Sicile : de Catane à Messine, sous l’Etna exactement…
L’Etna, le plus grand volcan d’Europe, reste parmi les plus actifs et les plus dangereux de la planète. Et pourtant, à ses pieds, s’élève l’une des plus grandes villes de Sicile.
« Lorsque le volcan éternue, Catane tremble », affirme d’ailleurs un dicton sicilien. De Catane à Messine, en passant par la sélect Taormine, tout le monde vit au rythme du volcan, comme dans l’insouciance d’une énième catastrophe…
L’Etna, donc. Une présence menaçante, mais dont on peut approcher le cratère lors d’une excursion. Un géant destructeur, mais aussi prodigue car il fertilise la plaine. Reportage dans l’une des régions les plus fascinantes de la Sicile, au-dessous du volcan.
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Une chose caractérise la Sicile : la géologie, à savoir « le discours de la terre ». Un laïus de montagnes, de collines et de plaines minuscules. Un baratin de chaudrons : le Stromboli (dans les îles éoliennes) mais surtout l’Etna, le plus haut volcan d’Europe.
Un géant qui rythme la vie de ceux accrochés à son flanc, mais qui ne le lâcheraient sous aucun prétexte. Ils entretiennent avec lui un rapport quasi viscéral, pour ne pas dire mystique. Car si « la Signora » (nom que les Siciliens donnent à l’Etna) a parfois ses humeurs, elle leur dispense aussi ses largesses. Ses sables volcaniques, riches en minéraux, n’ont pas leur pareil pour fertiliser les sols et donner de beaux fruits.
Ça, tout le monde le sait. Personne ne s’en plaint d’ailleurs, sauf peut-être les jours de grande lessive, quand des cendres s’abattent sur la ville et qu’on a tout à refaire. Qu’il fume ou qu’il gronde, on va brûler un cierge pour sainte Agathe histoire de conjurer le mauvais sort.
Les anciens affirment qu’on n’a toujours pas trouvé mieux qu’une Sainte Vierge portée par 4 solides gaillards pour arrêter une coulée de lave. Pour le reste, l’Etna est un volcan jeune, et il faut bien que jeunesse se passe…
Alors, de Catane (photo) à Messine, face à cette géologie complexe, c’est un peu « cause toujours ». On vit ici à la manière du caméléon : un œil droit devant, sur la grande bleue, l’autre dans le dos, des fois que le géant toussote ou balance une de ses pluies noires dont il a le secret…
Catane, au cœur palpitant
Le cœur de Catane bat au rythme de l’Etna. Détruite à plusieurs reprises, la ville s’organise autour de la via Etnea, son artère principale, construite au lendemain du tremblement de terre de 1693 qui décima plus des deux tiers des habitants.
Seule rescapée du désastre : l’actuelle cathédrale (Duomo). On était en plein baroque à l’époque, le luthéranisme séduisait son monde, il était temps pour les catholiques de relooker leurs églises pour rameuter les croyants. De brillants architectes s’y employèrent, flanquant la via Etnea (photo) du nombre symbolique de 7 églises, toutes alignées sur l’actuel Duomo, avec, en ligne de mire, devinez quoi : l’Etna !
Du faste de cette période, Catane a gardé de nombreuses demeures nobiliaires et des églises farcies d’angelots. Mais surtout une forte envie de vivre. Il n’y a qu’à se plonger dans l’ambiance de la pescheria (le traditionnel marché au poisson) pour s’en persuader. Tous les matins (sauf le dimanche), c’est toute la méditerranée qui envahit les étals, et ça saigne jusque dans la rue...
Le soir, en revanche, quand les dalles anthracite disparaissent sous les pas des promeneurs, une marée gominée et fardée inonde la via Etnea pour la passeggiata, la promenade du soir. Catane jette alors les adeptes du shopping d’une boutique à une autre. Les « Erasmus », eux, se rassemblent dans les troquets.
L’Etna, l’approche
Catane est desservie par de nombreuses compagnies low-cost. Depuis peu, un grand nombre d’auberges de jeunesse privées ont vu le jour un peu partout. Ville étudiante, elle est également bien desservie par les bus. Tous les jours, un départ à 8 h pétantes permet d’atteindre le refuge de Sapienza, point de départ des expéditions sur le volcan.
Mais les amoureux d’authentique auront vite compris que c’est à Nicolosi qu’il faut crécher avant de partir à l’assaut du colosse. Primo, parce qu’on y trouve une vraie culture de l’Etna. Ici, on vit avec lui de génération en génération. Tout le monde l’a déjà vu en colère au moins une fois, comme en 2001, quand la ville a bien failli être rayée de la carte.
