Histoire Corse
On ne sait pas très bien quand l'homme a posé le pied en Corse : les traces les plus anciennes d'habitat remontent à 8 500 av. J.-C. et on a longtemps considéré que le vestige humain le plus ancien remontait à 6 570 av. J.-C., mais la sépulture collective de Campu Stefanu (près de Sollocaro) a livré des squelettes un peu plus anciens (6500 à 7000 av. J.-C.).
Certains pensent que l'homme aurait pu arriver à pied (presque) sec par le cap Corse vers 60 000 av. J.-C., à une époque où le niveau de la mer était bien plus bas que de nos jours. Mais aujourd'hui, les archéologues penchent plutôt pour une occupation saisonnière, qui aurait commencé au Mésolithique, vers 10 000 av. J. C., par des pêcheurs venant du continent.
Pour une occupation permanente, il faudra attendre quelques millénaires encore : sans doute vers 5750 av. J.-C., lorsque les 1ers « colons », agriculteurs-éleveurs arrivant de Provence ou d’Italie avec leurs animaux domestiques s’installent sur l’île.
Au VIe siècle, les Grecs de Phocée (Asie Mineure) fondent l'actuelle Marseille, puis Alalia (Aléria). Les Phocéens exploitent mines et salines, plantent la vigne et l'olivier. Peu concernés, les Corsi font paître leurs troupeaux dans les montagnes.
Mais en 535, les flottes étrusque et carthaginoise vainquent les Phocéens (bataille navale d'Aléria), et les Phocéens vont voir ailleurs.
Viennent ensuite les Romains, vers 225 av. J.-C. Ils mettent près de 1 siècle à soumettre la Corse, y réussissant après la bagatelle de 10 expéditions militaires. Des colons romains s'installent.
Corses contre Corses
Les Romains restent 700 ans. Les grandes invasions glissent sur l'île. Vandales en 456, Goths 1 siècle plus tard, suivis par les Byzantins. En 725, les Lombards débarquent... pour être chassés par les Francs. Puis, après, toute une série de razzias terrifiantes, les Maures ou Sarrasins, tentent leur chance.
En 754, Pépin le Bref promet la Corse au Saint-Siège (en échange d'être le premier roi de France sacré par le pape). Son fils Charlemagne tient la promesse, mais les Sarrasins reprennent pied en Corse. La flotte de Pépin d'Italie boutera définitivement les Maures hors de ces eaux.
Les seigneurs féodaux, souvent toscans ou ligures, décident de se partager l’île. C’est contraire aux vieilles coutumes des clans. L’île devient fief de l’évêché de Pise.
Gênes persiste
En 1284, Gênes détruit la flotte pisane. Ceux qui se sont endormis corses se réveillent génois. Durant 5 siècles, ils chercheront par tous les moyens à retrouver leur indépendance. En 1358, une révolte antinobiliaire aboutit à un système de communautés villageoises autogérées. Une partie de l'île est alors débarrassée des seigneurs féodaux.
En 1453, péripétie curieuse : Gênes loue la Corse à ses créanciers. C'est l'opulente banque de Saint-Georges qui ramènera dans l'île la paix et la prospérité.
Mais Gênes, alliée de Charles Quint, subira les assauts du principal adversaire de celui-ci, le roi de France Henri II. Soutenues par un corsaire turc, les troupes françaises conquièrent l'île. Les insulaires sont abandonnés.
De nouveau puissante sur l'île, Gênes exploite l'île à outrance. Les Corses ne l'oublieront pas. En 1729, une famine conduit la population à prendre les armes. En 1735, les Corses vont jusqu'à proclamer l'indépendance. Gênes répond par le blocus de l'île.
Un leader sans couronne
En 1755, Pasquale Paoli est élu chef de la Résistance. Il rêve d'independance.
Au traité de Versailles (1768), Gênes, ruinée, demande au roi de France de rétablir l'ordre en Corse pour son compte. L'île est cédée pour 4 ans, mais Gênes ne reverra jamais son ancienne possession, Louis XV annexant l'île, ce qui explique qu'aujourd'hui encore plus d'un Corse considère que les Français se sont illégalement approprié l'île. Celle-ci entre en effervescence. La Corse cédée comme une vulgaire marchandise : on allait voir !
