Cyclades : quelle île choisir ?
Cyclades : quelle île choisir pour la culture et l’histoire ?
De la mythique Atlantide à Santorin au fameux monastère à flanc de falaise d’Amorgos, des millénaires d’histoire et plusieurs civilisations sont à explorer dans certaines îles des Cyclades…
Santorin, aux sources de l’Atlantide
Santorin est la destination phare des Cyclades. Leur porte-étendard et, en même temps, leur opposé. Là où toutes les îles de l’archipel moutonnent en montagnes entaillées de terrasses, Santorin est une blessure béante. Une île disloquée par une éruption cataclysmique survenue vers 1450 av. J.-C., concomitante du naufrage de la civilisation minoenne et de l’émergence du mythe de l’Atlantide. Il faut idéalement y débarquer en ferry pour ressentir la magnitude de ce cratère explosé, envahi par la mer, et découvrir du bord le liseré blanc des villages soulignant les interminables falaises.
Les courageux s’enquillent les 587 marches du sentier en épingles à cheveux reliant le petit port de Skala à Thira, le chef-lieu — tout blanc et bleu, comme il se doit. Au-delà, à Imerovigli, l’église Agios Minas toise les profondeurs de la baie du plus haut promontoire de l’île. Puis vient Oia, 3 lettres seulement pour l'un des bourgs les plus photographiés de Grèce. Les plus belles demeures, bâties à la fin du XIXe siècle par des capitaines marchands, font face au vide. Entassées les unes sur les autres, elles sont souvent coiffées de toits ronds et en partie creusées dans la roche tendre. Du bout de la pointe, occupée par les ruines d'un vieux château, la vue est incomparable : plus qu'ailleurs, elle révèle la forme circulaire, parfaite, de l'anneau de pierre cerclant la baie.
Ces panoramas vus, il faut remonter le temps. Visiter les musées préhistorique et archéologique de Thira, puis filer au site d’Akrotiri, le Pompéi cycladique, où les archéologues ont mis au jour, sous 40 m de cendres et de pierre ponce, les vestiges bien préservés d’une cité commerçante de l'âge du bronze, influencée par la culture minoenne — avec ses ruelles sinueuses, ses canalisations en argile, ses fondations de maisons et palais, de superbes vestiges de fresques et des dizaines de pithoi, de grandes jarres peintes, toujours en place.
Des grondements annonciateurs durent avertir les habitants, car Akrotíri n'a livré ni restes humains, ni objets de valeur.
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Naxos et Paros, les îles de marbre
Certains choisissent Naxos et Paros pour leurs plages. D’autres y cherchent — et trouvent — de touchants témoignages de la Grèce antique. À cette lointaine époque, les deux grosses îles, voisinant au centre de l’archipel, étaient réputées pour la finesse et la blancheur de leur marbre, extrait par les esclaves des carrières de Marathi (Paros), notamment. La Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace et l'Hermès de Praxitèle en sont nés.
Le riche musée archéologique de Naxos présente notamment de splendides et rares stuatuettes cycladiques. Quant au musée de Parikia, à Páros, il conserve un fragment de la célèbre « Chronique Parienne », une dalle de marbre gravée retraçant l'histoire de la Grèce au IVe siècle av. J.-C.
A Náxos, le lien au passé est très tangible. Sur l’îlot de Palatia, relié au chef-lieu actuel par une étroite chaussée dallée, se dressent les vestiges photogéniques du temple d’Apollon. À Sangri, ceux du temple de Démeter ont été restaurés. Plus étonnant cependant, sur les hauteurs du petit port d’Apollona, on découvre, encore ancrée au sol, dans une carrière antique, la majestueuse ébauche d’un grand kouros — une statue de jeune homme nu — de 10 m (VIe s av. J.-C.), abandonné après qu’il se soit fissuré. Une autre de ces statues inachevées, plus modeste, repose dans un verger de Flério, sur la route de Potamia.
Plus tard, les Byzantins trouvèrent dans les îles le matériau de leurs sanctuaires : parements et colonnes en marbre (de remploi souvent), comme à la prestigieuse Panagia Ekatontapiliani, à Paros — l’église des Cent Portes, fondée au VIe s sous la conduite de l’architecte de Sainte-Sophie de Constantinople (rien que ça !). Plusieurs autres églises très anciennes se regroupent aux abords du charmant village de Halki, dont la touchante Panagia Drossiani, du VIe-VIIe s, dessinant des sortes d’alvéoles sur l’arrière.
