Philadelphie, le berceau des États-Unis

Philadelphie, le berceau des États-Unis
Philadelphie © f11photo - stock.adobe.com

Que voir, que faire à Philadelphie ?

Quelle fut la première capitale des États-Unis ? Philadelphie. Où se réunirent les délégués des 13 colonies qui choisirent de proclamer l’indépendance du pays en 1776 ? À Philadelphie. Où se tint la première exposition universelle américaine ? Philadelphie encore.

City of firsts, comme elle aime à se surnommer, Philadelphie fait, une fois n’est pas coutume, remonter l’histoire de l’Amérique bien avant l’émergence des gratte-ciels. Ici, dans le centre historique et les quartiers voisins, la brique règne au long des rues – certes quadrillées, mais plantées d’arbres.

Philadelphie, c’est l’Amérique en grand : son histoire, ses institutions, ses vaches sacrées, ses richesses et ses petites folies.

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Philadelphie, la ville de l’indépendance

Philadelphie, la ville de l’indépendance
Independance Hall © jiawangkun - stock.adobe.com

Sa présence au dos du billet de 100 $ en dit long sur son importance : Independence Hall est au cœur de l’histoire américaine. C’est dans cet édifice aux faux airs d’église, coiffé d’une tour d’horloge que, en 1776, les représentants des premières colonies américaines se réunirent pour rédiger et signer la déclaration d’Indépendance des États-Unis. Onze ans plus tard, guerre contre les Anglais gagnée (avec l’aide de la France), la Constitution y fut à son tour rédigée.

Géré par le Service des parcs nationaux, l’édifice, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, se visite sous l’escorte d’un guide-ranger. On s’attend à une minutieuse description des heures historiques pour se retrouver embarqué(e) dans un débat inattendu : aurait-on, à la place des pères fondateurs, privilégié l’unité du jeune pays (comme Washington) ou la liberté de ses différents États (comme Jefferson) ? Près de 250 ans plus tard, le débat continue d’habiter la politique américaine.

Congress Hall © Roman Babakin - stock.adobe.com

Le Congress Hall voisin accueillit le premier Parlement américain de 1790 à 1800, période qui vit Philadelphie endosser le rôle de capitale – avant que Washington, construite de toute pièce à mi-chemin du Nord et du Sud (terrain neutre), ne lui succède.

Du côté opposé, attenant au vieil Hôtel de Ville, le Philosophical Hall témoigne de l’engouement du Siècle des Lumières pour les sociétés savantes. C’est Benjamin Franklin, génial touche-à-tout, qui le fonda en 1743. À l’époque, singes, panthères et ours vivants y étaient exposés…

Old City, Philadelphie de jadis

Old City, Philadelphie de jadis
Liberty Bell © f11photo - stock.adobe.com

Face à Independence Hall, un bâtiment moderne abrite un autre symbole essentiel : la Liberty Bell. Cette cloche anglaise fêlée, de piètre qualité, sonna pour la première fois en juillet 1776 pour célébrer l’indépendance : de quoi lui valoir une place dans l’Histoire et le cœur des Américains, qui font consciencieusement la queue pour l’admirer.

La maison de Washington était à côté : il n’en reste presque rien. On retrouve le premier président américain, représenté de trois quarts, dans la proche galerie de portraits de la Second Bank of the United States, aux côtés de 184 autres pères de la nation. Il y a là pas mal de Français, dont l’essentiel La Fayette et le comte de Rochambeau.

Musée Benjamin Franklin © f11photo - stock.adobe.com

Benjamin Franklin habitait à un jet de pierre. De sa maison détruite, il ne demeure qu’un tracé et une ossature de poutrelles restituant sa structure. En sous-sol : un musée dédié à cet homme étonnant, qui inventa les lunettes à double foyer et le paratonnerre, cartographia le Gulf Stream et écrivit un essai sur… les flatulences ! Il s’ennuyait alors en tant qu’ambassadeur à Paris et entendait ainsi dénoncer les débats scientifiques par trop prétentieux.

Sites historiques visités, il faut s’attaquer aux grands musées. Le Museum of the American Revolution, inauguré en 2017, détaille superbement chaque phase du conflit à travers objets, documents et animations interactives. Le National Constitution Center se charge, lui, d’expliciter la Constitution aux Américains (et aux autres) au fil de son évolution.

