Bonjour,
Quelques réflexions préalables avant d’examiner vos deux phrases : Vous n’auriez pas dû donner à traduire la phrase telle que vous l’aviez élaborée. Il aurait été bien préférable de fournir simplement à vos traducteurs le sens général de ce que vous vouliez dire, le sentiment que vous vouliez communiquer, sans leur imposer de mots précis, ce qui les enfermait dans un cadre. Si vous demandez à un traducteur anglais de traduire le plus précisément possible : “il pleuvait des cordes”, et qu’il traduise : “it was raining ropes”, personne n’y comprendra rien en Angleterre. Aussi bizarre que ça paraisse, l’équivalent anglais serait : “il pleuvait des chats et des chiens” : “it was raining cats and dogs.” Il en est de même en thaï : il y a certainement des formules idiomatiques qui exprimeraient plus finement et plus clairement ce que vous voulez communiquer, même avec des mots complètement différents. Vous pensez en français, mais les Thaïs pensent en thaï, et ils n’ont pas les mêmes structures mentales ni les mêmes références culturelles que vous. Là où vous entrevoyez un double sens, une symbolique, j’ai peur qu’en lisant vos traductions, la plupart des lecteurs pensent que votre petite amie a déménagé et qu’à présent, où que vous alliez, elle vit avec vous, et ils se demanderont pourquoi vous avez éprouvé le besoin de vous faire tatouer cette information parfaitement inintéressante sur le corps. C’est en tout cas ce qu’ont compris les gens à qui j’ai fait lire les deux phrases. Ils en ont bien compris le sens, mais ils sont restés au premier degré et sont passés complètement à côté de la dimension symbolique et sentimentale.
D’ailleurs, même en français, votre phrase n’est pas très explicite, et l’on a du mal à en saisir précisément “l’idée de base”. S’agit-il d’une épitaphe pour un défunt ? du genre : “Même si la mort nous a séparés, ton souvenir vivra toujours en moi” ? Est-ce : “Tu m’a plaqué, mais je ne t’oublierai pas” ? Ou simplement : “tu n’habites plus à ton ancienne adresse et tu me suis partout où je vais”, qu’on pourrait facilement interpréter par : “Où que j’aille, décidément, tu es toujours dans mes pattes”. En fait, on devine ce que vous voulez dire, mais même dans la langue de Molière, ça reste assez ambigu. Ne vous étonnez donc pas si les Thaïs n’y comprennent rien, ou interprètent à leur façon.
Je décortique vos deux phrases, avec la romanisation du Royal Thai General System et en indiquant les nuances particulières de certains mots :
เธอ จาก ไป แล้ว จาก สถาน ที่ เคย พัก แต่ เธอ ยัง คง เป็นหลัก ข้าง ฉัน ทุก หน แห่ง
Thoe chak pai laeo chak sathanthi khoei phak tae thoe yang khong penlak khang chan thuk hon hang
Thoe (เธอ) : Tu (pronom personnel avec une connotation intime)
Chak (จาก) : partir, s’en aller
Pai laeo (ไป แล้ว) : littéralement : “parti déjà”. Marque le passé, les choses accomplie. À noter que “เธอจากไปแล้ว” (Thoe chak pai laeo - Tu es partie) est le titre d’une chanson de Panang, une guimauve gluante parmi les milliers de mièvreries tartignolles et indigentes qui font pleurer les midinettes thaïlandaises et saturent les émissions de radio et de télé.
Chak (จาก) : c’est le même mot que plus haut, mais utilisé comme une préposition, dans le sens de : “de, depuis l’endroit”.
Sathanthi (สถานที่) : l’endroit, le lieu
Khoei (เคย) : indique le “passé de situation terminée”, qui correspond à peu près au “used to” anglais, et qu’on pourrait traduire par : “tu avais l’habitude de”.
Phak (พัก) : vivre, résider, mais avec une connotation temporaire, plutôt l’idée de “faire une halte”, “résider temporairement”. Par exemple, on utilisera plutôt “yu” pour “vivre, demeurer chez soi”, et “phak” pour “séjourner à l’hôtel”.
Tae (แต่) : conjonction : mais. C’est la charnière de la phrase qui ouvre la seconde proposition.
