Barcelone contemporaine

Barcelone contemporaine
Tours Mapfre et Arts © Shevdinov - stock.adobe.com

Les grands génies du modernisme catalan - Antoni Gaudí, Josep Puig i Cadafalch, Lluís Domènech i Montaner - s’en sont donné à cœur joie, burinant un visage fantasque à Barcelone au début du 20e s, faisant de la métropole catalane une cité unique au monde.

Ce qu’on sait moins, c’est que Barcelone est une ville où s'épanouit aussi l'architecture contemporaine. À l’occasion des JO de 1992, près de Montjuïc ou le long de la Méditerranée, les traits de Barcelone se sont alors déridés, délaissant l’horizontalité pour oser la verticalité.

Des tours sont sorties de terre, concurrençant les hauteurs de la Sagrada Familia. Des quartiers d’affaires ont repolarisé la ville plus au sud. Le Forum Universel des Cultures de 2004 a restructuré, à l’est, le quartier du Fòrum.

Tour d’horizon d’une Barcelone déconcertante, énigmatique, parfois inintelligible architecturalement, mais d’une force et d’une beauté indéniables.

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Glóries à la nouvelle Barcelone !

Glóries à la nouvelle Barcelone !
Disseny Hub © EdNurg - stock.adobe.com

Elle aurait de quoi en perdre son catalan la plaça de les Glòries Catalanes tant, autour d’elle, tout a foutu l’camp ! Et vas-y qu’on a planté une tour, que des bureaux ont investi d’anciennes friches industrielles. Le projet 22@ s’est attaqué à Poblenou pour en faire un quartier innovant.

Le fier étendard de cette renaissance, c’est la torre Glóries (2005, ex-tour Agbar), grande ogive polychromique de 142m de haut. Les Barcelonais, qui adorent renommer les constructions nouvelles, l’ont baptisée le « suppositoire ». Pas sûr que Jean Nouvel, son architecte, s’en soit réjoui. Le soir, la tour, bien aidée par 4 500 LED, brille de mille feux.

Le Disseny Hub (DHUB, 2013), rejeton d’Oriol et de son agence MBM Arquitectes, est le deuxième vaisseau amiral du projet 22@. C’est ici qu’ont fusionné, pour plus de cohérence, les collections design de plusieurs institutions catalanes. L’édifice, zinc-zinc, impose sa massivité brutaliste jusqu’à ombrager ses alentours. Avec sa structure en porte-à-faux et son découpage en biais, les Barcelonais y voient une agrafeuse (ils l’appellent la « grapadora »).

Mercat dels Encants et torre Glóries © Pavel - stock.adobe.com

À côté, le Mercat dels Encants, l’un des plus anciens marchés aux puces d’Europe (XIVe siècle !), a fait peau neuve et miroitante : il a eu droit, en 2013, à sa pergola, toute d’aluminium et de zinc revêtue. Si ce faîte se déploie comme une canopée d’or, en dessous, vous trouverez plutôt de la ferraille. D’ailleurs, ce n’est pas le seul marché barcelonais qui frime après son relooking.

Il faut sortir du quartier de Glóries et aller voir, un peu plus au sud, ce qu’il y a sous la jupe colorée du Mercat Santa Caterina. C’est en 2005, 160 ans après sa construction, que ce marché du quartier de la Ribera a changé de look. Les architectes Enric Miralles et Benedetta Tagliabue ont alors jeté un voile pudique sur leur construction, comprenez une toiture flexueuse en grès émaillée d’hexagones en céramique de toutes les couleurs. Vu d’en haut, ça en jette.

Le + de routard.com

Le premier week-end d’avril (et le premier de novembre) a lieu le food market « All those food markets » devant le théâtre national de Catalogne, à deux pas de la plaça de les Glòries Catalanes. Des rencontres avec des producteurs locaux, des dégustations, des démonstrations culinaires. A vos agendas !

