Le Voyage de Shanghai
Auteur : Serge Bramly
Editeur : Grasset
338 Pages
“ C’est donc ça Shanghai ? ”, se demande Serge Bramly du haut d’un trente-sixième étage. Le poumon économique de la Chine a des airs de mégapole américaine, en plus grand. Mais où est donc passée la vieille ville chinoise ? Encerclée, écrasée par les buildings qui jaillissent de terre, elle se réduit comme peau de chagrin. Et les concessions qui firent les beaux jours du commerce occidental en Asie ? Il n’en reste plus grand-chose. Seules quelques façades au style colonial subsistent çà et là.
Avec ses quinze millions d’habitants et sa forêt de gratte-ciel, Shanghai pourrait en rebuter plus d’un. Mais Serge Bramly, écrivain et photographe (il a déjà publié un livre de photographies sur Shanghai avec Bettina Rheims) fait partie de ces voyageurs qui cherchent inlassablement à aller au-delà des apparences. Et si Shanghai pouvait aider à percer les mystères de cette Chine en perpétuel mouvement ? Une Chine qui tantôt fascine, tantôt effraie l’homme occidental. Alors le narrateur se résout à délaisser le taxi et les autoroutes urbaines au profit de la marche à pied, meilleur moyen pour s’imprégner de son sujet. Il s’engouffre dans le métro, vagabonde de quartier en quartier et arpente les artères commerçantes jusqu’à se perdre dans l’immensité de la ville. Il assiste à toutes les fêtes, ne rate aucun banquet et se fait inviter aux réceptions les plus branchées. Puis viennent les rencontres : l’homme d’affaires occupé à consolider son réseau de contacts, la petite chanteuse de jazz qui, plus par respect que par admiration, évoque son père à tout bout de champ, l’étudiante modèle qui rêve d’Europe, cette intrigante vendeuse de cigarettes à la sauvette, centenaire, qui s’exprime dans un dialecte aujourd’hui disparu… Autant de personnages qui aideront l’auteur à mieux cerner les contradictions de cette Chine.
À travers ce carnet de voyage, Serge Bramly nous dépeint dans un style simple une société complexe, tiraillée entre traditions séculaires et soif de modernité. Le récit est enrichi de méditations, de petites pensées personnelles et d’exemples de sagesse chinoise que l’on imagine griffonnés jour après jour sur un petit bloc-notes. Les références à Matteo Ricci, qui entreprit vers la fin du XVIe siècle d’évangéliser la Chine, en vain, sont nombreuses. L’auteur y revient systématiquement, comme s’il trouvait dans le parcours du jésuite italien les réponses à ses incertitudes et ses questionnements sur ce pays et ses habitants. Serge Bramly ne devait séjourner que quelques semaines à Shanghai, il y est resté près d’un an. Le Voyage de Shanghai nous donne des envies de Chine et se révèle être une lecture intéressante et originale pour qui souhaite aborder ce pays par sa plus grande porte d’entrée.
Texte : Chahine Benabadji
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