Ravenne, capitale mondiale des mosaïques

Ravenne, capitale mondiale des mosaïques
Mosaïque de la capella Sant’Andrea © Simone - stock.adobe.com

À une heure de train de Bologne, la petite ville de Ravenne possède un trésor inestimable : de sublimes mosaïques, pour la plupart romaines et byzantines, hérité de son glorieux passé. Avec pas moins de huit sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco (!), cette cité de 156 000 habitants, peu engageante de prime abord, mérite absolument le détour lors d’un voyage en Émilie-Romagne, dans l’Italie du Nord. Vous allez en prendre plein la vue !

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Les mosaïques de Ravenne, un trésor du patrimoine mondial

Les mosaïques de Ravenne, un trésor du patrimoine mondial
Mausoleo di Teodorico © dudlajzov - stock.adobe.com

À 1 h-1 h 20 de train de Bologne, perdue dans un paysage industriel de chantiers navals et d’usines, Ravenne a appris à cacher son jeu et son glorieux passé. Capitale de l’Empire romain d’Occident et du Royaume ostrogoth (493-553), sous Théodoric le Grand notamment, siège d’un exarchat byzantin (568-751) tandis que Constantinople voulait mettre en coupe réglée l’Italie, Ravenne n’est ni la plus connue, ni la plus visitée des cités de l’Émilie-Romagne.

Si les siècles l’ont oubliée, ses mosaïques doivent sûrement leur salut à cette indifférence. Préservées des grands conflits qui balafrèrent la région, elles témoignent de l’évolution de l’iconographie chrétienne et continuent, depuis les Ve et VIe siècles, à jeter leurs feux dans des mausolées, des basiliques, des baptistères.

À partir de 1996, l’Unesco s’est empressée d’inscrire ces huit monuments paléochrétiens – le parent pauvre en mosaïques est le Mausoleo di Teodorico, qui vaut pour son dôme de 300 tonnes et son sarcophage de porphyre rouge – sur la liste du patrimoine mondial. Alors ne soyez pas refroidi par les abords métallurgiques de Ravenne et venez vous réchauffer l’âme devant ces merveilles en pâte de verre bleue, or, verte.

Basilique de San Vitale

Basilique de San Vitale
Basilique de San Vitale © Guido - stock.adobe.com

Torticolis assuré en visitant la Basilica di San Vitale, un pur chef-d’œuvre érigé sous le règne de l’empereur Justinien. C’est à ne plus savoir où donner de la tête. Sur cette mosaïque de l’empereur Justinien, à l’initiative de sa construction, richement drapé et pourvu d’une patène dorée et de sa garde rapprochée ? Ou, face à lui, sur sa femme au passé trouble, Théodora, flanquée de ses dames d’honneur, lourdement coiffée, et dont ce serait la seule image connue ? Ultracélèbres, ces deux mosaïques trustent les livres d’histoire depuis des décennies.

Au-dessus des arches, des scènes moins figées (les sacrifices d’Abraham, d’Abel et de Melchisédech), et sur la voûte de l’abside, un Christ qui en jette pas mal, posé sur un globe bleu, accompagné de deux anges, de l’évêque Ecclesius et de saint Vital à qui il tend sa couronne de martyr.

Construite au VIe siècle par Ecclesius justement, mais consacrée par Maximien de Ravenne en 548, la basilique regorge d’autres trésors, du sol (pavements cosmatesques) à son dôme magnifié de superbes fresques peintes vers 1780 par Guarana, Barozzi et Gandolfi.

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Notez l’évolution des styles des mosaïques de la basilique : dans le chœur, sur le mur, les personnages statiques sur fond doré sont typiquement byzantins. Celles au-dessus des arches, exprimant un certain mouvement, s’inscrivent dans la tradition hellénistique.

Mausolée de Galla Placidia

Mausolée de Galla Placidia
Mausolée de Galla Placidia © Florent Oumehdi

Même pas le temps de se remettre de nos émotions que l’on repart pour un tour. Juste derrière San Vitale somnole le Mausoleo di Galla Placidia (Ve siècle). S’il faisait partie, jusqu’au XVIIe siècle, d’un plus vaste ensemble (l’église Santa Croce), on peine à croire que ses discrets murs de briques puissent refermer de telles richesses.

Pour honorer la mémoire d’Augusta Galla Placidia, la fille de l’empereur romain Théodose Ier, les artistes de l’époque n’y sont pas allés avec le dos de la marteline. Profusion de beauté noyée dans le bleu nuit.

Les mosaïques, préservées de toute influence prébyzantine, couvrent le dôme, les voûtes et les lunettes. Ici, saint Laurent promis au bûcher ; là, une croix latine dorée sur fond étoilé encadrée par les allégories des quatre évangélistes (Matthieu, Marc, Luc, Jean).

