Pays d’Aubusson : la Creuse, entre nature et Unesco

Aubusson, capitale mondiale de la tapisserie

Il faut se méfier des apparences… Sous ses airs paisibles de petite ville de province, Aubusson, située au sud de la Creuse, est en fait une capitale, connue des amateurs d’art du monde entier. Elle doit cette renommée internationale à sa fameuse tapisserie, fleuron des Arts décoratifs français depuis le 15^e s, inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2009.

La découverte de ce savoir-faire d’exception justifie amplement le voyage à Aubusson, et plus particulièrement la visite de la Cité internationale de la tapisserie. Un site formidable, ouvert en 2016, qui est à la fois un musée et un centre de formation, de création et de documentation entièrement consacré à la tapisserie d’Aubusson, un art toujours vivant. Une quinzaine de manufactures et d’ateliers, employant près de 180 personnes, sont toujours en activité dans la région.

S’étendant sur quelque 1 200 m² et deux niveaux, le parcours de visite, passionnant, retrace près de 6 siècles d’épopée de la tapisserie.

Après une première section consacrée aux tapisseries d’autres régions du monde, l’espace « Les mains d’Aubusson » fait découvrir les savoir-faire locaux à travers toutes sortes de documents, instruments de travail et objets. L’occasion de se familiariser avec des termes tels que « lissier », « métier » et « tombée de métier », « basse-lisse » et « haute-lisse », ou encore « flûte »… Pour observer le travail des artisans, la cité, où sont également tissées des créations contemporaines, propose des démonstrations dans les espaces professionnels.

Le clou de la visite se trouve dans l’épatante « Nef des tentures », un gigantesque espace immersif en forme de décor de théâtre qui fait voyager à travers l’histoire de la tapisserie. Le parcours chronologique débute avec la plus ancienne tapisserie connue à ce jour (Millefleurs à la Licorne), puis présente des œuvres des 15^e au 18^e s, âge d’or d’Aubusson devenue Manufacture royale sous Louis XIV.

La seconde grande partie est essentiellement consacrée au 20^e siècle qui voit un renouveau du genre, notamment grâce au peintre surréaliste Jean Lurçat. La tapisserie se situe alors au confluent de l’artisanat et des arts plastiques, avec des créations de peintres cartonniers et des tapisseries d’artistes aussi prestigieux que Picasso, Le Corbusier, Victor Vasarely, Georges Braque…

Une dernière salle est dédiée à la création contemporaine, car la tapisserie d’Aubusson est également une pratique ouverte aux cultures actuelles. C’est ainsi que la Cité réalise depuis 2016 une série de tapisseries inspirées de l’univers de Tolkien et, depuis 2021, une tenture à partir des films d’animation japonais de Hayao Miyazaki. La première réalisation (Princesse Mononoké) sera achevée en mars 2022.

La tapisserie à Aubusson ne se résume toutefois pas à la Cité. Pour mieux comprendre la création locale, il ne faut pas manquer l’étonnant musée du Carton de tapisserie, installé dans l’un des plus beaux édifices de la Terrade, l’ancien quartier des lissiers.

Entre le musée, l’atelier d’artiste et la galerie d’art, cet espace original, créé par une antiquaire et restauratrice passionnée, fait découvrir l’importance, longtemps négligée, des cartons à travers des milliers d’exemplaires. Ces véritables œuvres d’art sont les modèles et supports de création des tapisseries.

Enfin, pour aller plus loin, on peut visiter la Maison du tapissier et son atelier recréé dans une vénérable bâtisse aubussonnaise du 16^e s ou la manufacture Robert Four, toujours en activité (sur réservation). À noter : des expositions temporaires sont également organisées au Centre artistique et culturel Jean-Lurçat d’Aubusson.

Après la découverte de l’univers de la tapisserie, Aubusson, nichée au cœur de collines boisées traversées par les méandres de la Creuse, mérite d’être visitée, en suivant par exemple le circuit du Patrimoine disponible à l’office du tourisme.

Dominée par sa tour de l’Horloge et les ruines d’un château, Aubusson ne manque pas de charme avec ses maisons de granit du 15^e s au 17^e s, ses toitures en bardeaux de châtaignier, ses commerces de produits locaux et ses agréables terrasses. Mention spéciale pour l’adorable quartier de la Terrade, dont les édifices pittoresques, joliment restaurés, se répartissent de chaque côté d’un pont médiéval.

Routes tranquilles, villages de charme et curiosités insolites autour d’Aubusson

Aux portes d’Aubusson, la nature reprend immédiatement ses droits et c’est un bonheur de parcourir les petites routes tranquilles de cette Creuse à la fois bucolique et discrète. Délicatement vallonnés, traversés de cours d’eau et ponctués de vaches limousines, les paysages, alternant pâturages et forêts, dégagent une vraie douceur, particulièrement au coucher du soleil. Et quelques jolies surprises attendent le voyageur…

La plus belle d’entre toutes est sans doute le village de Moutier d’Ahun avec son ravissant pont médiéval enjambant la rivière et son abbaye, où Alain Corneau tourna des scènes de Tous les matins du monde. Un superbe décor que cette église romane, précédée d’un flamboyant portail gothique… Quant à sa nef détruite, elle a été remplacée par un romantique jardin dans lequel deux rangées de tilleuls dessinent les travées disparues !

