Balade hivernale en Sibérie
Un Tupolev peu rassurant
Minuit approche. Il neige sur Moscou et sur les ailes des avions endormis. Nous attendons le nôtre depuis plus de quatre heures. Tous les autres sont partis sans encombre, vers Kazan, vers Oufa, Omsk, Norilsk ou Krasnoïarsk. De Domodedovo, on ne part que vers l'Est, vers la Sibérie.
Enfin, quelques bribes de phrases captées en russe : la nouvelle est bonne, nous décollons. Direction : Oulan-Oude, capitale de la Bouriatie, une république russe et sibérienne mitoyenne de la Mongolie. Les chapkas et les manteaux de fourrure s'activent, les sourires crispés reviennent sur les lèvres de nos voisins bouriates et russes. Sur la passerelle, c'est la cohue, à qui passera le premier. Pour ne pas être en reste, nous jouons des coudes.
Devant nous, un Tupolev 154 vieux comme Mathusalem, l'air louche en plus. Une carlingue jaunie par le temps, une moquette qui laisse entrevoir le métal, des sièges ramollis par les embonpoints soviétiques - des strapontins en fait, qui se soulèvent pour laisser passer les voisins de rangée et leur barda… On voyage rarement léger en Russie. Un coup d'air chaud à la souffleuse pour alléger l'appareil englacé (il en aura besoin), un caramel au cynorhodon offert avec un sourire, un journal distribué pour garder les apparences, et nous voilà partis. La routine. Sauf pour ma voisine de derrière qui s'agrippe à mon siège comme à une bouée.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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