Paoli doit fuir en Angleterre. Amnistié, il reviendra sur l'île en 1791. Scandalisé par les excès antireligieux de la Terreur, il se retourne et proclame un royaume anglo-corse indépendant sous protection britannique. Mais les Anglais ne le désignent pas comme vice-roi, ils lui préfèrent sir Gilbert Elliott, aidé par Pozzo Di Borgo. Amer, Paoli repart en Angleterre en 1795.
Napoléon, le « Petit Corse »
Un certain Carlo-Maria Buonaparte a lancé un appel aux armes contre « les derniers envahisseurs » venus de France. Assez vite, pourtant, le paoliste flamboyant se transforme en « collabo » des Français, contre un titre de noblesse.
En 1789, la Corse est partagée entre les paolistes et les « populaires », qui veulent propager la Révolution. Le jeune homme en est. Mais bientôt, sa fougue patriote les oppose.
Ensuite, Bonaparte cède la place à Napoléon, et pour ce dernier, la Corse n'est pas la préoccupation première : l'île sera maintenue sous un régime d'exception pendant plusieurs années et l'Empereur n'y reviendra qu'une seule fois, pour une semaine !
La Corse française
En regard de sa longue histoire de troubles, la Corse a vécu les 2 derniers siècles dans une paix relative. Après son annexion, la France n'est pas restée inerte. La population s'accroît et l'économie se développe. Les fléaux insulaires (vendetta, divisions, banditisme...) déclinent au début du siècle suivant.
L'île profitera des progrès techniques (routes, chemins de fer...), notamment sous Napoléon III, qui fera davantage pour l'île que son illustre oncle.
Mais au tournant du XXe siècle, la Corse s'essouffle. Les activités traditionnelles - production d'huile d'olive, culture de la châtaigne, chênes-lièges - périclitent, mises à mal par la concurrence d'autres îles méditerranéennes. Puis la Grande Guerre décime les Corses, recrutés en masse : 12 000 hommes sont tués sur les 45 000 mobilisés. Or ces hommes sont les dépositaires du savoir-faire agricole et d’une grande part de la culture corse... Et la Corse, sans aucune industrie ou presque, se cherche, n’ayant d’autre choix que l’émigration : vers l’Amérique du Sud (Venezuela, Porto-Rico) et, surtout, la France continentale, d’où de nombreux insulaires partiront vers les colonies (on estime que 20 % de la « coloniale » était d’origine corse au début du XXe s). Ceux qui monteront sur Paris réussiront souvent dans les sphères politiques et... le banditisme : il n’est pas si loin, le temps où Pigalle était « tenu » par les Corses.
La Corse libérée par les Corses !
La Seconde Guerre mondiale plonge la Corse dans la tourmente. Pressé de « rendre » l'île à l'Italie, Mussolini l'occupe au mépris des accords d'armistice. La Résistance corse s'organise.
L'année 1943 sera particulièrement coûteuse pour la Résistance, mais le 8 septembre, la capitulation de l’Italie donne le signal de l’insurrection, organisée par les résistants corses. 3 000 soldats marocains débarquent à Ajaccio le 23 septembre, suite à l’appel de leur sultan (et futur roi) Mohammed V. Ce soutien décisif est souvent oublié. Ajaccio se libère aussitôt. Bastia, dévastée par les combats et les bombardements alliés, est également libérée.
« Le fusil ou la canne à pêche »
L’indépendantisme corse ne date pas d’hier : avec Sampiero Corso ou Pasquale Paoli, il a souvent mené l’histoire insulaire. Dans les années 1960, la Corse s’ouvre, après une longue torpeur, au bouillonnement régionaliste. Un mouvement surtout incarne cette génération qui veut vivre au pays : l’ARC, l’Action régionaliste corse des frères Siméoni. Avec le raidissement des années 1970, l’ARC devient franchement autonomiste, et les jeunes poussent le très charismatique Edmond Siméoni à se mouiller davantage.
