Colombie : trek à la Cité perdue, sur les traces des Tayronas
Comment se rendre à la mystérieuse Ciudad Perdida de Colombie ?
Imaginez un site vieux de 1 000 ans, érigé au cœur de la Sierra Nevada, plus haute chaîne côtière du monde – son pic Critóbal Colón culmine à 5 775 m d’altitude – dans une jungle épaisse de Colombie.
C’est ce qui attend tout voyageur qui entreprendra le trek vers Teyuna, nom originel du lieu connu aujourd’hui sous l’appellation de Ciudad Perdida (« Cité perdue »). Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, ce site précolombien mystérieux ne se laisse pas découvrir aussi facilement que son voisin péruvien Machu Picchu, mais éveille tout autant de fascination et d’interrogations.
Direction le nord-est de la Colombie, dans l’arrière-pays de la côte des Caraïbes, pour un trek de minimum 4 jours, soit un peu plus de 45 km en plein cœur de la Sierra Nevada.
Préparez votre voyage avec nos partenaires- Les Tayronas : un peuple précolombien tombé dans l’oubli ?
- Jour 1 : L’ascension dans la plus haute chaîne côtière du monde
- Jour 2 : rencontre avec les Kogis, les descendants des Tayronas
- Jour 3 : 1 200 marches plus tard, le site archéologique de Teyuna
- Jour 4 : retour vers El Mamey, dans les pas des écoliers
- Que faire avant et après le trek : plutôt mer ou montagne ?
- Fiche pratique
Les Tayronas : un peuple précolombien tombé dans l’oubli ?
Les Tayronas forment l’une des civilisations anciennes de Colombie les mieux connues actuellement. La majeure partie d’entre eux vécut du XIe au XVIe siècle le long de la côte caribéenne orientale, sur la péninsule de la Guajira et dans la région du Magdalena. Lors du débarquement des conquistadors espagnols, beaucoup furent tués, réduits en esclavage, intégrés, mais certains réussirent à se retirer très loin dans les terres. Les descendants de ces derniers – les Kogis, Arhuacos, Kankuamos et Wiwas – habitent encore dans la région.
Les Tayronas vivaient de l’agriculture – ils pratiquaient l’assolement – et de l’artisanat. Ils ont érigé la Cité perdue aux alentours de l’an 800. Elle aurait abrité plus de 2 000 habitants. Si beaucoup d’interrogations demeurent encore quant à son étendue et à sa finalité, on sait que le site était utilisé pour les rites sacrés. Beaucoup de vestiges demeurent encore sous l’épaisse forêt tropicale. Les conquistadors n’auraient jamais eu vent de ce lieu hors du commun
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la Sierra Nevada a été le témoin de combats armés entre divers groupes de narcotrafiquants qui se disputaient les plantations de coca, obligeant la population originelle à l’asservissement ou à l’exode, une nouvelle fois.
Aujourd’hui, les descendants ont pu reprendre possession de la terre de leurs aïeuls. Ils remplacent peu à peu les plantations de coca des narcotrafiquants par leurs cultures de manioc et de banane plantain.
À Santa Marta, la casa Aduana et son musée de l’or permet d’en savoir plus sur l’évolution de la culture Tayrona et sur le mode de vie des descendants.
Jour 1 : L’ascension dans la plus haute chaîne côtière du monde
Le réveil sonne à 5 h, le soleil pointe tout juste le bout de son nez. Le duo de mototaxis attend à quelques pas du logement pour nous conduire au lieu de rendez-vous fixé avec l’agence dans le village de Minca, où, comme beaucoup d’autres randonneurs, nous avons choisi de séjourner avant le départ à la Cité perdue. On enfile nos chaussures encore humides de la veille, et quelques minutes plus tard, nous voilà à califourchon sur les deux-roues à filer en direction du centre-ville.
Après un transfert dans un 4x4 et une demi-heure de route, nous voilà à l’agence située dans le centre-ville de Santa Marta. Le temps d’un briefing et de faire connaissance avec le groupe avec lequel nous vivrons cette aventure et nous sommes de retour sur les banquettes arrière latérales du 4x4.
Le premier jour nous mène après 7,5 km et 600 m de dénivelé positif au premier camp. Le premier kilomètre n’est pas des plus intéressants. Après un déjeuner typique à El Mamey, départ du trek, nous sortons du village dans un tumulte assourdissant où marcheurs, motos et mules se partagent une piste sèche. La nature prend plus de place après deux kilomètres d’ascension, au premier point de ravitaillement, à 620 m d’altitude où la vue est dégagée.
