Pérou, terre métisse
À l’ombre du Misti
Il faut treize heures de route — pas une de moins, mais parfois beaucoup plus… — pour rejoindre Arequipa en bus, en longeant interminablement la côte desséchée. La plus grande ville du sud du pays (900 000 habitants) offre une bonne alternative pour s’acclimater à l’altitude. Ancrée à « seulement » 2 325 mètres, elle permet d’échapper au choc rude que la plupart ressentent en débarquant directement à Cuzco, perchée à 3 400 mètres…
Deux choses sautent immédiatement aux yeux en arrivant à Arequipa : la couronne de volcans qui la cerne, avec le cône parfait du Misti (5 825 mètres) aux avant-postes, et le soleil radieux qui irradie le blanc crème de la pierre de sillar (volcanique) de ses palais. C’est derrière leurs murs que Mario Vargas Llosa, le tout nouveau Prix Nobel de Littérature péruvien, a puisé la matière de ses meilleurs romans. Un matériau pétri de conservatisme et de bondieuserie, de fierté inaltérable et de grandiloquente décadence.
Jadis, les filles cadettes des bonnes familles se retrouvaient cloîtrées dans l’un des monastères de la ville pour la gloire du Tout-Puissant et la paix de la conscience des leurs. Le faste ne s’arrêtait toutefois pas aux lourdes portes cloutées des couvents. À Santa Catalina, par exemple, les plus riches des sœurs bénéficiaient de leur cellule particulière, avec leur chambre, leur salle d’ablutions, leur propre cuisine et, bien souvent, une pièce supplémentaire pour loger… leur(s) servante(s) ! Les plus chanceuses cohabitaient avec le sublime cloître des Orangers, peint de ce bleu intense que l’on a nommé Majorelle.
Autre témoin magnifique de la foi chevillée au corps des Arequipeños, l’église jésuite de La Compañía abrite une exubérante sacristie à la coupole entièrement couverte de fresques représentant des thèmes amazoniens — perroquets et flore exotique rappelant les missions de l’ordre dans les terres basses et insalubres du pays.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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