Île d’Elbe, la discrète Toscane

Île d’Elbe, la discrète Toscane
© e55evu - Adobe Stock

Tout le monde connaît son nom, mais rares sont ceux qui y sont allés. Flottant au large de la belle Toscane, face à la Corse, la grande île d’Elbe (224 km2) est entrée dans l’Histoire lorsque Napoléon y fut exilé en mai 1814.

L’empereur déchu passa tout juste dix mois dans ce royaume miniature, taillé à sa mesure nouvelle, avant de s’enfuir, le 26 février 1815, pour tenter de reconquérir le monde… Il y a tout juste 200 ans. Un épisode qui a laissé une pointe de nostalgie dans le souvenir des Elbois.

Découpée, montagneuse, alternant falaises, forêts de chênes verts, pins parasols, petits ports, côtes sauvages et plages de sable doux ou de galets, l’île d’Elbe surprend par sa relative virginité. Elle fait intégralement partie du Parc national de l’archipel toscan.

Visite guidée d’une île célèbre, et pourtant méconnue.

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Escale à Portoferraio

Escale à Portoferraio
Port de Portoferraio © cristianbalate - Adobe Stock

Parti de Piombino, le ferry pénètre dans la rade de Portoferraio (photo) en contournant la longue péninsule sur laquelle s’amarre la vieille ville.

Du bastingage, le regard accroche le vieux phare et les fortes murailles qui enserrent cette cité à la fois élégante et si méditerranéenne, aux maisons empilées dégoulinant de roses pastel et de jaunes tendres. Ici et là, entre palmiers et cyprès, se devinent déjà de gros bouquets de bougainvillées.

Du quai, on rejoint le vieux port en quelques pas. Les simples barques y côtoient voiliers et yachts des estivants, face à la puissante Porta a Mare (1637), gravée d’une inscription latine rendant hommage à son bâtisseur, le duc de Florence Cosme Ier. Un cappuccino s’impose à la terrasse ensoleillée de La Vela, le Bar de la Marine local, où les pêcheurs font escale entre deux sorties en mer.

Vient ensuite le moment d’entreprendre l’exploration du noyau dur de Portoferraio. Un coup d’œil à la cour du Palazzo comunale (XVIe s), couleur bonbon, où les mariés nouent leurs calicots aux lourdes portes de bois. Une prière, peut-être, sous les 11 lustres en cristal et la multitudes de bougeoirs de l’église de la confrérie du Saint-Sacrement.

Et voilà que se déroule un joli dédale de placettes, d’escaliers et de ruelles, rythmées par les cordes à linge coulissantes, aux lessives qui gouttent. Un matou s’alanguit à la fenêtre, un gosse dévale la pente sur son vélo – et le temps se fige.

Un balcon sur la mer pour Napoléon

Un balcon sur la mer pour Napoléon
Forte Stella © Luciano Mortula - LGM - Shutterstock

Là-haut, comme jadis, le Forte Stella (1548, photo) ferme obstinément ses portes aux visiteurs. Premier gardien de la cité, il répond au Forte Falcone, plus haut et plus massif encore, qui épouse la crête enserrant Portoferraio.

En partie restauré, celui-ci offre une belle balade au fil des remparts, révélant des panoramas de toute beauté sur le port, la ville, les falaises auxquelles elle s’adosse et la mer à leur pied.

Nichée entre les deux bastions, une demeure citron semble déjà voguer sur le bleu de la Méditerranée. C’est ici, à la Villa dei Mulini, que vécut Napoléon, avec vue imprenable sur le large, par-delà un beau jardin en terrasse planté de pins. Quelques cactées y croissent aussi, des palmiers petits et grands, des statues de marbre blanc et un fier blason à l’aigle impérial.

 Réaménagée autour de deux anciens moulins, la demeure mêle le modeste au grandiloquent, les sols de terre cuite aux dorures Empire, les lustres de cristal et les meubles en acajou aux murs lépreux. Dans un coin, le lit de camp de l’Empereur a été conservé.

Ici bourdonnait un essaim de partisans, d’officiers en exil, de courtisanes menées par Pauline, la sœur de Sa Majesté, reine des fêtes et des bals, que l’époque décréta aussi belle que Vénus (elle lui prêta souvent ses traits en sculpture). Elle était l’âme de cette maison, en l’absence de Marie-Louise d’Autriche, l’épouse légitime retournée à Vienne lors de la débâcle.