Les points de ravitaillements sont tenus par les locaux. Ils sont l’occasion de pauses rafraîchissantes, fruitées, et conviviales. Nous apprendrons le soir même par Iderle, notre guide, que les habitants de la Sierra Nevada sont largement impliqués dans le tourisme généré par la Cité perdue.
Encore 2 h de marche et la traversée d’un pont suspendu, nous découvrons le premier camp, la cabaña Adan, que nous partageons avec d’autres agences. Teyuna (nom originel de la Ciudad Perdida) a été redécouverte dans les années 1970 par un habitant de Minca. Longtemps resté inaccessible aux visiteurs en raison des conflits armés qui sévissaient dans la Sierra Nevada, le site précolombien a rouvert en 2006 et ne cesse d’attirer de plus en plus de touristes venus du monde entier.
Chaque camp – qui sont de vastes abris en bétons – dispose de lits superposés avec moustiquaires, tables, toilettes et douches. Ils sont implantés à côté de bassins naturels, dans lesquels nous avons le temps de faire un plongeon avant le dîner. À 21 h, les lumières s’éteignent et seules les lucioles brillent encore dans la nuit noire.
Le trek à la Cité perdue est fermé durant le mois de septembre. Les locaux y pratiquent des rituels de purification.
Jour 2 : rencontre avec les Kogis, les descendants des Tayronas
Après le petit-déjeuner nous reprenons le chemin à 6 h. Aujourd’hui, nous devons avaler 15 km. Au petit matin, il y a un peu plus de fraîcheur dans la Sierra Nevada ; il faut en profiter, ce sera de courte durée. Quelques pas plus tard, ce sont déjà les montagnes russes, le « plano colombiano » plaisantent les guides.
Après 2 h de marche, nous sommes trempés jusqu’aux os. Heureusement, nous arrivons dans la première communauté où le chef nous reçoit et nous permet d’en savoir plus sur le mode de vie de son peuple. Ils vivent de l’agriculture principalement, mais également de l’artisanat et désormais un peu du tourisme. Ils sont reconnaissables par leurs vêtements blancs et leurs mochilas tissés avec des feuilles de Yuca. Ils habitent des maisons typiques, rondes, avec un toit de chaume. Nous croiserons plusieurs villages de ce type sur le chemin.
Après ce moment de partage, nous repartons en direction de Mumake, le camp où nous ferons escale pour déjeuner le traditionnel sancocho, une sorte de pot-au-feu colombien. Nous sommes à mi-chemin.
La marche au-delà de ce camp devient plus ardue. On commence par longer la rivière. L’eau dévale les montagnes à toute allure, slalomant entre les rochers et devenant parfois de beaux bassins naturels lorsque l’eau s’engouffre dans les marmites créées par des millions d’années d’érosion.
Après une pente raide d’une heure, un magnifique plateau se dévoile à son sommet et nous offre la vision des murs végétaux qui recouvrent les montagnes. Nous arrivons au camp à 15 h. Nous sommes à 800 m d’altitude. Il reste 1 h de marche et 1 200 marches de pierre à gravir afin d’accéder à la Cité perdue, mais avant ça, une bonne nuit de sommeil s’impose.
La Colombie possède un réseau hydrographique très dense de fleuves et de rivières au débit très abondant, sur la majeure partie du territoire. Le pays serait d’ailleurs l’un des plus riches en eau du monde.
Jour 3 : 1 200 marches plus tard, le site archéologique de Teyuna
Après une nuit pluvieuse, le ciel est dégagé ce matin dans la Sierra Nevada. Une journée idéale pour découvrir la Cité perdue. Le groupe se met en route à 6 h.
On longe la rivière, on traverse deux ponts au-dessus du rio Buritaca et l’ascension des 1 200 marches qui semblent s’élever jusqu’au ciel débute. L’escalier, raide, impose la concentration. L’ensemble du groupe monte, à son rythme, sans encombre.
La dernière marche atteinte, le site archéologique se dévoile. Ici, ni guichet ni contrôle, si ce n’est un membre de la communauté qui vérifie notre affiliation à un groupe par le bracelet d’entrée remis la veille par l’agence.
La Cité perdue comporte 4 zones, mais de l’avis des archéologues, il reste encore de nombreux vestiges sous l’épaisse végétation. Nous continuons la visite et découvrons une pierre taillée qui représente une carte de la Sierra Nevada.