Philadelphie, dans l’ombre des quakers

Philadelphie, dans l’ombre des quakers
Statue de William Penn © Jin - stock.adobe.com

Fondée en 1682, Philadelphie doit tout à un homme : William Penn. Ce fils d’un amiral anglais de bonne noblesse se fit très jeune remarquer par sa propension à critiquer l’église anglicane, ce qui lui valut divers séjours en prison. L’époque regorgeait de sectes puritaines dont les membres, persécutés, se lancèrent sur l’océan pour rejoindre l’Amérique et sa liberté promise.

Membre devenu influent de la communauté des « trembleurs » (devant Dieu), William Penn eut la chance d’hériter d’une fortune – et, mieux encore, d’une dette royale. Charles II accepta, pour solde de tout compte, de lui allouer sur ce nouveau continent un territoire grand comme l’Angleterre. La Penn-sylvanie (« forêt de Penn ») était née.

À l’angle d’Arch Street et de 5th Street, la Free Quaker Meeting House (1783) témoigne, par sa nudité presque totale, d’une particularité notable : pas de chaire ici, pas de curé ni de pasteur chez les quakers, pas de hiérarchie ecclésiastique non plus, mais une foi très individuelle guidée par la non-violence et la tolérance (y compris vis-à-vis des Amérindiens). La ville y a d’ailleurs gagné son nom : Philadelphie c’est, en grec, « la cité de l’amour fraternel ».

L’été, souvent, un occupant en haut de forme attend de pied ferme le visiteur. Ne lui parlez pas d’aujourd’hui, il vous répondra 1844. Ne lui dites pas que vous avez eu du mal à vous garer, il vous entretiendra de la dernière réunion de prière de ses pairs ou des émeutes nativistes (anti-catholiques) qui, cet été-là, endeuillèrent tristement la ville.

Reading Terminal Market, le ventre de Philadelphie

Reading Terminal Market, le ventre de Philadelphie
Reading Terminal Market © f11photo - Shutterstock

Mercredi, 11 h. Sur le comptoir de Lancaster County Farm Fresh, fruits et légumes de saison précèdent des étagères croulant sous les confitures et les bocaux. Le chapeau de paille et le collier de barbe ne trompent pas : le stand appartient à une coopérative amish. À la Beiler’s Bakery, c’est une jeune femme austère aux cheveux retenus par une résille qui sert un assortiment de donuts ou une shoofly pie à la mélasse – typiquement amish.

Live and cooked lobsters. Roast pork and beef. Deli & Cheeze shop. Country foods. Cheesesteaks à gogo. Peking duck. Gyros. Jambalaya (la paella cajun). Bretzel’s (direction Millers’ Twist, 100 % amish). Sushis… Tous les produits de la Terre, toutes les cuisines du monde sont là, ou presque.

Le Reading Terminal Market a fêté ses 125 ans début 2018. Mieux qu’un édifice historique, mieux qu’une vieille habitude : une icône. Une collection serrée de stands alignés au long de travées affublées de noms d’avenues, au-dessus desquels se multiplient les panneaux lumineux, les néons roses, rouges, verts et bleus, jusqu’aux lettres Art déco délicieusement rétro du Hershel’s East Side Deli. On y engloutit un sandwich au pastrami (poitrine de bœuf) XXL avec salade de pommes de terre ou coleslaw (salade de chou à la mayo).

Les murals : Philadelphie, capitale du street art

Les murals : Philadelphie, capitale du street art
Mural à Philadelphie © Christian Carollo - Shutterstock

À deux blocks du marché, le colossal Town Hall se plante au confluent des deux artères principales du downtown, dressant au-dessus de la ville son périscope blanc coiffé par une statue de William Penn. On y grimpe par un vieil ascenseur, découvrant d’un coup le plan précisément quadrillé de la ville, ses bornes aquatiques (rivière Schuylkill à l’ouest, Delaware à l’est) et, juste en contrebas, le temple maçonnique néogothique – le plus grand au monde, aux loges inspirées (notamment) de l’Égypte et de la Grèce antique, version Hollywood…

À deux pas, sur Market Street (n° 1301), un grand « arbre du savoir » aux airs d’olivier orne la façade triste d’un immeuble. Voilà bien l’idée du Mural Arts Program : embellir la ville autour de projets communautaires. Né en 1984 dans le cadre d’un programme social destiné à débarrasser la ville de ses tags et canaliser l’énergie de jeunes marginaux, le MAP a connu un tel succès que, aujourd’hui, plus de 4 000 fresques ornent les quartiers de Philly !

