Bonjour,
Je ne suis pas sûr que mon mail vous soit parvenu. Voici mes notes.
Bonne lecture si vous avez l’envie d’aller jusqu’au bout.
ETHIOPIE JANVIER 2019. CARNET DE VOYAGE. SIMIEN. Bonjour à tous.Je ne tiens pas à jouer mon petit Facebook mais je ne résiste pas à l’envie de vous faire passer ce petit billet éthiopien. Vous pouvez bien sûr le lire mais aussi tourner la page.Demain j’aurai 70 ans et nous fêtons ce passage en bivouac à 3250 mètres d’altitude. Nous avons entrepris la traversée des Monts Simien qui s’élèvent au dessus des hauts plateaux du pays.Ce soir donc, nous bénéficions d’un logement mille milliards d’étoiles et tout à l’heure je me tirerai hors de mon sac puis de notre petite tente pour les contempler.Je ne serai pas seul d’ailleurs. Il y a Claudine évidemment mais aussi quelques accompagnateurs. Ce trek ne peut se faire sans un encadrement obligatoire. Alors, il y a le guide…qui nous guide (!), le chef et son commis…qui nous cuisinent des plats avec lesquels aucun restaurant ne peut rivaliser, le garde avec sa Kalachnikov…qui nous protège…des léopards, des singes…et des méchants et demain il y aura encore une mule et un muletier. Tout ce beau monde (pas la mule) a embarqué avec nous dans la jeep qui nous a amenés au pied des montagnes. Cela n’est pas vraiment utile mais procure du travail à des gens qui en ont bien besoin. Et nous sommes heureux d’y participer plutôt que d’encourager la mendicité des enfants.Demain poursuite du trek, bivouac à 3600 mètres.Le lendemain…Voilà, j’ai 70 ans. J’ai essayé de l’oublier mais à 4 heures du matin, quand je me suis extrait de mon sac, Claudine s’est chargée de me le rappeler. Longue marche de 18 km. Surprise très touchante au dîner. Fanta me gâte d’une bouteille de vin éthiopien (expérience intéressante) et d’un dessert original (un cake nappé de Nutella posé sur un lit de cornflakes et décoré de piments verts). J’ai réellement apprécié le geste. Comment décrire cette hutte ronde dans laquelle s’activent 3 chefs, en tenue svp, entourés de guides, commis, de clients. Bouteille de gaz entre les pieds, le chef passe d’une casserole à l’autre et son commis vous sert un repas chaud et un gobelet d’eau, gobelet qu’il a auparavant pris sur une autre table et frotté avec un papier. Il fait tout noir dès 6 heures, on mange à la frontale et sans doute cela vaut-il mieux. Après, on allume un grand feu au milieu de la pièce pour se réchauffer. Pas de trou dans le toit. La fumée s’échappe par la porte. Non, on n’a pas brûlé mais on sent le cochon rôti.Le surlendemain…Longue randonnée de quelque 21 km. Montée à l’Imet Gogo, 3950 m. , redescente à 3600 m. avant l’ascension de l’Inatyie 4060 m. Dur, dur!Nouveau bivouac toujours aussi haut. Il fait froid sous la tente et on dort tout habillés. Mais il y a la perspective d’aller à Aksum demain. On pourra se laver! On en a bien besoin…il me semble que nous n’avons jamais été aussi sales ni senti aussi mauvais.Et nous pourrons donc assister aux festivités de Timkat, fêtes de l’Epiphanie pendant lesquelles on promène aussi l’Arche d’Alliance puisque, comme vous le savez, c’est ici qu’elle se trouve après avoir été offerte par Salomon à la Reine de Saba. Un peu de culture, saperlipopette.Bon, on va regarder les étoiles.Peut-être une suite si on survit.On vous embrasse et on prend les renseignements utiles pour votre prochain séjour ici.Besos. AKSUM. Hello, les amis. Avouons-le d’emblée. Si la reine de Saba était aussi jolie que grand nombre d’Ethiopiennes, on comprendra aisément que Salomon ait perdu la tête…et la foi. Ce qui expliquerait aussi que l’arche d’alliance se soit retrouvée en pays sabéen. À propos de foi, il est permis de s’interroger sur un affadissement de la ferveur religieuse. En Europe, cela semble exact. Ici, en revanche, le christianisme orthodoxe a encore de beaux jours devant lui. Hier soir et ce