Enfin, ne négligeons pas les apports vénitiens. Au début du XIIIe s, la 4e croisade vit la chute des Byzantins et la fondation d’un Empire latin de Constantinople et du duché de Naxos. Les Vénitiens s’accrochèrent aux Cyclades jusqu’à ce que les Turcs les en chassent aux XVIe-XVIIe s. Un temps largement suffisant pour y imprimer leur marque, comme en témoignent encore à Naxos le kastro (citadelle), ses demeures médiévales et la plus ancienne cathédrale catholique de l’archipel. La maison-musée Della Rocca offre, elle, une vision plus intime des nobles familles vénitiennes qui firent souche.
Paros possède son propre kastro (à Parikia), charmant avec ses ruelles blanches, mais envahi par les boutiques et les bars.
Délos, l’île sacrée
Lieu de naissance mythologique d’Apollon et de sa sœur jumelle Artémis, la minuscule Délos (5 km2), atteinte depuis Mykonos, fut à l’époque classique un des plus importants centres religieux de Grèce. Tous les quatre ans y était célébrée la fête des Délias ; les pèlerins, affluant par dizaines de milliers, contribuèrent à la richesse et au développement de la puissance politique et commerciale de l'île. Athènes, jalouse, la conquit puis imposa un ukase destiné à affaiblir son pouvoir temporel : sous couvert de purification, il fut « interdit d'y naître et d'y mourir »…
Malgré cela, Délos, bénéficiant de sa situation privilégiée sur la route de l'Asie Mineure, ne cessa de gagner en importance. Sous la coupe romaine, elle bénéficia même du statut de port franc ; il s'y tenait alors un marché aux esclaves connu dans toute la Méditerranée…
Ses très nombreux édifices ont malheureusement été détruits par Mithridate au Ier s av. J.-C. Leurs fondations, colonnes, chapiteaux et frises s’entassent au sol dans l’ancien quartier des sanctuaires, rejoint depuis l’ancien port sacré (sur la côte ouest) par la voie processionnaire — et jadis centré autour d’un étang sacré asséché. Les lions de pierre qui y veillaient ont été transférés au musée archéologique du site, aux côtés d’autres trouvailles locales. Les vestiges du petit sanctuaire de Dionysos proche est précédé de deux phallus de pierre tronqués…
Au sud-est, dans le quartier du théâtre, plusieurs villas hellénistiques, plus ou moins restaurées, ont conservé des mosaïques montrant notamment des dauphins et Dionysos chevauchant une panthère ou un lion. Au-delà, le sentier grimpe vers la terrasse des divinités étrangères, où les commerçants venus d’Orient érigèrent des temples à leurs propres dieu, puis jusqu’au sommet du mont Cynthe, offrant une vue à 360° sur l'île et les Cyclades voisines. Zeus y assista à la naissance d'Apollon et Artémis.
Tinos, la foi chevillée au corps
Moins connue que les précédentes, Tinos est, avec Naxos, l’île qui a conservé la plus forte empreinte vénitienne. Normal : la Sérénissime parvint à s’y maintenir jusqu’en 1715 (soit 4 siècles) !
Relativement peu fréquentée par les étrangers, Tinos attire par contre beaucoup de Grecs religieux, qui viennent prier l’icône miraculeuse de la basilique de la Panagia Evangelistria. C’est un peu le Lourdes orthodoxe grec et, autour du 15 août, c’est la folie ! Certains remontent même à genoux la rue Megalohori et les marches conduisant au sanctuaire…
Autre site sacré incontournable, le monastère de Kechrovourno date, lui, du XIIe s. Outre ses charmants villages blancs aux placettes ombragées par de vieux platanes, Tinos se distingue par le grand nombre de ses pigeonniers vénitiens émaillant la campagne. Très bucolique !
Amorgos, vertigineuse et intacte
Amorgos abrite un site assez unique : le monastère de Hozoviotissa, enchâssé à flanc de falaises, 300 m au-dessus de la mer. Pourquoi ici ? Parce qu’une icône de la Vierge, brisée en deux par des mains impies quelque part en Orient, aurait flotté jusqu'au pied du rocher, où elle se serait miraculeusement reconstituée… Parce que, au IXe s, des moines presécutés venus de Jéricho y auraient vu des similitudes avec leur communauté d’origine, préfèrent les historiens.
Pour atteindre ce lieu, il faut emprunter un sentier aux marches interminables. Le site est assurément spectaculaire : fortifié à la fin du XIe siècle après plusieurs attaques pirates, il se compose de multiples pièces et d’une chapelle troglodytiques. En contrebas se serrent quelques étroites terrasses, où les moines cultivent fruits et légumes.
Préparez votre voyage avec nos partenairesTexte : Claude Hervé-Bazin