Secundo, Nicolosi regorge de bonnes petites adresses pour passer la nuit avant de partir en vadrouille. Qui plus est, à Nicolosi, la plupart des structures d’hébergements ont passé des accords avec la société qui exploite le volcan. 10 ou 20 % de remise sur la phase d’approche en bus 4x4, c’est toujours ça de gagné, surtout quand on voyage en famille !
Pour le reste, les aubergistes ne sont généralement pas avares de bons tuyaux, ils connaissent des guides-vulcanologues (obligatoires quand on veut atteindre le cratère sommital) et entretiennent avec eux des relations d’amitié, ce qui est un gage de sérieux pour leurs hôtes. Ces types-là sont des passionnés. C’est avec eux que vous en apprendrez le plus. Les mythes qui s’y rattachent sont une vraie réalité !
L’Etna, grimper dessus ou en faire le tour ?
L’Etna est accessible soit par la face sud, soit par la face nord. Deux manières radicalement différentes de l’aborder. La plus rapide et peut-être la plus spectaculaire (en tout cas la plus prisée) est l’approche par la face sud, au départ du refuge de Sapienza.
C’est là que la Funivia dell’Etna déploie son funiculaire et ses bus 4x4 pour vous faire gagner la côte, à 2 900 m (au-delà et jusqu’à la zone sommitale située à 3 300 m, un guide vulcanologue est obligatoire).
Au départ de Piano Provenzana (accessible depuis Linguaglossa), c’est à peu près le même topo. Ici, on vous dépote à 2 800 m après avoir traversé une coulée de lave récente (2002). L’approche en revanche est beaucoup plus « verte », puisqu’on traverse une large bande forestière avant d’atteindre Piano Provenzana. Pour ce qui est des cratères, ils sont peut-être un peu moins spectaculaires qu’au sud, mais le panorama est plus beau.
Pour celles et ceux qui veulent se la jouer pépère, faire le tour de l’Etna en train est la solution idéale, car cela permet de combiner la découverte du paysage avec la visite de quelques villes pittoresques comme Randazzo (photo).
Une ville coup de cœur, pourvue d’églises remarquables, de superbes maisons du XVe s. et de musées dignes d’intérêt. Elle aussi a bien failli être rayée de la carte. C’était en 1981. Long d’environ 110 km, ce parcours permet en outre de se faire une idée de l’apport fertilisant de la lave, puisqu’on traverse de belles plantations d’agrumes.
Taormina, le petit Saint-Trop’ sicilien
Taormina, ce petit village accroché à la pente comme s’il avait roulé du sommet, disait Maupassant… Cette sorte de petit Saint-Trop’ sicilien est sorti de l’ombre au XIXe s., quand la bourgeoisie s’est soudainement intéressée aux vieilles pierres et notamment à son théâtre antique (le 2e en taille après celui de Syracuse).
Cet engouement a été relayé à l’époque par l’émergence du balnéaire, « mal nécessaire » pour une société occidentale qui entrait en fanfare dans l’ère industrielle …Du coup, tout le gratin européen s’enticha de Taormina, têtes couronnées et magnas des affaires, artistes et intellos. Quoi de plus romantique qu’une ville en équilibre entre le ciel et la mer ? Est-ce la présence du volcan ?
On pouvait y vivre à 100 %, car tout paraissait possible, y compris l’opportunité d’y nouer des « amitiés particulières ». La photographie naissante y dépêcha ses ténors : Ottenheim, Gaetano d’Agata mais surtout Guillaume von Gloeden, le maître du nu masculin. Ce dernier y passa la plupart de sa vie, et contribua largement à faire de la destination un lieu où se retrouver entre garçons.
Aujourd’hui, même si elle surfe encore sur la vague élitiste initiée au début du XXe s., Taormina a bien changé. Difficile d’y faire son nid sans casser sa tirelire, surtout au mois d’août, quand la moitié de l’Italie y débarque pour passer ses vacances. Heureusement, il reste encore 11 mois pour celles et ceux qui veulent méditer sur les lieux de tournage du Grand Bleu, situés en contrebas.