Le souvenir de l'Empereur

Le souvenir de l'Empereur
Villa dei Mulini © Mor65_Mauro Piccardi - Shutterstock

C’est aussi Pauline qui, quelques semaines seulement avant le début de l’aventure des Cent-Jours, inaugura le joli petit Teatro dei Vigilanti. Pas assez de place à la Villa dei Mulini (photo), pas assez d’argent non plus… C’est ainsi que, pour financer la transformation de cette ancienne église, Napoléon fit organiser une vente anticipée des loges auprès de la noblesse locale et des citoyens les plus en fonds (le riche boucher fut néanmoins écarté !).

Aux portes de Portoferraio, la Villa di San Martino, résidence d’été de l’Empereur, s’annonce par une prestigieuse galerie néoclassique devenue musée d’art. Surprise : elle ne doit rien à Napoléon, mais au mari de sa nièce Mathilde, un noble russe qui la fit bâtir en 1851 en souvenir du grand homme.

La vraie villa, posée au-dessus, joue une carte autrement plus discrète, avec ses pièces petites, presque campagnardes. Seuls vrais rehauts : des murs peints en trompe-l’œil et, tout de même, l’élégante Salle égyptienne, peinte de (faux) hiéroglyphes et fleurie de papyrus nichés dans un bassin octogonal.

Si les souvenirs napoléoniens rassemblés au Centro de Laugier (à Portoferraio) n’attirent plus foule, l’ombre de l’Empereur plane toujours. Les Elbois lui semblent gré d’avoir réformé leur île et, si peu de temps soit-il, existé sur la scène internationale…

Chaque année, le 4 mai, ils rejouent le débarquement de la Petite Armée en costumes d’époque et, le lendemain, une messe est célébrée en l’honneur de Napoléon à l’église de la Miséricorde.

Une île à la nature préservée

Une île à la nature préservée
Plage Lacona © Balate Dorin - Adobe Stock

Le pèlerinage s’achève à l’ouest de l’île, au sommet granitique du monte Capanne, son point culminant (1 019 m), d’où l’Empereur, venu inspecter son étroit royaume, aurait proféré cette sentence sans appel : « Cette île est tout de même bien petite ».

On s’y hisse à pied ou, plus ludiquement, par l’étonnante cabinovia, aux petites nacelles métalliques ajourées glissant au-dessus du vide. Fortement déconseillé à ceux qui ont le vertige !

Du sommet, où que l’on regarde, s’étend une même vision de caps dardés sur les eaux, de crêtes comme autant d’échines de dinosaures, de pans de forêt tapissant les basses pentes, où résonne l’été le chant des cigales.

Redescendu des cimes, on butine plaisamment de criques en baies. Plages de sable et de galets se succèdent, baignées par des eaux translucides d’un turquoise presque tropical, noyées sous les pins au nord, écrasées de soleil au sud-ouest, étirées en longs rubans moelleux à Marina di Campo et dans le golfe de Lacona (photo). Ce dernier abrite une plage moelleuse, que souligne un épais rideau de majestueux pins parasols.

Elbe est la plus grande des 7 îles composant le Parc national de l’archipel toscan, créé en 1996 pour sauvegarder 18 000 ha de terres et quelque 60 000 ha de fonds marins (ce qui en fait la plus vaste réserve marine d’Europe), aux splendides herbiers de Posidonie.

Baleines et dauphins croisent au large, entre Elbe et la Corse (sorties d’observation possibles), et le rarissime phoque moine fréquente encore les rivages de l’Isola di Montecristo.

Elbe, côté châteaux

Elbe, côté châteaux
Château de Volterraio © Luciano Mortula - LGM - Shutterstock

Côté continent, un autre paysage se dessine, plus âpre, tantôt sauvage, tantôt marqué par l’homme. La région est exploitée depuis l’Antiquité pour ses mines de fer – qui ont donné son nom à Portoferraio.

