Équateur : Otavalo, fief indien
Cap au nord de Quito ! Direction la province d’Imbabura et la sierra, et plus précisément Otavalo, à 1 h 30 de route de la capitale. Une bourgade d’environ 40 000 habitants, perchée à 2 580 m d’altitude, sous les silhouettes imposantes des volcans Cotacachi et Imbabura. Avec ses maisons colorées, ses édifices baroques et son marché artisanal, Otavalo invite à une immersion dans la culture amérindienne. Une séduisante étape, à explorer les sens en éveil…
Préparez votre voyage avec nos partenairesOtavalo, une ville équatorienne haute en couleur
À l’entrée d’Otavalo, trois danseurs de pierre ouvrent le bal : des statues grossièrement sculptées, confinant à la naïveté. Fondée par les Espagnols en 1534, Otavalo porte le nom d’un peuple indigène, appartenant au groupe des Quechuas.
Se promener dans cette ville aux larges rues taillées au cordeau dépayse d’emblée. Les Indiens, solidement établis dans la région – ils étaient présents avant les Incas ! – portent toujours l’habit traditionnel.
Vêtues d’une sobre jupe sombre et longue égayée d’une blouse blanche brodée de fleurs, les femmes arborent toutes colliers et bracelets de perles de verre. Sur la tête, au chapeau se substitue parfois un épais foulard noir ou marine ; aux pieds de jolies espadrilles noires. Les hommes réservent plus souvent le pantalon de toile immaculée et le poncho de laine gris ou bleu aux jours de fête et aux dimanches. Mais tous et toutes portent fièrement leur chevelure de jais longue et nattée.
La ville elle-même est un plaisir : suffisamment animée pour ne pas s’y ennuyer, à taille humaine pour y flâner : une poignée de jolies maisons coloniales encadrent l’hôtel de ville à la façade néoclassique, l’église El Jordan à l’imposante coupole déverse son flot de croyants le dimanche, des magasins par dizaine brandissent vêtements traditionnels et bijoux.
Et, le soir venu, on se dirige dans les rues autour de la place des Ponchos : une belle concentration de restaurants et de bars vous y attend.
Ils sont beaux mes ponchos !
En cœur de ville, la vaste place des Ponchos porte bien son nom ; chaque jour, dès 8 h du matin s’y installe le marché, étourdissant de couleurs.
Ponchos aux teintes vives et pulls en alpaga, tapis tout aussi bigarrés et housses de coussins brodées : les étals jouent la répétition, cédant ça et là la place à une vendeuse de bijoux en tagua, l’ivoire végétal, ou de minuscules perles de verre, à un artisan du cuir ou un vendeur de flûtes. Certains objets de décoration se disputent la palme du mauvais goût, mais on trouve quelques souvenirs amusants, comme ces échiquiers où s’affrontent Incas et conquistadors.
Mieux vaut éviter le samedi et venir assez tôt, avant que les cars ne vomissent leurs lots d’autres touristes. Ou alors attendre la fin d’après-midi lorsque le gros des acheteurs est parti et que s’installe une douce langueur : on flâne alors tranquillement, alpagué par un vendeur encore aux aguets, mais jamais découragé par un refus souriant. Surtout, on prend le temps de discuter et, bien sûr, de marchander.
Le luthier est avant tout musicien et c’est bien volontiers qu’il joue quelques morceaux. Ici un pull bien doux : 100 % alpaga, plus rare – et donc plus cher -, mais qui vient du Pérou voisin. Un autre, un poil moins agréable, mêle laine de brebis et de lama, mais il est fabriqué ici.
Plus loin, une volée de ceintures chatoyantes : fuchsia, rouge orange et brodées à la machine, celle-ci vient du Guatemala. Bleue, blanche et bien plus sobre, elle est tissée à Otavalo. Pas de mensonge sur la provenance, c’est déjà ça. 18 h : les marchands remballent, sans se presser, en s’interpellant en quechua. Demain, ils seront à nouveau là.