Les tours ultra modernes de Barcelone

Les tours ultra modernes de Barcelone
Torre Nova Diagonal © Zarateman - Creative Commons

Alors que la Sagrada Familia a coiffé en décembre 2021 sa tour de la Vierge Marie, la capitale de la Catalogne ne compte plus les tours et les hauts buildings qui sertissent, depuis 30 ans, sa petite couronne.

Quand on s’enfonce à l’est sur l’avinguda Diagonal, on tombe sur la Torre Nova Diagonal, 86 m de la tête aux pieds, qui joue de ses contrastes noirs et blancs, très De Stijl. Plat comme une limande, son voisin, l’hôtel Melia Barcelona Sky ? Tout est une question de perspective. L’architecte Dominique Perrault a mis dos à dos un volume très fin (120m de haut tout de même) qui accueille les quelque 250 chambres et un cube plus râblé où ont été transplantées les parties communes. Un jeu de Tetris en plein cœur de la plus grande avenue de Barcelone.

Plus à l’ouest, pas de risque que les bureaux de la multinationale Indra chopent la maladie des os de verre. Quoique. Sous leur maille en acier inoxydable, c’est bien une façade vitrée que l’on trouve. Ce losange, dans sa seconde peau décorée de sphères vides ou pleines, ressemble à un sarcophage volant.

À une minute de là, c’est 4 façades, 4 ambiances pour le cubique immeuble MediaTIC d’Enric Ruiz-Geli. Mais toujours dans un objectif éco-responsable et très peu énergivore. Le bâtiment est matelassé d’etfe, un matériau qui a la cote auprès des architectes pour sa résistance et sa légèreté. Il donne au vert MediaTIC un petit air martien.

Torre de Collserola © dudlajzov - stock.adobe.com

Au sud, ne vous fiez pas à ses yeux vitreux, l’immeuble Gas Natural (2006) d’Enric Miralles et Benedetta Tagliabue (encore eux !) n’a rien d’une tour fragile. Ses bâtisseurs ont empilé plusieurs volumes de taille et de forme différentes. Aucune recherche de symétrie. Le seul point commun : le verre aux belles propriétés environnementales qui constitue le matériau de base de ce building composite au cœur de la Barceloneta. Mais les reines du coin sont les tours Mapfre (par Iñigo Ortiz et Enrique de León) et Arts (par Bruce Graham), 154m, qui enclosent le quartier de Vila Olímpica. Il faudrait être miro pour les rater.

Miroir, mon beau miroir. Plaza Europa de l'Hospitalet del Llobregat, au sud-ouest de Barcelone, en voilà deux qui se tirent dans les fondations pour savoir qui sera la plus belle. D’un côté, vous avez l’oblique Torre Realia BCN (112m, 2009) et son X rouge sur sa devanture qui se voit comme le nez au milieu de la figure. De l’autre, l’hôtel Porta Fira (113m, 2009), tout en rondeurs et comme ceint dans une résille vermillon de tubes en aluminium. C’est leur papa, Toyo Ito, qui doit être bien embêté quand on lui demande quelle est sa préférée (l’Emporis Skyscraper Award n’a eu aucun mal à trancher et a élu l’hôtel Porta Fira « gratte-ciel le plus remarquable » en 2010).

Enfin, il tient la dragée haute à la Pedrera, l’hôtel Suites Avenue Luxe du Japonais Toyo Ito. Cuirassé d’acier inoxydable (encore), il n’est pas le chevalier à la triste figure du Passeig de Gràcia mais bien un hôtel qui attire une clientèle jet set férue de roofpool avec vue sur les cheminées de la Pedrera.

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En 1992 (on se demande bien pour quelle occasion), Norman Foster est allé planter sa tour de télécommunications, la Torre de Collserola (288m), au nord-ouest de Barcelone, sur la colline de Turó de la Vilana. Rien de moins que le plus haut mirador de la ville. Visuellement cette construction, sanglée par 9 haubans, a tout de la seringue ou du dard. On vous laisse monter dans la tour (10e étage, 560m puisque cette tige est déjà posée sur une colline. Fermée temporairement, sinon ouvert les week-ends de mars à décembre de 12h à 14h. 5,6 € plein tarif) pour découvrir Barcelone d’en haut.