Les motifs (thème de l’eau purificatrice omniprésent) transportent, les couleurs élèvent. Jusqu’à ce que le regard tombe, juste au-dessus de l’entrée, sur ce Christ rasé de près, bon pasteur agrippé à sa croix d’or. Un modèle d’équilibre et d’harmonie.

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Ce sont les mosaïques les plus anciennes de Ravenne mais aussi l’un des ensembles les plus spectaculaires de la ville.

Les baptistères des Ariens et des Orthodoxes

Les baptistères des Ariens et des Orthodoxes
Battistero Neoniano o degli Ortodossi © Florent Oumehdi

Baptistère de la cathédrale, le Battistero Neoniano o degli Ortodossi est le monument paléochrétien le plus ancien de la ville puisque ses travaux auraient débuté à la fin du IVe siècle. On s’y presse pour décrypter la mosaïque de sa coupole figurant le baptême du Christ. Elle a été commandée au milieu du Ve siècle par l’évêque Néon.

Dans le médaillon central, le Christ barbote dans les eaux du Jourdain, étonnamment personnifié, tandis que Jean le Baptiste, couvert de sa peau de chèvre, le… baptise. Normal. Ce qui l’est moins, c’est ce travail exceptionnel sur la transparence. Les douze apôtres entourent de leur austérité cette scène. Carl Gustav Jung, tourneboulé, aurait qualifié sa visite du baptistère « d’hallucination ».

Battistero degli Ariani - mosaïque © Avril - stock.adobe.com

Le Battistero degli Ariani paraît plus sobre, pas si hallucinatoire, même s’il ne lésine pas sur les teintes dorées, témoins de l’emprise byzantine. Il n’en reste pas moins très intéressant. Ici, seul le dôme (il fut un temps où les murs également) se pare… d’une mosaïque du Christ oint par Jean le Baptiste.

Comme chez son acolyte néonien, le Jourdain prend les traits d’un homme barbu. Ces virtuoses de la mosaïque ont largement pompé sur leurs prédécesseurs. Sachez que l’arianisme (condamné au premier concile de Nicée en 325), la religion de Théodoric le Grand, ordonnateur du projet, subordonnait la divinité du Fils Jésus à celle du Père.

Le + de routard.com :

La cathédrale de Ravenne, à la différence de son baptistère, n’a rien d’exceptionnel. La basilique originale fut détruite en 1733 pour la construction de l’édifice actuel de style baroque.

Musée de l’Archevêché et sa chapelle

Musée de l’Archevêché et sa chapelle
Mosaïque de la capella Sant’Andrea © Florent Oumehdi

Le Museo Arcivescovile a gagné ses lettres de noblesse grâce au trône en ivoire de l’évêque Maximien et à sa capella Sant’Andrea typiquement orthodoxe. C’est l’archevêque de Ravenne, Pierre II, qui a lancé son édification.

L’oratoire est précédé d’un petit atrium rectangulaire dominé par une mosaïque du Christ en armure, tenant la croix dans sa main droite et un livre ouvert sur les mots « ergo sum via, veritas et vita » (« je suis le chemin, la vérité et la vie ») dans la main gauche. Une façon de réaffirmer la figure divine de Jésus mise à mal par les thèses ariennes. Dans l’oratoire, on retrouve, sur les voûtes et les arches, les symboles des quatre évangélistes, une croix latine dorée, des croix grecques et des anges.

Basilique Sant’Apollinare Nuovo

Basilique Sant’Apollinare Nuovo
Basilique Sant’Apollinare Nuovo - mosaïques supérieures © borisb17 - stock.adobe.com

C’est à Théodoric, et à son désir de cimenter l’arianisme dans les consciences, que l’on doit la Basilica Sant’Apollinare Nuovo, dédiée au Christ rédempteur.

Les mosaïques de la partie supérieure, proches du plafond à caissons, datent des Ve et VIe siècles. Elles croquent plusieurs épisodes de la vie de Jésus (les noces de Cana, la guérison de l’aveugle de Jéricho, la résurrection de Lazare pour les plus connus) mais aussi la passion et la résurrection, du Christ cette fois-ci. Juste en dessous, ventilés sur les deux murs latéraux, 36 personnages auréolés. Des prophètes, des saints, jeunes, âgés, difficiles à individualiser tant leurs signes distinctifs sont rares.

Basilique Sant’Apollinare Nuovo - plafond à caissons © emiliano - stock.adobe.com

Au premier registre, nous avons la série de mosaïques la plus intrigante. Elle brasse les périodes et les influences multiples. Prenez le temps de disséquer celle du palais de Théodoric. Les rideaux ont été rajoutés à la demande de l’évêque Agnello pour recouvrir certains dignitaires ariens. Photoshop n’existait pas et des mains n’ont pu être effacées des colonnes.

