Warmie, détient le record de cigognes par tête de pipe : une centaine d’oiseaux pour 25 malheureux habitants !
Si la révolution agricole productiviste promue par l’UE s’est accompagnée d’un déclin rapide de la biodiversité, l’essentiel de la Mazurie, plus à l’est, demeure intacte. Ici, les champs le disputent encore aux forêts de pins, de bouleaux et de chênes, aux étangs et lacs postglaciaires éparpillés par milliers — et reliés entre eux par un dédale de voies d’eau.
Les cygnes muets y nichent (comme au Łuknajno), à moins que ce ne soient les loutres qui y batifolent. On s’y déplace en kayak, en canoë, en voilier, en bateau de croisière — à moins de préférer pédaler sous les longues allées de platanes campagnardes. Le seul itinéraire de la Krutynia, magique, s’étire sur 116 km entre lacs, pontons, moulins, roselières et tapis de nénuphars.
Si les villes de la région ne sont guère séduisantes, quelques lieux retiennent l’attention, comme l’église follement baroque de Święta Lipka, encadrée de ses galeries à l’italienne. Pas bien loin, tapie sous la forêt, la Tanière du Loup doit son nom à Hitler, qui en fit son quartier général de l’été 1941 au début de l’hiver 1944. Qu’en reste-t-il ? Quelques bunkers XXL éventrés par la dynamite, où résidaient notamment le Führer, Göring, Himmler et Bormann. Mussolini, lui, vint 3 fois en visite.
En Podlachie, des mosquées en terre chrétienne
Tout à l’est du pays, en Podlachie, les forêts semblent s’éterniser, ne livrant plus au regard que quelques parenthèses rurales, les pieds campés dans la boue ou le gel huit mois de l’année. Le long des routes et des pistes, les calvaires en bois y répondent aux batteries rutilantes de pots à lait attendant le passage du collecteur.
Lituanien, polonais, prussien, russe puis re-polonais, ce carré de terroir continental a souvent changé de mains, sans jamais se départir d'un mystérieux air d'Orient… Faut-il y voir l’influence des quelque 2 000 musulmans, descendants des anciens envahisseurs tatares, installés ici depuis le XVIIe siècle pour services rendus à la nation ?
À Bohoniki, un hameau perdu au milieu des champs, à portée de tir de la Biélorussie, un panneau indique timidement szlak tatarski. Fermée, la mosquée ? Bientôt la gardienne surgit, en bottes, file se faire une beauté, chausse son foulard et revient, triomphante, la clef en main. L’intérieur, tout en bois, est frais et simple, avec ses tapis de prière colorés au sol, son mihrab indiquant la direction de la Mecque et son minbar d’où prêche épisodiquement l’imam formé à Białystok.
Les autres semaines, il officie en ville, ou à la petite mosquée (en bois) de Kruszyniany, à 40 km vers le sud. Plus jolie encore avec ses deux clochetons en forme de bulbes, peinte en vert couleur de l’islam, celle-ci s’anime à l’occasion du baïram (la fête de l’aïd), qui voit toute la communauté se réunir, avant d’aller se recueillir au cimetière voisin.
Qui a vu le bison de Białowieża ?
À l’extrémité de la Podlachie, l’hiver venu, le froid enveloppe les forêts et les champs de neiges frigides : ici, aux portes de la Grande Russie, s’étendent les steppes éternelles qui virent s’enliser les soldats napoléoniens et fantasmer les grands écrivains.
L’été, le long des petites routes de terre, défilent des fermes en gros rondins, des carrés hardiment labourés, des lupins bleus, des chevaux paissant en paix. L’homme n’est ici que parenthèse, engoncé dans le vert de la profonde forêt de Białowieża.
Terrain de chasse privilégié des rois polonais et des tsars, le lieu, souvent présenté comme la dernière grande forêt primaire d’Europe, a été classé parc national et patrimoine mondial par l’Unesco.
À Stara Białowieża, les grands hêtres, les tilleuls, les chênes nés à l’époque de Copernic — et affublés de noms de rois —, toisent le sol de leurs 50, 55 m. La faune est riche, quoique fort discrète : ours, loups, lynx, élans, sangliers, blaireaux et cerfs habitent tous Białowieża, sans oublier 600 des derniers bisons d’Europe.
Plus gros que son cousin américain (900 kilos pour 2 m), le żubr, comme on l’appelle ici, est aussi plus farouche : il faut se lever en pleine nuit, l’été, pour espérer l’entrapercevoir à l’aube naissante, broutant aux limites de la forêt — ou affronter les frimas printaniers lorsque, parfois, il traîne aux portes de la zone strictement protégée, plus facilement accessible. À défaut, il ne restera plus qu’à voir la Rezerwat (zoo) ou trinquer à la Żubrówka, la célèbre vodka à l’herbe de bison !
Fiche pratique
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Comment y aller ?
La compagnie nationale, LOT, assure des vols directs vers Varsovie depuis Paris, Nice, Genève, Bruxelles et Luxembourg, avec correspondance possible vers les grandes villes du pays (dont Gdańsk et Szczecin, les deux principaux aéroports de la côte de la Baltique) ; ses vols ne sont pas très chers. Autre option avec Ryanair au départ de Paris Beauvais pour Varsovie notamment (et depuis Toulouse).
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Se déplacer en Pologne
Les chemins de fer polonais sont fiables, pas trop lents (il y a même des intercity rapides) et bon marché, que demander de plus ? Des bus pour aller partout où le train ne va pas, notamment sur la côte de la Baltique, en Mazurie et en Podlachie !
Bien sûr, rien ne vaut la voiture pour visiter les coins perdus du littoral et de l’Est du pays, où les pistes remplacent par endroits le goudron — bonnes en été, elles peuvent être difficilement praticables hors saison. Le réseau routier s’est bien développé depuis une décennie (plusieurs autoroutes sont encore en construction).
www.intercity.pl et www.e-podroznik.pl
Climat
Relativement instable, le climat polonais est marqué par des influences contradictoires : maritimes du côté de la Baltique et continentales à l’Est du pays. Les étés sont plutôt chauds (moins vers la mer, plus dans les terres), avec des températures dépassant souvent les 30°C, les hivers plutôt froids (même remarque) et les averses fréquentes. La température de la mer dépasse rarement 20°C en août-septembre. Le printemps est court et assez pluvieux, l’automne est souvent beau.
Où dormir ? Où manger ?
Luknajno à Mikolajki : une adorable auberge en pleine Mazurie, occupant une vieille bâtisse amarrée près du lac Łuknajno, où nichent les cygnes muets (en polonais, anglais et allemand).
Carska : dormir dans le wagon du tsar et dîner dans sa gare privée ? C’est possible au Carska, aux portes de la forêt de Białowieża (en polonais, anglais et allemand).
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Texte : Claude Hervé-Bazin
Mise en ligne :