Savoca, un village en balcon sur la mer
La route entre Taormine et Messine est une succession d’échappées vers des plages de petits galets. En pleine saison, pour prendre le large et quitter les embouteillages, rien de tel qu’une petite escapade à l’intérieur des terres : Castelmola, Forza d’Agro, Savoca…
Savoca. On a du mal à croire que cette bourgade, perchée à une vingtaine de kilomètres au-dessus de Taormina, fut l’une des villes les plus importantes de la région au XVe s. Pourtant, en flânant dans ses ruelles, quelques détails ne trompent pas. Ici un blason, là un linteau, une fenêtre géminée d’une noble demeure, plus loin un morceau d’église…
Porté à la connaissance du grand public grâce à Francis Ford Coppola à l’occasion du tournage de son film Le Parrain en 1971, Savoca est l’exemple même du village où le temps semble s’être arrêté. Ruelles hérissées d’herbes folles et maisons aux volets clos, c’est ici que fut tournée la scène du mariage entre Michael Corleone (Al Pacino) et Apollonia (Simonetta Stefanelli).
Sous la treille de la terrasse du bar Vitelli, qui servit également de décor au film, l’étape « granita maison » – un délicieux sorbet au citron –, est un pur moment de plaisir. Ici, rien d’extraordinaire à voir, à part peut-être la visite des catacombes du couvent des Capucins. Une crypte où gisent une bonne vingtaine de momies, certes fort bien habillées mais franchement pas bien fringantes !
Messine, vivre vite et intensément
Messine, c’est tout l’inverse de Savoca. Messine est une ville meurtrie (détruite par un tremblement de terre en 1908) mais bien vivante. Une vraie ville portuaire, avec ses embruns de gazole brulé, ses klaxons, ses semi-remorques fraîchement débarqués du ferry, ses ruelles commerçantes, ses petites places animées où l’on vient refaire le monde autour d’un verre en fin de journée.
Ville arabe un peu à l’instar de Marseille, Messine est pile-poil entre Charybde et Scilla. Elle est le fruit d’une géologie humaine qui semble vivre avec la rage du sursitaire mais où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ici, même le cimetière est une œuvre d’art.
Dans le museo regionale, les toiles du Caravage (l’artiste y fit étape quelques temps avant sa mort) invitent à méditer sur notre condition humaine. Elles côtoient celles du génie du clair-obscur que fut Antonello da Messina, l’enfant du pays.
Car, non contente d’être une ville de passage (la porte d’entrée de Sicile par la route), Messine est aussi une ville étudiante où l’on aime sortir. Un peu comme si dans l’insouciance d’une énième catastrophe, il était préférable de privilégier l’instant.
Dans le centre, à deux pas du Duomo, derrière la plus grande horloge astrologique du monde (est-ce un hasard ?) on ne compte plus les petites adresses propices à s’en jeter un entre copains, vite fait bien fait. Et Messine de danser sur un volcan…
Fiche pratique
Pour préparer votre séjour, consultez notre fiche Sicile.
Tourisme Sicile
Comment y aller ?
Catane est reliée à Paris en vol direct par Transavia (Orly) et EasyJet (CDG). Vols en correspondance avec Alitalia au départ de plusieurs aéroports français.
Où dormir ?
Oubliez le camping. Privilégiez plutôt les chambres d’hôtes. À Catane, de nombreuses auberges de jeunesse privées ont vu le jour dernièrement.
- À Catane : CC Ly Hoste et I Vespri
- À Nicolosi : B&B La Giara
- À Taormine : Hostel Taormina
- À Messine : B&B Scilla e Cariddi
Trouvez votre hôtel dans la région
Où manger ?
La Sicile ne manque pas d’adresses pour faire bonne chère, surtout au pied de l’Etna, où la nature est particulièrement généreuse. Nos meilleurs plans :
- À Catane : Il Cantiniere : viale Libertà, 153. Tél : 095-53-21-22.
- À Nicolosi : Antichi Proverbi : via R. Rapisarda, 2. Tél : 095-91-49-24
- À Taormine : Trattoria Don Ciccio : via Damiano Rosso, 19. Tél 0942-62-83-41
- À Messine : Trattoria Al Padrino : via S. Cecilia 54/56. Tél : 0902-92-10-00
Avec qui grimper sur l’Etna ?
Les maisons d’hôtes de Nicolosi offrent toutes des bons de réduction à valoir sur les excursions « classiques » organisées par la Funivia dell’Etna. Pour l’accès aux cratères sommitaux, un guide vulcanologue est obligatoire.
La société qui exploite le site : www.funiviaetna.com
Des guides compétents : www.aitnemed.com (Marco est francophone)
Faire le tour de l’Etna en petit train : www.circumetnea.it
Écoutez Road Trip Sicile, le podcast du Routard :
Texte : Eric Milet
Mise en ligne :