L’anneau olympique (Anella Olimpica) de Montjuïc

L’anneau olympique (Anella Olimpica) de Montjuïc
Anella Olimpica - tour de Calatrava © Florent Oumehdi

Les Jeux olympiques n’ont pas fait que ranimer le front de mer barcelonais, ils ont également obligé le parc de Montjüic à chausser les crampons. C’est en effet ici qu’a été enchâssé lAnella Olimpica, grande concentration d’équipements sportifs et épicentre des JO de 1992. Jamais très fréquentée (sauf certains soirs), cette zone aux airs de base lunaire stratifie les styles : néoclassique dans son enfilade de cylindres de béton (œuvre d'Aiko Miyawaki), orientaliste dans le dôme du Palau Sant Jordi ou plus futuriste dans les inflexions de la tour de télécommunication.

Le stade olympique (ou « stade de Montjüic »), nommé Lluís Companys en 2001, est l’œuvre du Japonais Arata Isozaki (MOCA Los Angeles). Il repose sur les vestiges de l’ancien stade datant de l’Exposition Universelle de 1929. Longtemps vétuste et dangereux, il a fallu le reconstruire et l’agrandir pour qu’il puisse connaître son heure de gloire : les cérémonies d’ouverture et de clôture des JO et l’accueil des épreuves d’athlétisme.

Le Palau Sant Jordi, du même Isozaki, étrenne sa jolie carapace inspirée par l’architecture domestique japonaise de la fin du premier millénaire. Vous avez là la plus grande enceinte indoor de Barcelone. 17 000 spectateurs en configuration assise. Bam. Et si ce palais des sports a la forme d’une tortue, entre ses murs, on est plus lièvre de course et chaud lapin. Comme le stade olympique, son grand-frère outdoor (55 000 spectateurs), il héberge en effet événements sportifs, concerts et festivals.

Hôtel W © jordi2r - stock.adobe.com

La voici la grande dame des lieux. Du haut de ses 136 mètres, la tour de Calatrava ou tour Telefonica (ou encore tour de télécommunications de Montjuïc) a été conçue par l’architecte star Santiago Calatrava qui a voulu filer deux symboliques : la sportive en détourant, grossièrement, la silhouette d’un porteur de flamme olympique ; la catalane en recouvrant sa base de trencadis, cette mosaïque (composée d’éclats de céramiques) chère à Gaudí.

Non loin, l’entrée des piscines Bernat Picornell n’est pas très engageante mais depuis leur remodelage pour les JO, les trois bassins font la joie des Barcelonais. Enfin, l’Institut Nacional d'Educació Física de Catalunya (INEFC), temple (au sens architectural) du sport conçu par Ricardo Bofill, se charge de la formation et de la recherche en éducation physique et sportive.

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Ricardo Bofill s’est fait la main sur Barcelone. L’hôtel W, le théâtre national de Catalogne, les extensions de l’aéroport de Barcelone, c’est lui. A l’ouest, dans la commune limitrophe de Sant Just Desvern, il a aussi érigé, en 1975, l’immeuble, Walden 7, une utopie architecturale qui mettait au centre de sa réflexion le bien vivre ensemble. Résultat : un monstre rouge comme fortifié, lacéré d’adjonctions cylindriques (fenêtres, balcons, escaliers) qui se rêvait révolution du modèle d’habitation. À voir de loin pour ne pas déranger les habitants.