Thoe (เธอ) : comme plus haut : Tu (pronom avec une nuance intime)
Yang (ยัง) : ici forcément employé comme verbe, dans le sens de “tu demeures”, “tu résides”, “te te trouves”…
Khong (คง) : Employé comme adverbe, khong signifie : probablement, certainement,
Penlak (เป็นหลัก) : principalement, essentiellement
Khang (ข้าง) : près de, à côté de.
Chan (ฉัน) : moi. À noter que, dans le langage courant, “chan” est généralement utilisé par les femmes, les hommes disent plutôt “phom” (ผม). Toutefois, avec des amis proches ou une amoureuse, l’emploi de “chan” par un homme accentuera le côté particulièrement intime de la relation.
Thuk (ทุก) : chaque, tous les…
Hon haeng : (หน แห่ง) : on trouve plus souvent l’inverse : “haeng hon”, dans le sens d’endroit, de lieu, de place. Peut-être “hon haeng” induit-il la notion de temps, et prend-il davantage le sens de “en tout temps et en tout lieu” ?
En français, cette phrase pourrait se traduire par : “Tu as quitté l’endroit où tu avais l’habitude de séjourner (momentanément), mais tu es (certainement, c’est certain) près de moi en tous lieux (et à tous moments ?)”
La seconde phrase est beaucoup plus facile à lire et moins littéraire.
คุณ ไม่ ได้ อยู่ ใน ที่ๆ คุณ เคย อยู่ แต่ คุณ อยู่ ใน ทุก ที่ๆ ฉัน อยู่
Khun maidai yu nai thi thi khun khoei yu tae khun yu nai thuk thi thi chan yu.
Khun (คุณ) : Vous, sans la nuance intime de “thoe”. C’est le langage formel, respectueux.
Maidai (ไม่ได้) : négation “pas”.
Yu (อยู่) : habiter, résider, vivre (sans la notion de “provisoire” induite par le “phak” de la phrase précédente).
Nai (ใน) : dans, à l’intérieur de
Thi thi (ที่ๆ - en fait “thi” (ที่) et le signe de répétition ๆ qui signifie qu’on doit lire le mot deux fois. Le premier “thi” est le nom commun qui désigne un endroit, un lieu, et le second “thi” doit être le pronom relatif “qui”, “où”.
Khun (คุณ) : vous, comme plus haut.
Khoei (เคย) : “passé de situation terminée”, comme dans la phrase précédente : “aviez l’habitude de”
Yu (อยู่) : comme plus haut, habiter, résider, vivre…
Tae (แต่) : mais, conjonction de coordination, charnière de la phrase.
Khun (คุณ) : vous.
Yu (อยู่) : vivre
Nai (ใน) : dans, à l’intérieur de
Thuk (ทุก) : tous les, chaque
Thi thi : comme précédemment : endroits que, endroits où
Chan (ฉัน) : Je, avec la nuance de quelqu’un qui s’adresse à un intime. Toutefois, le “khun” assez formel pourrait laisser entendre que la personne qui parle ici est une femme. Dans le contexte, “Phom” (ผม - “je” pour les hommes) serait peut-être plus adapté (si c’est un homme qui parle, évidemment).
Yu (อยู่) : vivre, résider, habiter.
La traduction serait : vous n’habitez pas (plus) à l’endroit où vous aviez l’habitude de séjourner, mais vous vivez (demeurez, vous trouvez) dans tous les lieux où je vis.
Les deux phrases sont donc des traductions possibles, qui me paraissent toutes deux correctes, la première plus littéraire (et plus longue. J’ignore où vous voulez vous la faire tatouer, mais il faudra de la place - ou être en d’heureuses dispositions, comme disait Pierre Dac), la seconde plus basique (et plus facilement lisible, mais sans le côté intime et un peu plus recherché).
Si je devais choisir, franchement, je ne prendrais ni l’une, ni l’autre, car bien peu de gens en comprendraient le sens symbolique - sinon personne. Je me contenterais d’une phrase que tout le monde pourrait immédiatement comprendre, telle que celle-là : “Tu es partie, mais je ne t’oublierai jamais”. Thoe chak pai laeo tae chan cha mai luem thoe loei (เธอจากไปแล้วแต่ฉันจะไม่ลืมเธอเลย). C’est simple, et finalement, ça veut dire à peu près la même chose. Et ça peut servir plusieurs fois, pour tout plein de filles différentes, si l’on ne met pas de nom…
Mais bon, c’est votre peau, hein…
Cordialement,
PVM