La dernière a fermé dans les années 1980, mais les galeries étrusques et antiques ont été conservées, ainsi que les installations rouillées des pontons de chargement de Rio Marina. À la belle saison, des excursions permettent d’explorer ce patrimoine différent, en pénétrant sous terre et en approchant les étangs violets formés en surface…

Plus riant, Porto Azzurro offre une autre belle escale, avec son port coloré, précédé d’une large place où s’étalent les terrasses des restaurants. Les garçons y jouent au foot, les filles font de la gymnastique, face aux voiliers. Et, juste derrière, au Curandero, on boit un coup en compagnie du chat Napoleone…

Sur la (petite) route du retour vers Portoferraio, le château pisan de Volterraio (photo), renforcé en 1281, darde son nid d’aigle en plein ciel, sur un piton rocheux dressé 400 m au-dessus de la baie. Amarré à un socle de falaises, il semble inaccessible, jusqu’à ce que l’on déniche le sentier qui y grimpe par l’ouest, entre myrtes et oliviers.

L’approche finale se fait sur des dalles rocheuses. En cherchant bien, un discret passage perce la muraille, débouchant sur quelques marches taillées dans la roche et plongées dans le noir. Elles s’infiltrent jusqu’à la cour intérieure, où a poussé un arbre unique. Un château en ruines, pour soi tout seul !

Fiche pratique

Fiche pratique
Risotto à l'encre de seiche, spécialité de l’Île d'Elbe © Yulia Mladich - Adobe Stock

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Office de tourisme de l’île d’Elbe

Office national du tourisme italien

Comment s’y rendre ?

Des liaisons en ferry (1 h) relient le port industriel de Piombino à Portoferraio toutes les 30 min à 1 h, toute l’année. Certains bateaux desservent aussi Rio Marina et Cavo, sur la côte orientale de l’île, mais ils sont moins fréquents.

À la belle saison, on peut aussi rejoindre directement la Corse (Bastia) depuis Portoferraio.

La gare de Piombino Marittima se trouve à 1 h 20 de train de Pise. Vols low cost vers Pise avec Transavia et EasyJet. Possibilité de transfert depuis l’aéroport.

Climat

L’île d’Elbe bénéficie d’un climat typiquement méditerranéen, avec des étés chauds et secs tempérés par le mistral, un printemps précoce, un bel automne se prolongeant jusqu’à fin octobre et un hiver doux, assez court et pas trop pluvieux.

Les températures moyennes oscillent entre 12,5 °C en janvier et 24,5 °C en juillet-août – celles de la mer entre 14-15 °C en hiver et un maximum de 25 °C à la fin de l’été.

Comment se déplacer ?

Le plus simple est de faire passer sa voiture sur le bateau, mais les tarifs sont assez élevés (env 70 €/sens).

On peut aussi en louer une sur place (ce ne sera pas moins cher), ou se rabattre sur les bus locaux, qui circulent toute l’année entre les principales localités.

De juin à septembre, les Marebus desservent en outre les plages. On peut acheter l’Elbacard Bus qui existe en deux versions, journalière (8,50 €) ou valable 6 jours (22 €).

 Hébergement

Destination de vacances populaire, l’île d’Elbe ne manque pas d’hébergements, mais attention, la plupart ferment entre la Toussaint et Pâques (voire dès septembre).

Les campings sont très nombreux et généralement situés juste en retrait des plages. La plupart disposent de mobile homes ou de bungalows. Ajoutons les chambres d’hôte (agrotourisme), quelques bed & breakfast et, bien sûr, les locations d’appartements et de maisons.

Attention, du 10 au 20 août environ, tout est plein et les prix s’envolent ; mieux vaut privilégier début juillet ou le printemps.

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Où manger ?

Il Canto del Gallo : via Mazzini, 29, à Grossetto. Bonne cuisine à base de produits frais, belle sélection de vins locaux et accueil jovial.

Osteria Il Cantuccio : piazza Indipendenza, 31, à Buriano. Dans un petit hameau isolé à 15 km au nord-ouest de Grossetto, l’une des meilleures auberges de l’île. Pour déguster une savoureuse et authentique cuisine maremmane.

Internet

www.napoleoneimperatoreelba2014.it/fr

www.islepark.it

www.pelagos.it  

Texte : Claude Hervé-Bazin

Mise en ligne :

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