Le 17 août 1975, à Corte, Siméoni promet de « se battre à visage découvert », d’offrir, « au service d’une cause sacrée, la liberté et le sang de ses militants ». Stupeur de ses troupes, d’autant qu'il conclut, martial : « Un révolutionnaire, ou il gagne, ou il meurt. »
Le tournant d'Aléria
En août 1975, les pieds-noirs sont accusés de profiter des subventions, des prêts bonifiés des banques, mais aussi de trafiquer le vin dans la plaine orientale, alors que des centaines d'agriculteurs corses sont sur la paille. Michel Poniatowski, qui tient la maison. D’une main très ferme. Il envoie à Aléria 1 200 hommes et 4 automitrailleuses régler le problème : 2 gendarmes sont tués. Siméoni se constitue prisonnier, et la Corse le soutient comme un seul homme, mais une semaine plus tard, 10 autres militants sont arrêtés. Les affrontements à Bastia tournent au combat de rue, un CRS est tuént, mais, une semaine plus tard, 10 autres militants sont arrêtés. Les affrontements à Bastia tournent au combat de rue.
Les nuits bleues du FLNC
Les radicaux fondent le FLNC (Front de libération nationale de la Corse) en 1976, après une nuit bleue. Des symboles de l’État, postes, perceptions, gendarmeries, sautent régulièrement. De même que les constructions sauvages du littoral (jusqu’à 800 par an), et sans jamais faire de morts. Beaucoup, sur l’île, voient ce type d’actions avec bienveillance.
L'hydre à bras armés
Sur le plan politique, les gouvernements successifs échouent dans leurs tentatives de règlement du « problème corse ». La création de la région Corse en 1970, l'ouverture d'une université à Corte, l'élaboration de nouveaux statuts pour l'île en 1982, celle d'une Assemblée territoriale, les avantages fiscaux et même les amnisties, rien n'y fait, la surenchère continue, les attentats aussi.
Pas moins d'une quizaine de courants nationalistes coexistent ou s'affrontent... L'État manque d'interlocuteurs sérieux.
Luttes intestines, rivalités personnelles, règlements de compte en série, la collusion mafieuse et la levée de « l’impôt révolutionnaire » (un vulgaire racket), tout cela témoigne de méthodes crapuleuses. La dérive atteint des sommets avec l’assassinat du préfet Érignac en 1998.
De son côté, l’État accumule les bourdes, un jour « autorisant » une réunion de plusieurs centaines d’hommes armés, sans intervenir, un autre en achetant une paix éphémère à coups de millions, ou en ordonnant aux gendarmes d’incendier une paillote (Chez Francis), usant de la violence qu’il combat... Le préfet Bonnet y perd sa place (mai 1999).
Les accords de Matignon
Jospin décide, en 1999, de réunir autour d’une table. Le gouvernement, les nationalistes et les élus corses des partis traditionnels.
À l’été 2000, Jospin sort un consensus de son chapeau. Un coup de maître de grand illusionniste, car chacun y voit donc ce qui lui plaît : étendue exacte du pouvoir législatif accordé à la Corse, obligation ou non de l’apprentissage de la langue corse, fiscalité, tout cela est évoqué, mais pas dans le détail.Grand malentendu.
Chevènement, ministre de l’Intérieur, démissionne.
Dans le camp adverse, c’est la zizanie : les attentats et les assassinats reprennent (une trentaine en 2001).
Les années 2000
Le changement de donne politique, en 2002, enterre ces accords.
L'embellie des relations gouvernement-nationalistes ne survit pas à un été 2003 riche en rebondissements : l'arrestation d'Yvan Colonna, la victoire du « non » au référendum sur l'évolution du statut de l'île et le verdict dans le procès de l'assassinat du préfet Érignac conduisent le camp nationaliste à durcir sa position.
Et les attentats reprennent à un rythme accéléré... avant qu'une nouvelle trêve soit annoncée. Aux régionales de 2004, les nationalistes subissent un revers : seulement 8 sièges sur 51 à l’Assemblée territoriale.
Dans la foulée, l'arrivée au ministère de l'Intérieur de Dominique de Villepin, admirateur de Napoléon, ne contribue pas à détendre l'atmosphère.
De 2004 à 2006, le camp nationaliste et le gouvernement sont dans une sorte de paix armée, rythmée par les plasticages. Corse éternelle...