Sur le mur opposé, le port de Civitas Classis avec ses fortifications. Sinon, moins anciennes, vous trouverez, à droite, 26 martyrs et, à gauche, la procession des 22 vierges, fermée par les trois rois mages aux bonnets phrygiens.

Le + de routard.com :

Levez les yeux vers le magnifique plafond à caissons en bois peint (XVIIe siècle) et visitez le joli cloître verdoyant attenant à l’église.

Basilique San’Appolinare in Classe

Basilique San’Appolinare in Classe
Basilique San’Appolinare in Classe © Florent Oumehdi

À 6km au sud de Ravenne, il ne faut surtout pas snober la Basilica Sant’Apollinare in Classe, consacrée, comme San Vitale, par Maximien, qui ne chômait pas au VIe siècle. Pourquoi « in Classe » ? Car elle fut érigée près du… port romain de Civitas Classis, immortalisé dans la Basilica Sant’Apollinare Nuovo.

L’intérieur est majestueux, spacieux, merveilleux. Entre le plafond à caissons de bois, les 48 colonnes de marbre, les médaillons peints des évêques de Ravenne, la basilique superpose les styles et les époques.

Mais le clou du spectacle reste les mosaïques polychromes de l’abside. Que ce soient, de haut en bas, le médaillon du Christ, sa transfiguration au mont Tabor avec l’imposante crux gemmata, saint Apollinaire entouré d’oiseaux voletant et d’agneaux (figurant les fidèles ; les douze de la partie supérieure représentent, eux, les douze apôtres), tout n’est que feu d’artifice de couleurs et richesse iconographique.

Le + de routard.com :

Accès facile à vélo (piste cyclable) en 20 min ou bus n° 4 ou n° 44 devant la gare. La basilique se trouve sur la route de Rimini.

Encore quelques mosaïques pour les fans…

Encore quelques mosaïques pour les fans…
Domus dei Tappeti di Pietra © Florent Oumehdi

Trois autres endroits font la part belle aux mosaïques. La Domus dei Tappeti di Pietra (4 €) ouvre sur une salle souterraine qui donne à voir les mosaïques au sol – dont l’étrange et unique Danse des Génies des Saisons – d’un grand palais byzantin (14 pièces et 3 cours) du VIe siècle. L’église San Nicolò accueille le musée TAMO (4 €) qui remonte l’histoire de la mosaïque.

Enfin, sous l’autel de la Basilica San Francesco et plusieurs centimètres d’eau (1 € pour avoir de la lumière), vous trouverez les mosaïques (Xe siècle) au sol, les colonnes de la crypte et… quelques poissons.

Le + de routard.com :

Aucune mosaïque ici, mais Ravenne est également connue pour abriter le tombeau de Dante, dans un petit mausolée en marbre attenant à la basilique San Francesco, sur la via… Dante Alighieri (bien sûr !). Pour en savoir plus sur l’auteur de la Divine Comédie, on peut visiter le Museo Dante voisin.

Fiche pratique

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Comment y aller ?

Vols directs (1 h 40) quotidiens vers Bologne au départ de Paris-Orly, Paris-CDG, Beauvais avec Air Frane, Vueling, Brussels Airlines, Ryanair. Trouvez votre billet d’avion

Train direct (1 h-1 h 20 ; 8 €) entre Bologne-Centrale (de l’aéroport, prendre le Marconi Express pour rejoindre la gare ; 9,20 € l’aller simple, 17 € A/R) et Ravenne.

Bon à savoir pour la visite

Le billet groupé pour la Basilica di San Vitale, le Mausoleo di Galla Placidia (créneau horaire à réserver), la Basilica Sant’Apollinare Nuovo, le Battistero neoniano o degli ortodossi (créneau horaire à réserver), le Museo e Cappella Arcivescovile coûte 10,50 €.

Basilica Sant’Apollinare in Classe (5 €).

Battistero degli Ariani (2 €).

Mausoleo di Teodorico (4 €).

Toutes les informations ici.

Bonnes adresses

– Hotel Diana : via G. Rossi 476. Hôtel simple et bien situé, bon rapport qualité-prix. Doubles 65-75 €.

– Profumo di Piadina : via Cairoli 24. De bonnes piadine, de toutes sortes, à déguster sur place ou à emporter. Compter 5-7 €.

– La Rustica : via d’Azeglio 28. Un petit resto populaire pour déguster une goûteuse cuisine romagnole. Bon porc au four. Plats 10-14 €.

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Texte : Florent Oumehdi

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