Les musées nouvelle vague de Barcelone

Les musées nouvelle vague de Barcelone
Museu d'Art Contemporani de Barcelona (MACBA) © Florent Oumehdi

Il y a quelques décennies, le quartier du Raval a entrepris un vaste… ravalement de façade et a tenté de réhabiliter ses bâtiments historiques. En 1994, le Centre de Cultura Contemporània de Barcelona (CCCB) d’Helio Piñon et Albert Viaplana, a pris ses quartiers dans l’ancienne Casa de Caritat, un lieu d’accueil des plus défavorisés au XIXe siècle. Aujourd’hui, le CCCB joue de la transparence avec sa façade vitrée, engoncé dans la structure originelle, plus patinée (qui a été une église, un monastère, un scolasticat jésuite, un centre militaire), en U. À l’intérieur, des expositions, des conférences et des rencontres pour croiser les disciplines et questionner la place de l’art dans la société.

À quelques mètres de là, le Museu d'Art Contemporani de Barcelona (MACBA), inauguré le 28 novembre 1995, fait tache blanche dans le Raval. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme « The White House ». C’est le starchitecte Richard Meier (Douglas House) qui s’est creusé les méninges pour mettre des carrés dans des ronds et agencer prismes et excroissances cylindriques, courbes et droites. Certains y voient un hommage au rationalisme architectural et au maître de l’architecture moderne, Le Corbusier.

Juste en face de ce long paquebot immaculé, il y a certes de jeunes skateurs qui bowl-rident, mais surtout le couvent des Àngels, datant du XVIe siècle. Depuis les années 2000, ce complexe conventuel (une église, la chapelle Capella del Peu de la Creu, un couvent) est squatté par le MACBA qui y loge son centre d’études et certaines de ses expositions.

Fundació Joan Miró © sarin - stock.adobe.com

Ils ne font pas vraiment partie de l’Anella Olimpica mais se visitent en voisins, plus au nord. Pour peu que ce ne soit pas la cohue, on se sent bien au pavillon Mies van der Rohe (8€ l’entrée). On vous met au défi de rester de marbre devant la douceur de ses lignes, la symétrie de ses murs (travertin, marbre, onyx doré) et la quiétude de son bassin. Ce pavillon, édifié pour l’Allemagne et pour l’exposition internationale de Barcelone de 1929, par le père de l’architecture moderniste, Ludwig Mies van der Rohe, a été détruit puis reconstruit à l’identique dans les années 1980.

Enfin, la Fundació Joan Miró rassemble, quant à elle, la plus grande collection d’œuvres du surréaliste (et plein d’autres choses) Joan Miró. Mais le spectacle est aussi dans son architecture concoctée par Josep Lluís Sert, un bon copain de l’artiste. Toit-terrasse, lucarnes, patio intérieur, blancheur des murs, lumière. Un petit coin de paradis méditerranéen en plein cœur de Barcelone.

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À Poblenou, des entrailles d’une ancienne usine textile du XVIIIe siècle est sorti, en 2009, le musée Can Framis, le dernier né de la Fundació Vila Casas, qui offre ses murs à la peinture contemporaine catalane. L’ouvrage, patchwork d’éléments architecturaux divers d’où jaillit l’ancienne cheminée industrielle, est l’une des grandes réussites du projet 22@. Compte tenu du parti pris, les expositions sont pointues et exigeantes (8€ l’entrée).

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- The Roof : Av. de Francesc Cambó, 14, 08003 Barcelona. Au 10e étage de l’hôtel 5 étoiles, The Barcelona EDITION, The Roof nous en fait voir de toutes les couleurs. Dans les assiettes, d’abord, qui mettent à l’honneur une street food asiatique, épicée et savoureuse. Et puis, surtout, dans les vues en technicolor qu’il ouvre sur la pergola chamarrée du marché Santa Caterina.

- MACBA Bar : Plaça dels Àngels, 1, 08001 Barcelona. Le bar du Museu d'Art Contemporani de Barcelona propose les incontournables tapas mais aussi des burgers, des poke bowls et des veggie bowls. Une halte bienvenue après s’être plongé avec gourmandise dans les 3000 œuvres de la collection permanente du MACBA.

Texte : Florent Oumehdi

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