En l’an 800, les Tayronas ne connaissaient pas l’écriture et utilisaient cette pierre pour se repérer. On y devine les fleuves qui traversent la Sierra à l’image de Buritaca traversé plusieurs fois sur le chemin.
La seconde zone est la plus importante. Les traces retrouvées ainsi que les objets ont montré que c’est ici qu’avaient lieu les rituels sacrés. Une suite d’une dizaine de terrasses absolument magnifiques s’enchaînent et s’enfoncent plus loin dans la forêt tropicale. On devine également sur le sol, l’emplacement des habitations originelles qui n’ont, elles, pas résisté au temps.
La découverte du site est si bien ficelée par les agences qu’elle permet de découvrir la Cité perdue sans bousculade. Une centaine de personnes peuvent la découvrir chaque jour. Après 3 h de vagabondage sur le site, il est temps de rebrousser chemin.
Cette journée de marche d’un peu plus de 7 km restera la plus facile. Nous arrivons au camp Mumake vers 15 h, à 540 m d’altitude. Baignade dans les eaux, douche revigorante, partie de cartes… À peine le temps de s’habituer à ces rituels que déjà demain, l’aventure prendra fin.
Il n’y a pas de saison plus propice qu’une autre pour entreprendre le trek de la Cité perdue. La Sierra Nevada bénéficie d’un microclimat. Il y fait chaud et humide toute l’année. Deux paramètres à considérer avant de se lancer dans l’aventure.
Jour 4 : retour vers El Mamey, dans les pas des écoliers
Ce n’est pas une mince affaire. Un seul chemin mène et ramène de la Cité perdue, il faut continuer à le rebrousser. Plusieurs pauses collation auront lieu durant la matinée afin de nous aider à redescendre les 15 km et être de retour à El Mamey pour le déjeuner. C’est de nouveau les planos colombianos que nos jambes ont du mal à enchaîner.
La rencontre avec les Kogis sur le chemin met du baume au cœur et apporte un second souffle. Les enfants se rendent à pied à l’école. Nous la visitons. Deux salles de classe avec bureau d’élèves et tableaux à craie sont disposées dans cette maison en terre et toit de chaume.
Il est tôt et les enfants ne sont pas encore arrivés. Certains doivent faire plusieurs heures de marche pour venir. On devine sur les traces laissées sur les tableaux les activités de la veille : apprentissage du vocabulaire et mathématiques. Iderle nous explique que les écoliers ont deux professeurs : un qui enseigne les mathématiques et l’autre le vocabulaire, ainsi que la vie dans la forêt.
Nous reprenons le chemin. Malgré la difficulté du retour, les kilomètres filent vite au cœur de cette beauté tropicale. Derniers kilomètres. Nous commençons à sortir de l’épaisse selva, quand, tout à coup, au loin, les cris des singes hurleurs résonnent dans la vallée. Malgré leur taille – qui ne dépasse jamais 1 m – leurs cris sont tellement puissants qu’ils peuvent être entendus jusqu’à 3 km nous explique Iderle. Les singes vivent dans la Sierra Nevada, mais ils se font discrets sur le chemin en raison du passage des visiteurs.
Les deux derniers kilomètres, bien qu’en descente, ne sont pas les plus aisés : les arbres se font rares et la pente file raide jusqu’à El Mamey. Les hurlements des singes laissent place aux vrombissements des motos. Retour à la civilisation.
Si vous souhaitez prendre plus de temps dans la Sierra Nevada et adopter un rythme de marche plus lent, il est possible d’effectuer le trek en 5 jours.
Que faire avant et après le trek : plutôt mer ou montagne ?
Afin de vous reposer après ces 4 jours au cœur de la selva, plusieurs options sont envisageables tout près de la Cité perdue.
Si vous êtes plutôt montagne, vous vous dirigerez dans la petite bourgade de Minca, à une demi-heure de route de Santa Marta. L’idéal est de dégoter un logement à l’écart du petit village, en plein cœur de la nature pour vous adonner facilement à l’activité phare du coin : l’observation des oiseaux. Toucans, colibris… ils sont partout, il suffit de lever les yeux, faire preuve de patience et s’armer de jumelles.
Outre cela, Minca possède également de deux autres centres d’intérêt : ses plantations de café (fincas) et ses cascades. S’il vous reste encore des forces, les deux peuvent se combiner à pied au départ de votre hébergement, sinon un mototaxi ira très bien. Motominka a pignon sur rue dans le centre du village.