Beaucoup se regroupent en périphérie, dans les zones les moins favorisées, où les habitants choisissent ensemble le motif et participent (à leur mesure) à sa réalisation. Il y a de tout : de grandes figures locales, des musiciens, des sportifs, des héros de la lutte sociale… On les découvre au gré de divers parcours guidés, à pied, à vélo ou en métro, à moins d’explorer soi-même le centre, Mural Mile Map en main.

Philadelphie : des musées d’envergure

Philadelphie : des musées d’envergure
Museum of Art © Samuel B. - stock.adobe.com

Ville aussi culturelle que multiculturelle, Philadelphie doit à ses millionnaires et milliardaires des musées d’une richesse inouïe.

Tant de grandes donations ont enrichi le Museum of Art que l’institution se trouve aujourd’hui à l’étroit malgré ses 172 salles ! Il y a là des temples asiatiques entiers, un cloître roman complet, tous les grands maîtres européens depuis la Renaissance, la plus grande collection d’œuvres de Marcel Duchamp et l’un des sept Tournesols de Van Gogh… Bref, ne faites pas comme Stallone dans Rocky et ne vous contentez pas des marches !

Barnes Foundation © L F File - Shutterstock

Mieux encore ? En passant devant le proche Rodin Museum (128 œuvres au compteur), on rejoint la Barnes Foundation. Collectionneur aussi passionné que compulsif, Albert Barnes, enrichi par un antiseptique révolutionnaire de son invention soignant la blennorragie (!), accumula les toiles, les céramiques antiques, le mobilier, les pièces d’art décoratif et jusqu’aux ferronneries les plus diverses. L’ensemble se retrouve aujourd’hui côte à côte, dans des pièces reconstituées pour ressembler précisément à celles de son premier lieu d’exposition. Derrière cette fantaisie, la richesse de l’ensemble est stupéfiante. Il y a là 181 Renoir, 69 Cézanne, 59 Matisse (dont Luxe, Calme et Volupté), 46 Picasso et beaucoup d’autres encore.

Musée d’archéologie et d’anthropologie, le Penn Museum s’enorgueillit, lui, de sa nouvelle aile moyen-orientale (superbe !). Le PAFA, plus ancien musée d’art du pays, regroupe une riche collection d’artistes américains. Le Franklin Institute joue au palais de la Découverte. Le Mütter Museum, plus anecdotique, collectionne les aberrations physiologiques dans le formol… Quant à l’Eastern State Penitentiary, à l’abandon, on peut y voir la cellule d’Al Capone.

Cheesesteak, sexe et rock’n roll

Cheesesteak, sexe et rock’n roll
Cheesesteak © FomaA - stock.adobe.com

C’est sur South 9th Street, pas bien loin de l’Italian Market et de ses trottoirs encombrés de fruits et légumes (rareté américaine), que se regardent en chiens de faïence deux des ténors du cheesesteak philadelphien – ce gros sandwich aux fines tranches de bœuf et fromage fondu, imaginé ici même dans les années 1930.

À gauche, sur son îlot encadré de trois rues : Pat’s King of Steaks. À droite, derrière sa façade en céramique orange flashy : Geno’s. Dans un cas comme dans l’autre, on commande au guichet et on tente d’avaler la bête, qui dégorge plus que de raison, sur une table graisseuse posée à même le bitume, en zieutant les photos dédicacées des innombrables personnalités venues sacrifier au rituel.

Côté horaires, avantage à Pat’s, ouvert 24-7. Côté prix, petite économie chez Geno’s (9 $ au lieu de 11 $). Le meilleur ? Aucun des deux – le cheesesteak, c’est rigolo, mais ce n’est pas non plus inoubliable… Si un doute vous prend, reste à essayer Jim’s Steaks, pas bien loin sur South Street, l’artère alternative de Philly, où l’on magasine entre boutiques de fripes, vieux disquaires (de retour), condoms et lubrifiants, cuirs et T-shirts pour métaleux.

Il y a là un autre drôle d’oiseau : les Magic Gardens, pas bien verts, mais tapissés de la tête au pied de tessons, bris de verre, bouteilles et autres roues de vélo, façon facteur Cheval psychédélique et déprimé. En septembre, posez-vous et attendez : vous devriez bientôt voir passer les participants de la Naked Bike ride !