matin, c’étaient des dizaines de milliers de pèlerins, tous habillés de blanc, qui se pressaient vers les thermes de la reine de Saba pour se faire asperger d’eau bénite. Tenez-vous bien. Nous avons vu l’arche d’alliance, portée sur tête d’homme. Non, pas Charlton Heston. Ni Moïse! Un autochtone! Cérémonie impressionnante!Il faut au moins reconnaître ceci aux religions qu’elles ont la vertu de rassembler. Elles ne sont (heureusement ou malheureusement) pas les seules d’ailleurs. À propos de rassemblement, ce qui frappe, chez les Éthiopiens, c’est ce sens de l’humain, ce sens du contact. On se côtoie sans s’ignorer, on se parle, on s’aide, on partage. Nous voilà loin de notre individualisme. Plus proches d’une certaine fraternité d’hommes, peut-être? Aksoum vit du tourisme. On y rencontre une jeunesse à peu de choses proche de la nôtre. Avec des préoccupations vestimentaires, capillaires, amoureuses qui osent s’afficher. Qui n’y a pas son portable? Mais il y a aussi tout un petit peuple qui vit de cette manne. Mais plus pauvrement: portiers d’hôtels, femmes de chambres, petits cireurs de chaussures, conducteurs de touk touk. Et à côté de ce qui constitue une exception, la population des villes, il faut savoir que 85% de la population vivent de l’agriculture. Et, au regard de nos standards européens, dans une extrême précarité. Les villages n’ont souvent ni électricité ni eau courante. Pas de dispensaire. Nous avons vu un malade porté sur un brancard par 4 hommes. Direction: l’hôpital situé à 3 ou 4 heures de marche. Le plus souvent, les habitations sont faites de bouts de bois, de tôles, de tissus déchirés par le vent. Tout comme dans les villes d’ailleurs où les bidonvilles nous ont paru encore plus cher nombreux qu’ailleurs dans le monde. Alors, comment ne pas comprendre ces nuées d’enfants qui se jettent sur vous pour vous vendre l’une ou l’autre babiole ou cirer vos chaussures, voire vos sandales? Villes également dans lesquelles ne roulent presque pas de vélos, encore moins de mobylettes mais des centaines de touk touk. Et qui sont presque propres pourtant. En tout cas bien plus qu’en Asie.On aime bien les Éthiopiens. Ils sont gentils et, loin du stéréotype de l’Africain lent et lascif, ils sont dynamiques, ponctuels, sérieux, honnêtes. Pourvu qu’ils puissent, après des années de guerre civile, prendre leur avenir en mains. Avec l’aide d’un tourisme responsable qui ne les pervertira pas. Mais là, il est hélas permis de douter. Et c’est une autre histoire. TIGRAY. Après Aksum, voilà le Tigray et ses montagnes. Ici, les moines se sont installés dans des endroits presque inaccessibles. Ils ont creusé leurs églises semi-monolithiques dans la roche même et ce dès le IVe siècle. Je m’explique. Une église semi-monolithique est excavée du rocher et précédée d’un porche bâti. Les églises de Lalibella, quant à elles, sont monolithiques, c’est-à-dire qu’on excave le rocher depuis le dessus pour laisser l’église entière, d’un seul bloc. Exactement comme le temple d’Ellora en Inde. Fin de ce petit cours. Revenons- en au Tigray. Debre Damo est un monastère interdit aux femmes, comme à tout ce qui est féminin. Ne peuvent donc le visiter que les hommes…et les animaux mâles. Pour y accéder, il faut se hisser le long d’une paroi verticale d’une quinzaine de mètres de haut à l’aide d’une corde. Un moine vous tire vers le haut au moyen d’une sangle. Service payant et obligatoire bien entendu. Sinon, on ne monte pas. 100 birrs (prononcez beurre et comptez 3,50 $). Au sommet, un plateau accueille un village de quelque 300 moines et diacres parfaitement invisibles. Seul un garde armé protège l’église qui est très belle avec ses poutres de bois horizontales qui séparent 3 ou 4 rangées de pierres. Dans le narthex, les tambours qui servent à soutenir les chants puis le Saint avec ses belles peintures orthodoxes (on n’ose, ici, employer le