Aveyron : le GR 62, sur les pas de Pierre Soulages
Une immersion dans l’enfance de l’art de l’inventeur de l’outrenoir… Voilà ce que propose la randonnée le long du GR 62 dans la partie baptisée « Sur les pas de Pierre Soulages ».
Inauguré au printemps 2024 et détaillé dans le topoguide du même nom, le sentier balisé permet de marcher pendant quatre jours entre Rodez, ville natale du peintre adepte du noir, et Conques, où il a imaginé les vitraux de l’église abbatiale Sainte-Foy.
Ce parcours est le pendant pédestre de la route Soulages, qui suit la départementale 901. C’est aussi, après l’ouverture du musée Soulages de Rodez en 2014, un nouvel hommage de sa région à l’artiste mort en octobre 2022, à l’âge de 102 ans.
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L’itinéraire de 65 km entre Rodez et Conques, en quatre jours à pied, est facile d’accès, y compris pour les non sportifs, car le dénivelé est peu marqué et le chemin bien aménagé.
La première journée se déroule de Rodez à Salles-la-Source en 18,8 km et environ 5 h. Le lendemain, les randonneurs rejoignent Marcillac-Vallon, à 11,5 km, en 3 h. La troisième étape conduit à Saint-Cyprien-sur-Dourdou, en 21,8 km et 6 h. Enfin, le dernier jour, après environ 11 km et 3 h 30 de marche, l’arrivée à Conques se fait par le point de vue du Bancarel : il permet d’embrasser du regard le magnifique village aux toits de lauze grise et ses ruelles pavées et pentues, entourés d’un écrin de verdure et dominé par l’église abbatiale.
À ses pieds coule l’Ouche, qui a creusé l’une de ces vallées encaissées surmontées de plateaux où l’on cultivait, autrefois, le seigle : d’où le nom de Ségala de Conques donné au territoire.
Auparavant, les marcheurs qui partent de Rodez traversent deux autres types de paysages très contrastés. D’abord le causse Comtal, plateau calcaire ocre sur lequel est adossé Salles-la-Source. Puis le rougier de Marcillac, à la terre et au grès rouges, pierre dont sont faites les maisons du charmant bourg de Marcillac. Une couleur que l’on retrouve dans le vin de l’AOC éponyme, produit en terrasse sur de petites parcelles.
D’avril à octobre, le bus n° 223 effectue deux allers-retours quotidiens entre Rodez et Conques via Marcillac, ce qui permet, à l’issue de la randonnée, de revenir à son point de départ en car…
Rodez : le berceau de Pierre Soulages
Pierre Soulages est né en décembre 1919 au 4, rue Combarel, à quelques pas de la magnifique cathédrale qui remonte au XIIIe siècle et domine le centre en partie piéton de Rodez. On peut toujours passer devant la façade austère de la maison familiale, où il vécut jusqu’à ses 18 ans, mais elle ne se visite pas.
Dans cette rue, de nombreux artisans étaient installés, dont le père de Soulages, forgeron reconverti dans la carrosserie pour véhicules hippomobiles. Le futur peintre adorait observer ces travailleurs manuels qui lui ont donné le goût des outils et des gestes précis.
C’est dans sa ville natale qu’adolescent, il est allé pour la première fois au musée : le musée Fenaille, inauguré en 1937, a provoqué chez lui une révélation face aux statues-menhirs.
L’établissement possède la plus importante collection d’Europe en la matière. Il s’agit de mystérieuses sculptures de la fin du Néolithique, entre 3 300 et 2 200 av. J.-C., mises au jour dans la région : « Lorsque pour la première fois j'ai vu les stèles gravées du musée Fenaille, ce fut un choc, racontait Soulages. Je me suis senti proche de l'homme qui avait gravé ainsi. »
Ces pierres qui étaient plantées dans le sol représentent des hommes et des femmes. Aujourd’hui, 17 sont exposées, sur la vingtaine que comptent les collections de ce musée consacré à l'histoire du Rouergue, du Paléolithique au XIXe siècle, et à l’archéologie. Une discipline qui fascinait Soulages : dans sa jeunesse, il a ainsi participé à plusieurs campagnes de fouilles.