Au marché aux bestiaux d’Otavalo
Samedi matin, le soleil est déjà haut. Depuis Otavalo, on emprunte la panaméricaine sur un ou deux kilomètres. Pas besoin de demander son chemin, il suffit de suivre la file de pick-up sans âge et les quelques cars ahanant qui, bientôt, se garent dans un soupir grinçant.
Des beuglements mécontents, le hennissement craintif d’un poulain : ici se tient chaque semaine de 6 h à midi, le marché d’Otavalo qui est l’un des principaux marchés à bestiaux d’Équateur. Éleveurs et acheteurs n’hésitent pas à faire 3 à 4 h de route pour conclure une affaire.
Un terrain vague, mais chacun son enclos ; des plus imposants aux plus petits : vaches, chevaux et cochons sagement parqués précèdent un champ où s’entassent, dans un désordre organisé, vendeurs de poules, poussins, canetons, dindons, lapins et… cochons d’Inde. Pour les Occidentaux, ce sont des animaux de compagnie. Dans la région, c’est un mets à déguster rôti à la broche, version lilliputienne du porc braisé, tout aussi apprécié.
Un fumet presque délicat nous détourne du spectacle. Sur le terre-plein qui surplombe le marché et dans le bâtiment adjacent, l’heure est au déjeuner, tous se retrouvent autour d’une soupe de pomme de terre ou d’une assiette d’hornado de chancho, le cochon (le vrai, bien dodu !) grillé lentement au feu de bois. Un régal !
Ilumán : un chamane, des chapeaux
Invariablement, on revient sur la Pana – comme les locaux surnomment la panaméricaine – cette fois, pour se rendre à Ilumán, à une dizaine de kilomètres d’Otavalo, au pied du volcan Imbabura.
Dans le pays entier, le village est avant tout connu pour ses chamanes, ou yachaks : ils ont même une association qui en regroupe une centaine. Mais l’artisanat est tout aussi ancré. Ce sont les chapeaux qui font la fierté du village. Rien à voir avec les fameux panamas, tissés à Cuenca ou Montecristi.
Dans la rue Bolivar, une grande vitrine ; la marque de couvre-chefs Shaman s’est taillé une jolie réputation. C’est Zoila Haro qui chapeaute l’entreprise créée par son grand-père. La solide sexagénaire perpétue cette tradition centenaire et s’attèle à fournir les indiens de la région.
À ceux de Pilahuin, le chapeau de laine pressée tout blanc. Mais la spécialité de la maison, c’est avant tout le feutre porté par les Otavalos, partie intégrante de la tenue traditionnelle des hommes comme des femmes. Les plus modestes optent pour un chapeau de laine de mouton, les plus fortunés s’arrachent ceux en poil de lapin !
D’autres préfèrent une variante sud-américaine du chapeau de cow-boy : en cuir épais, rigide à l’excès et doté de large bord. Quant aux coquettes, elles aiment à l’agrémenter d’une plume de paon !
Cotacachi, patrie du cuir
Sur la route du retour, on bifurque à gauche. Dix minutes d’une route paresseuse plombée par le soleil et voici Cotacachi, ses invariables rues au cordeau et sa place du marché.
Modeste le marché, mais en un coup d’œil on capte la spécialité du village : ceintures, sacs, portefeuilles ça fleure bon le cuir même si se mêlent quelques étals de bijoux en tagua ou de housses de coussins brodés. L’œil est d’abord soupçonneux. La qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Pourtant ce vendeur de casquettes se distingue : le cuir est souple, brillant, les finitions plutôt fines. Là encore, le marchandage est de rigueur. Là aussi, inutile de baisser le prix de façon indécente.
Le tour est vite fait, mais le lèche-vitrine se poursuit : dans le modeste centre commercial qui borde la place et, surtout, dans la Calle 10 de Agosto, l’artère principale qui échelonne une quarantaine de maroquineries toujours artisanales et souvent de bonne facture : blousons rock n’roll ou vestes sages, sacs à mains ou valises, bottes de cow-boys ou escarpins bon teint, le choix est large et les couleurs des plus classiques aux plus vives.
