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Musique

Carlos Gardel, le roi du tango serait, dit-on ici, né dans l’obscure ville uruguayenne de Tacuarembó, avant de migrer vers les lumières de Buenos Aires. Mais, en fait, Carlos Gardel semble être né à Toulouse et se serait fait faire de faux papiers uruguayens pour échapper au service militaire français !

Quant à Gerardo Mattos Rodríguez, dont l’extrait de naissance ne fait pas mystère de la nationalité uruguayenne, on lui doit la célèbre Cumparsita - devenue « l’hymne populaire et culturel » du pays. Les Uruguayens l’affirment : le tango ne serait pas argentin, ou pas vraiment, ou pas complètement… Il serait né dans les milieux populaires de Montevideo. À parité avec Buenos Aires. Au moins.

La hache de guerre a finalement été enterrée en 2009, lorsque Argentine et Uruguay ont déposé ensemble une demande de classement du tango au patrimoine mondial immatériel de l’humanité. L’Unesco, elle, l’a prudemment rattaché au « bassin du río de la Plata », berceau d’un melting-pot au grand chaudron farci de 1001 ingrédients - « immigrants européens, descendants d’esclaves africains et autochtones » ayant donné vie à « un mélange hétéroclite de coutumes, de croyances et de rituels qui s’est mué en une identité culturelle caractéristique ».

De ce fonds multiculturel provient aussi la milonga, proche du tango mais plus vive et plus joyeuse, et la chamarrita, davantage propre au nord de l’Uruguay.

 Mais s’il fallait citer un genre musical exclusivement uruguayen, ce serait plutôt le candombe, d’ascendance principalement bantoue, rythmé par au moins 3 tambours. Malgré le faible pourcentage de population afro-américaine, on le retrouve dans toute son effervescence au moment du carnaval. La murga, elle aussi attachée au carnaval, est chantée par des chœurs sur un fond musical a minima (percussions). La serranera, elle, met à l’honneur chanteurs aux voix profondes, guitares et violon.

Blanes (Juan Manuel)

Si la scène culturelle du pays est assez dynamique, bien peu de ses artistes sont connus à l’étranger. L’un d’eux, toutefois, est renommé jusque de l’autre côté du río de la Plata et même au-delà : le peintre Juan Manuel Blanes (1830-1901), devenu célèbre dans toute la région pour ses portraits et ses grandes scènes académiques exaltant la vie des gauchos, la pampa, les victoires militaires et, plus largement, l’identité nationale.

Né à Montevideo dans une famille hispano-argentine, Blanes se forme largement en autodidacte avant de s’embarquer à 30 ans pour l’Europe, pour parachever sa formation - financée par une bourse gouvernementale. Il y passe 5 ans, principalement à Florence mais avec une incursion au Moyen-Orient, avant de revenir au pays, où il produit l’essentiel de son œuvre un tantinet grandiloquente.
1877 voit l’achèvement du célèbre El Juramento de los Treinta y Tres, représentant les hommes qui scellèrent l’indépendance de l’Uruguay en 1825. La fin de la vie de Blanes n’est pas drôle : il perd d’abord sa femme, puis deux de ses fils - dont l’un disparait sans laisser de trace. Il parcourt l’Italie à sa recherche, sans résultat, jusqu’à en mourir d’épuisement.

Pour les Uruguayens, Blanes est le « peintre de la patrie », une sorte de trésor national qui rend gloire aux héros et aux grands moments de l’histoire. Adepte du clair-obscur, il nimbe chacun de ses personnages de lumière, au gré de scènes souvent plongées, elles, dans l’obscurité des combats et de réalités difficiles. On peut voir nombre de ses œuvres au Museo Juan Manuel Blanes de Montevideo, ainsi que sa grande Bataille de Sarandí à la Casa Lavalleja, sur la calle Zabala.

Gauchos

On les associe à l’Argentine. Pourtant, les gauchos ne sont pas moins présents en Uruguay - et peut-être même davantage, proportionnellement. La pampa couvre en effet une bonne partie du pays dès que l’on quitte le littoral et les grands élevages y occupent encore des centaines de milliers d’hectares (non convertis au soja !).

Tout remonte aux premiers temps de la colonisation, lorsque du bétail est amené du Paraguay par l’explorateur Juan de Garay sur le territoire de l’actuel Uruguay. Beaucoup de bêtes s’échappent et, bientôt, des hommes entreprennent de chasser et regrouper ces troupeaux épars. Peu à peu, se créent de vastes latifundia vouées à l’élevage extensif.