terme byzantines mais c’est bien à l’art byzantin que l’art éthiopien s’apparente en tant qu’il recouvre la même période et repose sur les mêmes fondements). Enfin il y a le Saint des Saints, accessible au seul prêtre. Retour en pseudo rappel.Le lendemain, 3 églises le matin près de Wukro Lodge, un projet ambitieux (volontairement rustique) mené par un Éthiopien. On s’en réjouit!L’après-midi…ouf!Abraha Guh : imaginez une église creusée dans le rocher, à quelque 100 mètres d’altitude. Il faut d’abord monter par un sentier, ensuite escalader des blocs pour enfin arriver à un ressaut vertical de 7 mètres qu’on gravit, assuré du haut et poussé dans le dos par 5 éclaireurs qu’il faudra évidemment récompenser. Dans sa gratitude d’être revenue vivante, Claudine m’a suggéré de donner 250 birrs (prononcez beurre et comptez 9 $…vous vous rappelez?) J’allais oublier: on a aussi loué la corde et le baudrier: 300 birrs (prononcez…bon, vous connaissez la chanson…11$). Arrivés au sommet, nous devons encore nous avancer sur une étroite plate-forme surplombant un vide vertigineux. Tout cela dans la moindre protection. C’est hallucinant! Mais on ne risque rien, paraît-il…la montagne est sacrée. Nul doute qu’un jour ou l’autre, quelqu’un fera le grand saut.Retour par le même chemin…vivants mais tant l’aventure que l’église en valaient la peine. DANAKIL. Après le Tigray, route vers le Danakil. Point d’orgue du voyage ? Peut-être…mais il y en a eu tant!Nous entrons en pays afar. C’est le désert, un des déserts les plus inhospitaliers du monde. 50 degrés à l’ombre parfois et de temps à autre, dans cette immensité sans eau, sans ombre, quelques misérables cahutes. Il paraît que le gouvernement apporte quotidiennement (?) de l’eau à ces gens qui sont probablement nomades ou semi nomades. Mais quelles peuvent bien être leurs ressources, si maigres fussent-elles? Rien ne semble pouvoir pousser ici. Nous arrivons à Hamedela, quelques huttes qui constituent un village du bout du bout du bout du monde. Des châlits en bois et en cordes sont jetés là en désordre. Cette nuit, nous dormirons donc à la belle étoile, sous et pas dans nos sacs de couchage et protégés du vent par l’abri que forment les tout-terrains.Mais auparavant, visite du Lac Asale, une mer de sel, à perte de vue et qui serait, sur 600 mètres de profondeur, le dépôt qu’aurait laissé la Mer Rouge.Des hommes arrachent à la terre des plaques de sel, puis les taillent en pains de 4,5 kilos avant de les charger sur des animaux de bâton. Les dromadaires peuvent porter quelque 200 kilos, les ânes à peu près 50. Ce sont alors des files de parfois 5000 dromadaires qui transportent le sel jusqu’à Aksum. Nous avons vu une caravane de 5 chameaux. Il manquait les 1000 (!).Dodo! DALLOL, ERTA ALE. On a essayé de compter les étoiles…il y en avait beaucoup et la lune était trop brillante.Lever chaotique! Difficile de garder un minimum d’intimité dans le camp. On finit par (un peu) oublier sa pudeur.Visite du Dallol. Comme dans le Yellowstone, l’activité volcanique crée une magie de couleurs. Certainement le point fort de la dépression du Danakil, peut-être de notre voyage d’ailleurs. Nous sommes à 130 mètres au dessous du niveau de la mer. Petits geysers, petits lacs de soufre, cascades colorées, émerveillement de chaque instant. Clic clac clic clac photo photo photo.Poursuite vers la petite ville d’Abella, en pays afar. Quel changement! Ici, tout est sale. Les rues en terre sont jonchées de milliers de bouteilles en plastique, écrasées et de détritus divers. Difficile aussi de s’aventurer dehors sans être poursuivis par une multitude d’enfants assez insistants voire agressifs qui ne connaissent que ces quelques mots: give me money, give me a pen. Triste perversion née du tourisme. Ce phénomène est généralisé en Éthiopie mais ici encore plus qu’ailleurs. Nous sommes en pays musulman.Nous dormirons