Parmi les fincas à découvrir, celle de La Victoria – en hommage à la reine – qui date de 1892. Il est possible de la visiter avec un guide qui vous contera l’histoire de ce lieu qui a contribué à l’expansion du secteur. Café offert avant et après la visite. Pour les pauses rafraîchissantes direction Pozo Azul ou les cascades de Marinka.
Pour crapahuter sur la côte caribéenne, direction le parc national naturel de Tayrona, du nom des autochtones qui y vivaient et qui continuent de se retrouver dans les lieux sacrés essaimés dans la zone. Le parc s’étend sur 20 000 hectares terrestres et maritimes avec des plages, des falaises, des marais et une épaisse forêt tropicale à traverser pour accéder à la mer des Caraïbes.
Il est possible de prendre un billet d’entrée deux jours et de dormir à l’intérieur du parc. Pour autant, les tentes en rang d’oignon manquent cruellement de charme et le confort se fait mince, sans parler des repas.
On vous conseillera plutôt de séjourner dans une jolie adresse de charme (bungalow, finca…) à l’entrée du parc, à Buritaca ou à Los Naranjos et de visiter le parc à la journée. Pour cela le plus simple est d’entrer à El Zaino, l’une des trois entrées du parc sur la carretera 90. Vous marcherez ensuite sur un sentier aménagé qui vous fera découvrir les plages de Cañaveral, Arrecifes et enfin La Piscina et Cabo San Juan dans lesquelles vous pourrez vous baigner dans des eaux claires. Partez tôt, vous devrez être de retour au guichet à 17 h.
Pour en savoir plus, lire notre reportage La Colombie, côté Caraïbes
Chaque année le parc ferme à la demande des populations de la Sierra Nevada de Santa Marta pour leur permettre de faire leurs rituels dans ce territoire sacré et laisser respirer la nature. Bien se renseigner avant d’organiser son voyage.
Fiche pratique
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Consulter notre guide en ligne Colombie
Site officiel du tourisme colombien
Comment y aller ?
Santa Marta est la ville la plus proche du site. Son aéroport est desservi par de nombreux vols quotidiens depuis Bogotá et Medellín par Avianca ou LATAM.
Depuis Cartagena, bus ou navette : le trajet prend 4 à 5 h.
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Avec qui partir en trek ?
Le trek de la Ciudad Perdida ne se fait pas sans les services d’une agence assermentée, qui doit pourvoir à toute la logistique pendant les 4 ou 5 jours (transport, hébergement, nourriture, guide). Compter 1 750 000 COL$ (415 €)
– Expotour : Il n’est pas possible d’effectuer le trek par ses propres moyens. Expotour est une agence sérieuse qui propose la découverte de la Cité perdue en 4 ou 5 jours au choix, avec guide et traducteur (anglais, espagnol et bientôt français !). Prise en charge et dépôt avant et après le trek à Minca ou vers Tayrona. Résa et rens. par mail à info@expotur-eco.com
Qu’emporter ?
Des vêtements légers, casquette ou chapeau, ainsi que de bonnes lunettes et une crème solaire à indice élevé. Une cape de pluie peut s’avérer utile, ainsi qu’une frontale et un bon répulsif antimoustique. Côté chaussures, prévoir 2 paires : une paire pour la marche et une pour se baigner ou traverser les cours d’eau (genre chaussons de plongée).
Adresses
– Panaderia : à Tayrona. À l’intérieur de Tayrona, cette petite boulangerie propose des en-cas sucrés et salés et des jus et limonades généreux, mais surtout un vrai et délicieux pain au chocolat quasiment cuit à la minute. Une pause gourmande sur le chemin menant à Cabo San Juan.
– Restaurante Asadero Camarita : entre le village de Minca et Siete Piedras. Un petit restaurant en bord de route qui propose une cuisine typiquement colombienne avec beaucoup de viandes grillées accompagnées de pommes de terre et de yuka.
– Siete Piedras : perché dans les hauteurs de Minca (tout de même 30 min de route depuis son centre), Siete Piedras vaut le détour. Nul besoin de louer les services d’un birdwatching si vous séjournez ici, les toucans, colibris et autres oiseaux colorés font partie du décor. Une seule suite avec terrasse, très raffinée, tout comme la cuisine, la meilleure mangée en Colombie ! Résa Whatsapp ou par téléphone au +57 301 3793829.
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Texte : Maeva Roure
Mise en ligne :