L’autre passage obligé à Rodez, c’est le musée Soulages qui constitue la plus grande concentration au monde d’œuvres de l’artiste, abritées dans plusieurs cubes en acier rouillé : une belle patine qui rappelle le brou de noix, matière avec laquelle, traditionnellement, les artisans teignaient le bois, et que le peintre alors débutant avait utilisée pour ses toiles.
Ouvert en 2014, le musée a été aménagé avec l’aide de Soulages, très impliqué dans ce projet. Il tenait à ne pas être le seul accueilli dans ces murs et une partie est donc dévolue à la programmation temporaire autour d’Yves Klein, Le Corbusier, Calder, etc.
Selon la volonté de Soulages, les accrochages ne sont pas figés, les œuvres tournent mais retracent sa très longue carrière, y compris le dernier tableau qu’il a peint, en mai 2022. Le fonds englobe l’intégralité de son travail gravé (sérigraphie, eaux-fortes, lithographie) et la totalité des pièces liées à la conception des vitraux de l’église abbatiale de Conques : archives, notes, cartons et échantillons de verre. Ce matériau spécial a été mis au point après des années de recherche, en collaboration avec un maître verrier de Toulouse.
Dans d’autres vastes espaces se déploient les outrenoirs, mot inventé par Soulages pour désigner ce qui est « au-delà du noir » : grâce au relief, aux stries, aux effets brillants ou mats, la perception de l’œil varie selon la luminosité ou l’angle de vue.
Les entrées aux musées Fenaille et Soulages sont couplées : l’achat d’un billet pour l’un des deux donne accès au second, dans un délai de 28 jours. Autre bon plan : de novembre à avril, le premier dimanche du mois, ces deux établissements accueillent les visiteurs gratuitement.
Salles-la-Source : l’influence de l’artisanat
Après Rodez et avant Conques, une halte s’impose dans le joli village de Salles-la-Source, accroché à flanc de falaise d’où surgit une surprenante cascade.
En effet, le musée des arts et métiers traditionnels permet de découvrir dans quel environnement Soulages a grandi : il était entouré d’artisans, dont son père qui fut, avant de s’installer à son compte, contrôleur des machines dans la filature des années 1830 qui héberge, depuis 1979, le musée.
Une soixantaine de professions sont présentées à travers les objets qui permettaient de les pratiquer, soit plus de 5 000 pièces datant des XIXe et XXe siècles, du forgeron au sabotier, en passant par le maréchal-ferrant.
Si l’atelier est le lieu commun, le lien entre les artisans et les artistes, Soulages allait encore plus loin, par l’usage détourné de brosses, couteaux ou racloirs dans ses créations. Il appelait ces outils, qu’il collectionnait, ses « instruments de liberté » et il en fabriquait parfois lui-même, pour qu’ils soient ajustés à sa main et à son activité.
Le musée des arts et métiers traditionnels propose un parcours numérique d’aide à la visite dédié à Pierre Soulages : d’un espace à l’autre, il permet de créer des liens avec l’univers de l’artiste et de mieux comprendre son rapport à l’artisanat.
Conques : et la lumière fut !
C’est l'un des plus beaux villages de France et il est aussi inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Bien avant ces honneurs mérités, Conques marqua Soulages enfant, lors d’une sortie scolaire à l’abbatiale Sainte-Foy, du XIe siècle. « C’est à Conques que j’ai éprouvé mes premières émotions artistiques », témoigna le peintre.
Aujourd’hui encore, cet édifice suscite l’admiration, avant même d’entrer, grâce à son tympan du XIIe siècle, l’un des plus beaux et des mieux conservés de l’art roman. Ses 124 personnages composent les scènes du Jugement dernier avec, au centre, le Christ en majesté.