L’intérieur de la partie romane abrite un trésor inestimable : une vingtaine de stalles baroques en bois sculpté du 17^e s représentant des motifs mythologiques et animaliers (mais pas religieux), ainsi qu’une grille surmontée d’un double christ en croix. Exceptionnel !

À proximité, outre le château de Villemonteix (15^e) et sa belle collection de tapisseries, deux curiosités particulièrement insolites sont à voir.

À 6 km d’Ahun, on s’arrêtera ainsi au village de Masgot que François Michaud (1810-1890), paysan-tailleur de pierre, a décoré de statues en granit naïves et poétiques qu’il surnommait ses « marmots ». Renard, aigle, chien, blaireau, chimère, Napoléon, femme nue et autres silhouettes hérissent les murs des jardins et les façades des maisons. Un petit centre culturel, qui abrite une exposition sur l’artiste et un café-restaurant, propose des ateliers d’initiation à la sculpture.

2 km plus loin, le village de Sous-Parsat recèle lui aussi une curiosité qui détonne : une église dont les murs et la voûte sont décorés de fresques religieuses psychédéliques réalisées par le peintre Gabriel Chabrat en 1990.

Les compositions audacieuses, aux couleurs vives, retracent des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament dans un style puissant et très personnel, d’abord surprenant puis invitant à la méditation sur la condition humaine.

Enfin, à 10 km au sud d’Aubusson, le village de Felletin, porte d’entrée du plateau de Millevaches, mérite également le détour et pas seulement parce qu’il serait le véritable berceau de la tapisserie d’Aubusson.

Boussac, le château de la Dame à la Licorne

La tapisserie est partout en pays d’Aubusson. Outre Felletin et Aubusson, d’autres sites sont à visiter, notamment le long d’une route de la tapisserie : un itinéraire de 65 km qui relie divers sites emblématiques du savoir-faire tapissier.

Dernière étape de l’itinéraire au départ d’Aubusson, le château de Boussac en impose lorsqu’on aperçoit sa haute et massive façade sur la falaise au-dessus de la vallée de la Petite Creuse. Semblant sorti d’un décor de film de cape et d’épée, ce magnifique édifice datant en partie des 12^e, 13^e et 15^e siècles a vu passer des hôtes illustres, dont Jean I^er de Brosse, compagnon de Jeanne d’Arc, et Louise de Vaudémont, épouse de Henri III et reine de France au 16^e s.

Mais c’est surtout à George Sand que Boussac doit sa postérité et sa notoriété. L’écrivaine, qui y séjourna à plusieurs reprises, a immortalisé les lieux dans un roman (Jeanne) et y a fait une découverte capitale pour l’histoire de la tapisserie : la fameuse Dame à la Licorne aujourd’hui exposée au musée de Cluny !

Abandonné pendant des décennies, Boussac a été racheté en 1966 par un couple de collectionneurs passionnés, Lucien et Bernadette Blondeau, qui l’ont patiemment restauré et décoré. Toujours habité par Mme Blondeau, le château est ouvert au public pour de passionnantes visites guidées où l’on admire la beauté des lieux et l’œuvre de toute une vie de travail de restauration.

Si le clou de la visite reste la chambre de George Sand, magnifiquement restituée (on a l’impression qu’elle vient juste de s’absenter…), Boussac regorge de trésors, dont une collection de tapisseries anciennes et d’œuvres de Dom Robert.

Au fil de la visite, on s’émerveille, entre autres, devant l’impressionnante cheminée de la salle de garde, une étonnante collection de cannes, une nature morte de fruits en faïence, des bouquets de fleurs en porcelaine de Saxe ou encore de ravissants meubles d’époque. De quoi convenir avec George Sand elle-même : « on sort conquis par Boussac » !

Échappée nature au lac de Vassivière

Changement d’atmosphère au sud d’Aubusson. Le paysage se fait plus rude et les forêts plus profondes sur le plateau de Millevaches, vaste étendue granitique débordant sur les deux autres départements du Limousin.

Les conifères prennent le dessus avec l’altitude, tandis que bruyères, tourbières et landes apparaissent. C’est dans ce territoire aux airs de Canada que se trouvent la seule station de ski de fond de la région (Gentioux-Pigerolles) et le fameux lac de Vassivière, l’un des plus grands de France (1 000 ha).

À quelque 40 km d’Aubusson, ce lac de retenue déploie ses 45 km de rivages dentelés au cœur du parc naturel régional de Millevaches, à 650 m d’altitude. Serti d’un paysage de landes et de forêts, magnifique à l’automne ou lorsque les bruyères sont en fleur en été, Vassivière est un épatant terrain de jeux pour les amateurs de plein air, notamment les familles.

Disposant de cinq plages, avec une eau dépassant les 20 °C en été, il se prête toutes sortes d’activités nautiques (voile, planche à voile, canoë kayak, paddle, ski nautique, balades en bateau) ainsi qu’à la pêche, avec une importante population de carnassiers (brochet, sandre, perche).

Tout autour du lac, plus de 300 km de sentiers balisés permettent d’arpenter les paysages préservés de la région à pied, en VTT ou à cheval, mais aussi de participer au geocaching Terra Aventura. L’un d’entre eux, le sentier des Rives, permet de faire le tour du lac (30 km).

Pour une courte randonnée offrant un bel aperçu des paysages de Vassivière, le sentier interprétatif de la lande du Puy de la Croix (1 h) constitue la meilleure option au départ d’Aubusson. Superbe panorama sur le lac avec table d’orientation à son point culminant.