Je propose de calmer le jeu du débat car chacun a sa part de vérité et le bonheur au Sénégal n’est pas encore dans l’excursion. Ayant travaillé trois ans au Sénégal pour essayer de construire un tourisme solidaire (malheureusement sans succès) je connais un peu le sujet. Je parlerai des hôtels et de leurs excursions puis des guides.
Hôtels (et excursions)
- il ne faut pas mettre tous les hôtels dans le même sac
J’ai beaucoup de respect pour le Royam et je le recommanderai à ceux qui veulent partir en toute sécurité pour des prestations à prix raisonnables et de qualité ; toutefois, y ayant logé pour des raisons professionnelles avec un agronome sénégalais, celui-ci y était très mal à l’aise car côté clientèle c’était blanc, blanc blanc. Seul les serveurs étaient noirs. Qualité de service, site magnifique mais un peu d’apartheid…
Côté excursion, généralement les hôtels font de la sous traitance pour les excursions. ROYAM n’a pas de “bus surélevés” que d’aucuns appellent les bétaillères à touristes. Ces bus sont indécents, tous comme les quads qui traversent les villages à toute vitesse. Là où ils passent, je passais avec une 305 que je loue durant mes séjours… à un chauffeur de taxi local qui fait un service remarquable.
La sous traitance est valable pour les guides. Il y a rarement des guides employés à plein temps par les hôtels mais des guides qui travaillent comme journaliers. L’avantage est qu’ils ont été sélectionnés par les hôtels.
Je puis certifier que la soi-disante générosité demandée aux touristes est très souvent une arnaque. Et il faudrait arrêter cette mascarade. Si on comptait les bics et les cahiers d’écoliers qui ont été offert “aux villages” on pourrait alimenter toutes les classes du Sénégal et nourrir toute la population. Le fait est que des arrangements se font entre chefs de village et guide des hôtels et les dons ont vite fait de retrouver le marché. Ce n’est pas perdu pour tout le monde.
Les guides des hôtels (comme les autres d’ailleurs) n’ont pas eu de formation spécifique sur l’histoire du Sénégal. Parfois ils racontent de grosses bêtises. Je me souviens avoir vu un groupe de touristes tout content de tirer les sennes (filets à mailles fines) de plage alors que cette pêche est interdite car elle tue tous les alevins.
Les itinéraires sont toujours les mêmes. Lac Rose, Gorée, le baobab sacré, Mar Lodge alors qu’il y tant et tant à voir dans le Sénégal profond, hors des sentiers battus.
De mon point de vue, ayant organisé des excursions avec des amis sénégalais je trouve les prix des excursions des hôtels très chers. Vraiment très chers.
Dernière remarque sur les hôtels : le “all inclusive” est un vrai scandale car il coupe les touristes des contacts avec les populations sénégalaises et empêchent toutes retombées envers les petites entreprises sénégalaises, notamment les restaurants locaux. Les Sénégalais parlent, pour les hôtels “all inclusive” des prisons dorées pour les Blancs. Et quand on voit qu’on met des bracelets aux touristes (cf Nouvelles Frontières), que l’hôtel est gardé et interdit l’accès aux Sénégalais, cela rappelle de mauvaise chose dans l’histoire.
Mais Neptune, Royam ne mettent pas de bracelets et font des formules demi-pension. Ouverture à l’économie locale…
- Il existe des structures touristiques qui font de magnifiques excursions
Je pense à l’offre de la source aux Lamentins à Djilor. Vous décrouvirez vraiment l’histoire de Senghor et le monde écologique du Sine.
Les guides indépendants
Certes, il y a à boire et à manger. On appelle souvent ces guides les antiquaires (sans antiquités !) et certains d’entre eux ne sont pas du tout appréciés. Certains d’entre eux ont une capacité à coller les touristes dès qu’ils sortent de l’hôtel comme de vraies sangsues. Certains d’entre eux cherchent la blanche (et certaines blanches cherchent le jeune noir) et il y a bien des relations qui tournent mal.