À l’intérieur, c’est l’impression de grande clarté qui frappe les visiteurs, mettant en valeur l’architecture romane. En effet, Soulages a imaginé des vitraux ni transparents ni opalescents, mais translucides et incolores : ils diffusent la lumière naturelle selon son évolution au gré des journées et de la météo, à la manière du Moyen Âge. À l’époque, les fenêtres étaient obstruées par du parchemin ou une fine épaisseur d’albâtre.
Les 104 pièces de verre aux lignes sobres, inaugurées en 1994 après huit ans de travail, ont remplacé des vitraux figuratifs aux couleurs sombres, dont quelques exemplaires sont montrés à l’entrée du trésor de l’abbaye.
Ce dernier, bien que très éloigné du minimalisme de Soulages, vaut le coup d’œil : il s’agit de l’un des plus beaux trésors d’orfèvrerie d’Europe et le plus ancien de France !
Les reliquaires couverts de pierres précieuses prennent des formes aussi étonnantes que variées, comme la statue de Sainte-Foy, jeune martyre chrétienne née vers 290 à Agen, qui a donné son nom à ce haut lieu de culte. Désormais, c’est également une destination de pèlerinage pour les amateurs de Soulages !
Monter au niveau des tribunes, dans l’étage supérieur de l’abbatiale, est l’occasion d’observer au plus près les vitraux de Soulages. Une visite payante et sur réservation qui peut s’inscrire, d’avril à octobre, dans le cadre des Nocturnes de Conques. Cet événement en musique et en lumière met aussi en valeur le fabuleux tympan de l’église en projetant des couleurs sur ses sculptures incroyablement bien préservées.
Fiche pratique
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Site de l’office de tourisme de Rodez
Site de l’office de tourisme Conques-Marcillac
Site de l’office de tourisme de l’Aveyron
Comment y aller ?
Par la route
Par l’axe nord-sud (Paris-Montpellier) de l’autoroute A75. Sortir à Séverac-le-Château, puis suivre la RN88 jusqu’à Rodez.
Par avion
L’aéroport de Rodez-Marcillac est le plus proche. Vols directs quotidiens depuis Paris-Orly avec Volotea dès le 2 septembre 2024.
En train
La gare de Rodez est reliée à Paris Austerlitz, Brive-la-Gaillarde, Toulouse et Millau. Liaisons quotidiennes.
Bonnes adresses
– Auprès d’Angèle : 2, av. des Prades, à Marcillac-Vallon. Tél. : 05 65 42 47 43. L’hôtel-restaurant a été ouvert, mi-2024, par Audrey Besson, nièce et cousine des célèbres chefs aveyronnais Michel et Sébastien Bras. L’héritage familial d’excellence et de valorisation du terroir local se poursuit dans cette ancienne trésorerie, au cœur du charmant bourg de Marcillac-Vallon. L’adresse, baptisée en hommage à Angèle, la mère de Michel, propose une bonne table avec grande terrasse et, dans les étages, 6 chambres douillettes à la déco sobre. Chambre double 110-140 €.
– Alice et Charles : rue du Chanoine André Bénazech, à Conques. Face à l’abbatiale de Conques, une vieille demeure en pierre couverte d’un splendide rosier abrite 4 chambres d’hôtes, au style simple et classique, mais confortables et bien situées. Chambre double 85-92 € avec petit déjeuner.
– Café Bras : jardin du Foirail, à Rodez. Au sein du musée Soulages, la toque étoilée Michel Bras a installé un vaste restaurant pour une savoureuse cuisine de marché avec menu unique entrée-plat-dessert. Au comptoir, formule sur le pouce avec un snack original : le capucin, galette aux farines de sarrasin et de seigle, roulée en cône et agrémentée de garnitures au choix : légumes, truffade, etc. Menu 14-43 €.
– Populus : 6, rue Penavayre, à Rodez. Dans une ruelle piétonne en plein centre de Rodez, le bistrot au cadre moderne, coloré et épuré, travaille les produits frais de saison. Le jeudi soir, la carte passe en mode tapas et, aux beaux jours, l’établissement ouvre son toit-terrasse. Menu midi en semaine 19-23 €. Plats 16-20 €.
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Texte : Stéphanie Condis
Mise en ligne :