par terre dans une guesthouse, isolés de l’extérieur par une grille métallique.Sympathiques rencontres aussi avec d’autres routards que nous retrouverons plus tard au hasard des visites. Le lendemain… Départ tardif. Regroupement de nombreuses Jeeps avant de faire route sous bonne garde vers l’Erta Ale. Un peu de route asphaltée avant de s’engager dans un désert de sable. Les conducteurs s’amusent à se dépasser à toute allure sur des pistes parallèles. Assez inquiétant!Le rodéo se termine devant les blocs de lave. La piste devient unique et les véhicules vont se suivre pendant plus d’une heure pour parcourir une douzaine de km. Là, c’est du vrai tout-terrain. Mais on est secoués comme des pruniers.Arrivée au camp de base, enfin.Les sacs de couchage vont monter à dos de dromadaires. Nous, on part dans l’obscurité pour 3 à 4 heures d’ascension à la frontale. 10 km plus loin, nous arrivons au bord du cratère…,et nous avons la chance, entre les épaisses volutes de fumée, de pouvoir contempler, par intermittences, le lac de lave. Encore un moment inoubliable.Bivouac quelques dizaines de mètres plus bas, sous les étoiles et à l’abri de quelques blocs de pierres entassés. Une nuit de rêve! Enfin, disons quelques heures de rêve car dès 5h00, retour au bord du cratère mais, cette fois, le magma restera invisible.Retour au camp de base, très fatigués, mais très heureux et les yeux encore pleins d’étincelles.En route pour Mekele. Une journée de voiture! MEKELE, LALIBELLA, ADDIS ABEBA. Mekele ! La ville ! Une ambiance toute différente de ce que nous avons vécu jusqu’ici. Et l’envie de partir assez vite, de retrouver l’homme derrière l’individu.On ne s’est pas attardés ! Le lendemain, très longue journée de route vers Lalibella. Les paysages sont superbes. Ici, nous sommes toujours très haut, plus de 3000 mètres quelquefois, mais on se croirait presque dans des alpages suisses. Les gens, à cause de l’altitude, sont habillés plus chaudement, les maisons sont mieux isolées du froid. Les forêts d’eucalyptus ont fait place à des essences plus robustes comme les lobélies arborescentes.Il faut se chauffer…la déforestation est dramatique !Mais la terre est propice à l’agriculture et on retrouve le vert des prairies. Nous, on connaît un peu ! Arrivée à Lalibella.Ce n’est pas une ville mais plusieurs villages étalés à 2630 mètres, sur le flanc sud-ouest des monts du Lasta.Waaaw ! Un bel hôtel : le Moutain View. Et c’est vrai que, de la chambre, la vue domine les canyons pour se perdre, ensuite, dans les montagnes qui se succèdent dans l’horizon bleuté par la brume de chaleur. On dormira, rideaux ouverts, pour se réveiller, ravis ! Églises monolithiques de Lalibella, entièrement excavées. Comment a-t-on pu, aux XIIe et XIIIe siècle, arracher des milliers de tonnes de rocher à la montagne pour ne laisser que les églises qui en affleurent le sommet ? C’est fascinant ! Comme fut fascinante l’ambition du roi Lalibella (qui a laissé son nom à la cité) de vouloir recréer, ici, une nouvelle Jérusalem, ce qui permettait donc d’éviter les dangereux pèlerinages. Tout y est donc : le Golgotha, le Mont des Oliviers, le Jourdain…de manière physique mais symbolique aussi, bien sûr.Lalibella, on a adoré et, plus particulièrement, l’église Saint-Georges, la seule à ne pas avoir été recouverte d’un de ces hideux abris financés par l’Unesco et paraît-il, destinés à être enlevés un jour ( ? ). Envol pour Addis Abeba.Une ville très différente de ce que nous avons vu jusqu’ici. Avec des immeubles, des hôtels chic, des voitures particulières, des bidonvilles aussi et des pick-pockets, notamment dans le Merkato, le plus grand marché en plein air d ‘Afrique. À Addis, on ne retrouve pas l’Éthiopie que nous avons aimée. Mais il y a Lucy, notre grand-mère à tous…et Tomoca, le meilleur café que j’aie jamais bu. Ciel gris et neige…nous sommes revenus en Belgique !