Mais :
- Il ne faut pas généraliser ;
- Si un ou une touriste, ou un couple de touristes (j’en connaît) ont un jour facilité l’acquisition d’un véhicule à un guide (par don ou par prêt), ce n’est pas notre problème et il n’y a rien à redire à cela. S’il fallait enquêter sur l’accumulation primitive de tous les riches d’Afrique ou d’Europe, il y aurait beaucoup à redire dans bien des cas. Alors on laisse tomber ce dossier.
- Il est des guides et organisateurs d’excursions, indépendants supers et dignes de confiance. Car c’est leur métier, leur gagne pain. Souvent ils ont des familles à nourrir et savent l’exigence de sérieux nécessaire à la poursuite de leur métier et de leur réputation. Donc un peu de respect pour les indépendants svp…
- Concernant le logement, là encore il y a des villas d’Européens qui ont investi au Sénégal et gérées par des Sénégalais ou des Sénégalais qui accueillent des touristes dans des conditions tout à fait remarquable. Je persiste, confirme et signe.
- Si on peut créer des revenus pour des familles sénégalaises il ne faut pas hésiter à le faire, sans être dogmatique : les hôtels offrent des salaires qui font vivre des familles sénégalaises. Les indépendants travaillent aussi pour faire vivre leurs familles et ont peut être une valeur ajoutée plus grande.
- Ramener l’histoire du paiement des impôts est une vraie blague dans un pays où tricher le fisc est un sport national. De toutes façons les groupements d’intérêt économique (GIE), forme juridique souvent adoptée par ceux qui se lancent dans une activité indépendante, sont exonérés pendant 5 ans.
- Plus sérieuse est la question des assurances. Mais il faut savoir que des structures comme l’ONITS offrent aux indépendant de partager l’assurance pour “personnes transportées”.
Le problème
En fait, le Sénégal manque d’une vraie politique touristique qui formerait et contrôlerait à la fois les hôtels et autres structures formelles et les indépendants. Sur la station de Saly, c’est le libéralisme sauvage. Pas d’entente entre les structures formelles, pas d’entente entre les guides. Chacun pour sa peau. Le résultat est que tous mourront ensemble car le Sénégal avec ses taxes d’aéroport, ses coupures de courant permanentes, sa mauvaise gestion des déchêts perd chaque année de plus en plus de touristes alors que les pays voisins, comme le Maroc prennent des parts de marché.
L’hôtellerie “all inclusive” est un scandale. Elle devrait être interdite. Et n’importe qui ne devrait pas pouvoir se déclarer guide. Formations, signes de reconnaissance, agrément devraient être à l’ordre du jour.
Que faire ?
- Un touriste qui part à l’aventure, sans connaissance préalable et sans personnes de confiance pour conseiller se fera plumer dès l’aéroport.
- La générosité n’empêche pas le bon sens. De nombreux Sénégalais, y compris ceux qui travaillent pour les hôtels, ont appris à jouer de la générosité. Bonjour les dégâts
- Il existe des Sénégalais qui mènent un combat remarquable pour le développement. C’est à eux qu’il faut donner, par exemple à Jardins d’Afrique et sa ferme école agro-biologique. Mais il ya plein d’autres réussites de ce genre. On ne les découvre ni avec les hôtels ni avec les guides.
- Il ne faut pas partir au Sénégal n’importe comment. Se planquer dans les hôtels “all inclusive”, c’est la garantie de ne rien voir de sérieux du Sénégal. Se livrer aux antiquaires dans la rue, c’est la meilleure façon de se faire arnaquer.
- La seule solution est de partir en ayant des contacts sûrs dans le pays (Sénégalais ou Européens). Je dis bien des contacts sûrs. Des deux côtés il faut se méfier.
Bon voyage ! C’est un pays magnifique, avec des gens magnifiques. Il suffit de savoir les trouver