À la fin du XVIIIe et tout au long du XIXe siècle, toute une mythologie voit le jour autour des hommes qui y travaillent, dont beaucoup sont alors libres comme le vent, allant offrir leurs services d’une exploitation à une autre. Leur vie sans entrave trouve son écho en chansons, remplit des récits et est bientôt peinte avec brio (voir ci-dessus) pour célébrer l’esprit national. Oui, l’Uruguay est un pays de gauchos !

D’où vient le mot ? Personne n’est trop sûr. Du cauchu (vagabond) ? Du huauchu (orphelin) ? Qui étaient, qui sont les gauchos ? À l’origine, beaucoup d’hommes mêlant en eux les sangs européen, amérindien et africain. Des cavaliers-nés, des hommes reconnus pour leur dureté à l’effort, leur caractère droit, leur intransigeance face à la liberté et leur détermination à défendre leur style de vie.

On ne s’étonnera pas qu’ils soient devenus symbole… même si s’attache à eux une certaine mélancolie - celle issue de la disparition progressive d’un mode de vie en but aux exigences de la modernité. Pétris par l’illusion chimérique d’un siècle d’or, les nationalistes en ont fait leurs modèles de vie - et plus d’un écrivain les a, depuis, érigé en porte-drapeau de la lutte anti-corruption !

Chaque année, au début du mois de mars, la ville de Tacuarembó célèbre les gauchos lors de la Fiesta de la Patria Gaucha. L’occasion de les voir de près manier le lasso et s’affronter dans l’arène du rodéo, avant la grande parade réunissant des milliers de cavaliers. Bien sûr, la musique, les barbecues et le mate sont omniprésents !

Bon, vous avez vu… ? Pas une fois, dans cet article, nous n’avons fait de comparaison ni utilisé le terme de « cow-boy ». Dites plutôt aux gauchos que les cow-boys leur ressemblent - là, vous vous ferez des amis pour la vie.

Mujica (José « Pepe »)

À la tête de l’Uruguay de 2010 à 2015, José Mujica n’a pas été un président comme les autres - loin s’en faut. D’origine italo-basque, cet homme devenu quasi-légendaire en Amérique Latine a commencé sa carrière dans le sillage du Partido Nacional (Blancos) avant de dériver vers la gauche de l’échiquier politique.

Engagé dans le mouvement des Tupamaros, il lutta armes au poing contre la répression exercée par le gouvernement Areco. Blessé six fois, capturé quatre, il s’échappa à deux reprises de prison avant de s’y retrouver à nouveau sous haute garde, comme « otage » de la dictature (1972-85) - qui voulait ainsi s’assurer de garder ses camarades sous contrôle. Il passa les deux dernières années à l’isolement complet, au fond d’un puits.

Après le retour à la démocratie, il fut élu en 1994 à la députation, puis sénateur en 1999. Imposant son mouvement au sein du Frente Amplio, il devint ministre de l’agriculture durant le premier mandat de Tabaré Vázquez, avant d’accéder finalement à la présidence (en récoltant 48% des votes dès le premier tour).

Les raisons de son succès ? Son franc-parler. Son dégoût des cravates et son amour des sandales. Sa fidélité à ses idéaux de jeunesse, qu’il entretient tout en reconnaissant de nombreuses « erreurs ». Peu envieux des fastes gouvernementaux, durant toute sa mandature, il se déplace en bus public ou à bord de sa Coccinelle bleue de 1987. Il délaisse le palais présidentiel pour demeurer avec son épouse (sénatrice) dans leur modeste ferme de fleurs de Rincón del Cerro, en banlieue de Montevideo.

Ses priorités ? L’éducation, la sécurité, le milieu naturel et l’énergie. Son but ? Réduire la pauvreté de 50%. Cible atteinte : sous sa mandature, elle est passé de 21% de la population à 11,5%. Son moyen d’action ? Une réforme de l’administration publique inspirée du modèle néo-zélandais (!) et un grand plan d’aide au logement social qu’il abonde personnellement, à hauteur de 87% de son salaire !

Parmi ses grandes réformes : la dépénalisation de l’avortement (une première en Amérique Latine), la légalisation du mariage gay et la dépénalisation du cannabis - imaginée comme la meilleure manière de lutter contre le trafic de drogue et ses conséquences.

Au roi Juan Carlos, qui vient lui rendre visite, Pepe déclare : « quelle malchance d’être né roi ». Interrogé sur l’ONU, il répond : « Notre monde a besoin de moins d’organisations internationales, qui servent surtout les chaînes hôtelières, et de davantage d’humanité. » Sa phrase fétiche ? « Sans bagages (comprenez : richesses) et plus libre.

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