Les rencontres de Corte, en août 2007, marquent une nette fracture entre « indépendantistes » et « autonomistes ». Cela aboutira, en 2014, à l’annonce par le FNLC qu’il dépose les armes. L’organisation est en perte de vitesse face à la nouvelle génération des autonomistes, menés par Gilles Siméoni (fils d’Edmond) et qui refusent la violence des « encagoulés ». Le FNLC, pour ne pas perdre la face, a tenté de faire valoir qu’il avait gagné le combat des « idées », les revendications portées depuis la création du mouvement ayant fait leur chemin dans les esprits, parfois au-delà même des rangs nationalistes.
Bilan de 38 années de violence : 10 500 attentats ont été commis sur l’île. Cela ne signifie pas l’arrêt définitif de toute violence dans l’île, le FLNC n’étant plus qu’une composante du mouvement "patriotique".
Les années post-Covid
La mort d’Yvan Colonna en mars 2022, sauvagement agressé par un codétenu à la prison d’Arles, choque profondément la Corse. Le gouvernement, accusé d’avoir toujours refusé le rapprochement des détenus corses dans les prisons insulaires, promet des discussions sur un statut d’autonomie... « restant à préciser ». La commission d’enquête parlementaire sur le meurtre de Colonna conclut à une série de défaillances et d’erreurs des autorités pénitentiaires, et prône notamment une « réforme impérieuse » du statut de détenu particulièrement signalé (DPS) et l’amélioration de la prise en charge des détenus « présentant des troubles psychiatriques ». L’élection présidentielle voit se produire un nouveau paradoxe corse : au 2d tour, la candidate du Rassemblement national, qui ne soutient ni leur demande d’autonomie ni même l’apprentissage du corse à l’école, est créditée de 58 % des suffrages exprimés. Il s’agit d’un vote « anti-Macron » confirmé par les résultats des législatives, le camp nationaliste envoyant au Palais-Bourbon 3 députés sur les 4 que compte l’île. En 2023, 2 grandes propositions concernant l’évolution institutionnelle de l’île et son éventuelle autonomie sont mises sur la table. Le 1er texte, adopté par la majorité autonomiste du président du Conseil exécutif, Gilles Siméoni, réclame « la reconnaissance juridique du peuple corse », un « statut de coofficialité de la langue corse » et « un statut de résident », le tout soumis à référendum et figurant sous la forme d’un « titre dans la Constitution consacrant l’autonomie ». Pendant ce temps, un nouveau mouvement indépendantiste, le GCC (Ghjuventu Clandestina Corsa), principalement composé de jeunes nationalistes en désaccord avec le pouvoir en place, plastique ici et là des résidences secondaires et même des maisons d’élus corses tentant de faire passer un « message anti-spéculation immobilière ».
Vers un nouveau statut ?
Fin septembre 2023, le président Macron, en visite sur l’île, désarme les nationalistes en leur proposant « une autonomie dans la République ». Le « en même temps » appliqué à la Corse, en quelque sorte. Il se dit favorable à une reconnaissance de la spécificité de l’île, à l’intérieur de la Constitution. Le principe d’une autonomie qui ne se fera ni « contre l’État, ni sans l’État » reste à écrire...
Dans la nuit du lundi au mardi 12 mars 2024, dans un bureau du ministère de l’Intérieur, place Beauvau, et en présence du ministre de tutelle Gérald Darmanin, gouvernement et élus corses tombent d’accord sur un projet d’« écriture constitutionnelle » prévoyant « la reconnaissance d’un statut d’autonomie » de l’île. L’accord tient sur un document de la taille d’une feuille A4, mais il a malgré tout une petite portée historique. Car, contrairement à ce qui se raconte volontiers dès le lendemain, la montagne corse n’accouche pas d’une souris parisienne. Que prévoit cet accord, en réalité ? Rien moins qu’un chemin balisé vers une autonomie réelle (mais pas une indépendance).
Par exemple, après consultation des députés et des sénateurs, l’île pourrait, d’ici à quelques années, fixer ses propres règles en matière d’urbanisme, de droit de succession, de coopération transfrontalière, de santé ou encore d’éducation. Elle pourrait aussi donner plus d’importance à la langue corse (ce qui est déjà plus ou moins le cas dans les écoles, dès le primaire). En clair, les lois françaises, sur l’île, peuvent faire l’objet d’aménagements et d’adaptations.
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