La Bolivie, de La Paz aux portes de l’Amazonie
Immersion en forêt
Rogelio désigne du doigt l’ombre furtive de trois aras survolant la canopée, le tronc massif aux racines butoirs des géants de la forêt, la bauge où les pécaris (sangliers) se sont vautrés, l’empreinte probable d’un jaguar…
Une troupe de singes capucins passe d’arbre en arbre, laissant pleuvoir au sol fruits à demi mangés et branches cassées. Surgissant du vert impénétrable, un vent puissant se lève, comme pénétrant une cheminée. Il enfle, semble une tôle ondulée qu’on secoue, un évier qui se vide goulûment : les singes hurleurs se chamaillent. Invisibles, mais si audibles.
Plus tard, la barque glisse sur le miroir des eaux. De grands hérons, des cardinaux, un cormoran s’envolent, puis deux, puis dix. Sur les berges, trois sereres (hoazins, photo) piaillent, battent des ailes pour éloigner l’intrus de leur nid. Ces drôles d’oiseaux à la tête bleue, coiffés d’une crête, seraient le chaînon manquant entre dinosaures et oiseaux, comme le laissent supposer les griffes que les jeunes ont au bout des ailes pour s’accrocher aux branches.
Au centre du lac, un tronc semble flotter. C’est un caïman noir, aux aguets. La barque s’approche : le périscope des yeux s’efface d’une bulle pour reparaître trois brasses plus loin. La lumière dorée du couchant vire au rose.
Dans le ciel, les trajectoires se font moins rectilignes : les chauves-souris remplacent les oiseaux. Par dizaines, puis par centaines, elles écument la surface du lac en quête de mosquitos blancos. Certaines foncent sur l’embarcation avant de s’en détourner, in extremis, d’un coup d’aile. La nuit avale les dernières formes : il faut regagner le campement.
Préparez votre voyage avec nos partenairesTexte : Claude Hervé-Bazin
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