Fiche pratique

Consulter notre guide en ligne États-Unis 

Office du tourisme de Philadelphie

Comment y aller ?

American Airlines assure un vol quotidien direct entre Paris-CDG et Philadelphie. Sinon, on transite à Dublin avec Aer Lingus, Montréal avec Air Canada, Francfort avec la Lufthansa et les diverses compagnies américaines via leur principal aéroport d’attache. Sur place, inutile de louer une voiture : les parkings sont très chers et l’essentiel des visites peut se faire à pied ou, à défaut, en métro.

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Quand y aller ?

Le climat, à dominante océanique tempérée, est marqué par des influences continentales. Il fait ainsi généralement assez chaud et humide en été (21-31 °C en juillet) et assez froid en hiver (0 °C de moyenne en janvier, avec des journées à 10 °C et des nuits sous les -10 °C). L’influence maritime empêche de trop gros extrêmes, mais il y a parfois de grosses tempêtes de neige.

Où dormir ?

L’hébergement dans les villes du Nord-Est américain coûte cher et Philadelphie ne fait pas exception à la règle. Pas de camping à moins d’1 h de route, pas de motels avant les lointaines banlieues…

Pour les petits budgets, on trouve 3 bonnes auberges de jeunesse, toutes idéalement situées dans Old City : l’excellent Apple Hostel (33 Bank St), divisé en 2 édifices, qui propose même des chambres privées ; et les AJ jumelles du City House Hostel (17 N 2nd St) et de l’Old Philly City House (325 Cherry St), plus petites, avec seulement des dortoirs.

Sinon, il faut prévoir entre 150 $ et 250 $ (130-220 €) pour une chambre double, que ce soit dans les hôtels classiques de chaîne ou les quelques bons B & B de la ville. Parmi ces derniers, peu nombreux, conseillons la Thomas Bond House (129 S 2nd St), une élégante maison de 1769 dans Old City, gérée par le Service des Parcs Nationaux ; et La Réserve (1804 Pine St) occupant 2 maisons mitoyennes du 19e siècle.

Tout en haut de l’échelle, Philadelphie ne manque pas d’adresses chic de charme, comme le Morris House Hotel (225 S 8th St), occupant une demeure à colonnade datant de 1787 mangée par la vigne vierge, et le très feutré Rittenhouse 1715 (1715 Rittenhouse Sq). Mais là, les prix sont encore plus salés : minimum 200 $ (180 €) et souvent plutôt 300-400 $ (270-360 €).

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Où manger ?

La réputation gastronomique de Philadelphie n’est pas usurpée. Une fois exploré le Reading Terminal Market, une fois goûté l’incontournable cheesesteak, une fois croqué un bretzel et avalé un (gros) sandwich au pastrami (poitrine de bœuf) dans un deli juif, on s’intéressera aux bonnes tables qui envahissent le downtown.

Le chef-star Stephen Starr a ouvert pas moins d’une vingtaine d’adresses piochant dans toutes les cuisines du monde, dont le point commun réside davantage dans l’idée sublimée d’un lieu et de sa cuisine que dans l’authenticité.

Ses restos s’adressent à toutes les bourses : de l’abordable Jones (façon diner revisité ; 700 Chestnut St) au très chic Buddakan (néo-asiatique veillé par un Bouddha géant, 325 Chestnut St) en passant par le sympathique Talula’s Garden (tendance bio et cuisine saine, 210 W Washington St).

Autre chef de renom, José Garces, d’origine équatorienne, fait plutôt dans la cuisine latina et espagnole, comme au sympathique Amada (217-219 Chestnut St).

Dans Old City, on aime bien aussi la vénérable City Tavern (138 S 2nd St), au décor restitué comme en 1774, avec recettes de l’époque.

À Chinatown : l’incontournable Dim Sum Garden (1020 Race St).

Dans le Midtown Village : Vedge (1221 Locust St), un gastro végétalien comme seuls les Américains savent faire !

Enfin, pour un petit déj 100 % américain, ne ratez pas le très vintage Sam’s Morning Glory Diner (735 S 10th St), avec ses grosses omelettes et ses tabourets vissés au comptoir. Et encore, mi-resto mi-pub mi-boîte : Silk City (435 Spring Garden St), à la déco fifties de chromes étincelants et néons roses.

Voyages - États-Unis, 384 pages, 35 €

 

Texte : Claude Hervé-Bazin

Mise en ligne :

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