Pour autant, il serait dommage de faire l’impasse sur l’architecture de Cotacachi : outre la cathédrale Saint-Pierre qui domine la grand-place s’éparpillent des maisons coloniales aux jolis patios qui donnent à la bourgade une belle allure. À tel point qu’une poignée d’Américains s’y sont installés pour savourer leur retraite.
La cascade de Peguche
Le hameau de Peguche s’étire le long de rails désaffectés prolongeant Otavalo. Ici, pas d’artisanat spécifique. Pourtant, s’y presse aujourd’hui une foule impressionnante. Dès la nuit tombée, elle arrive, processionnelle, à pied ou en voiture le long de la route cahoteuse. Familles, grappes d’ados, suivis ou déjà précédés par des étrangers curieux, toujours plus nombreux chaque année.
Tous convergent vers un seul endroit, la cascade. Paisible en journée, seulement troublée par des cris d’enfants et les trempettes des touristes de passage, elle devient, le jour du solstice d’été, lieu de bains de purification.
C’est le début de l’Inta Raymi, la fête du Soleil en quechua. Le rite ici a perdu sinon de sa superbe, du moins de sa gravité : les femmes y ont accès, tout comme les étrangers pris dans le tourbillon de chants et d’aguardiente, tord-boyaux local qui contribue largement à l’excitation bouillonnante.
Il est 20 h. Par petits groupes, dans la nuit noire, on emprunte un chemin glissant. Bloqué par les premiers arrivants, il faut se frayer un chemin jusqu’à la cascade qui peine à faire entendre son chant. Tous se déshabillent. En file indienne, les hommes, vêtus de leur seul caleçon, et les gringas en maillot de bain tanguent sur les pierres avant de plonger dans l’eau froide, glapissant d’une joie enivrée. Ils seront des dizaines à faire de même, tout au long de la nuit.
Retour par le même chemin, la fête bat son plein. Demain, la cascade retrouvera sa quiétude.
Fiche pratique
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Comment y aller ?
Vols directs Paris-CDG–Quito avec Air France.
Depuis Quito se rendre au terminal de bus Carcelén d’où partent, toutes les 15 à 30 minutes des bus pour Otavalo. En voiture le trajet dure 1 h 50 par lapanaméricaine.
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Où dormir ?
- Hostal Rincon del Turista : Roca 11-07 y Quiroga. Petit hôtel familial jaune avec une quinzaine de chambres réparties autour d’une cour intérieure. Jolie vue depuis la terrasse, cuisine à disposition et accueil attentionné. Doubles à partir de 25 $.
- Acoma – Ciudad del Cielo : Salinas 7-57. Cet hôtel 100 % quechua abrite une trentaine de chambres (certaines avec cuisinette) agréables et joliment décorées. Espaces communs agréables avec un salon disposant d’une cheminée et d’un bar. Chambres 55-70 $.
- Hotel Otavalo : Vicente Ramon Roca 504 y Juan Montalvo. Une vieille maison superbement restaurée à moins de 10 minutes à pied de la place des Ponchos en plein cœur de ville : de la brique, des hauts plafonds et une décoration épurée lui confèrent un charme fou. À partir de 165 $ la nuit, petit déjeuner compris – très copieux et à la carte. Service adorable et souriant, chambres et salles de bains spacieuses, bar en rooftop.
Ou manger ?
- Au marché couvert : comme dans tous les marchés équatoriens, le 1er étage est dédié à la restauration : pour 3 $, au stand de Rosita Suarez, on déguste une délicieuse assiette de porc rôti – hornado de chancho – accompagnée d’une limonade maison. Tous les jours de 7 h à 18 h, le dimanche jusqu’à 13 h place 24 de Mayo.
- À deux pas de la Place des Ponchos, le restaurant Mi Otavalito, tenu par toute une famille, sert une cuisine locale savoureuse. Calle Sucre 11-19 y Morales.
Texte : Pascale Missoud