Sur le canal du Midi, dans l’Hérault
Le plus ancien (et le plus célèbre) canal d’Europe fête ses 350 ans cet été, tout comme Sète, petite jeunette parmi les ports d’une Méditerranée où l’on naviguait déjà 3 000 ans avant notre ère. Un canal et un port nés tous deux d’une folle idée en 1666.
Classé au patrimoine mondial de l’Unesco il y a 20 ans, le canal du Midi permet de jeter un autre regard sur les villes et régions traversées, au long de ses 240 km. À commencer par les 350 ouvrages d’art qui le jalonnent : écluses, aqueducs, ponts, tunnels. Sans parler des maisons éclusières, chapelles, glacières, quais qui sont partie intégrante du paysage.
On a testé le tronçon Hérault, de Capestang à Sète. Vignes, villages, étangs, balades à vélo et circuits en ville : une belle destination de « slow tourisme », entre amis et/ou en famille.
Préparez votre voyage avec nos partenairesLe canal du Midi : 350 ans d’histoire
Vauban disait de lui : « j’aurais donné ma vie pour avoir construit cette œuvre ». Henri IV en avait rêvé, Louis XIV l’a fait. En 1666, le Roi Soleil promulgue l’édit pour la construction d’un canal de communication des Deux-Mers. Pour des raisons économiques, autant que politiques et militaires, on peut l’imaginer.
Merci Riquet !
Le canal du Midi est conçu et réalisé par un Biterrois d’exception, un certain Pierre-Paul Riquet (1604-1680), baron de Bonrepos. Le vrai talent qu’on lui reconnaît aujourd’hui, ce n’est pas tant d’avoir creusé un canal (en 14 ans, et avec l’aide de 12 000 hommes et femmes) que d’avoir capté les eaux de la Montagne Noire. Tous les projets précédents avaient, en effet, buté sur l’alimentation en eau d’un tel ouvrage.
Riquet rêvait d’une œuvre exceptionnelle. Mission accomplie avec les 350 ouvrages d’art qui jalonnent le canal : 63 écluses, 130 ponts, sans oublier le patrimoine bâti et les milliers d’arbres qui ont été plantés pour créer perspectives et fraîcheur.
Le canal du Midi, c’était l’autoroute de l’époque, payante, comme il se doit. Riquet est mort ruiné, mais ses héritiers ont récupéré la mise. Et le canal prospéra jusqu’à l’arrivée du chemin de fer : le trafic passager fut réduit à néant et celui de marchandises (vin, céréales, bois) perdura jusque dans les années 70.
Au fil de l’eau, sans se presser…
Aujourd’hui, il suffit de suivre les rives du canal du Midi, pour comprendre l’importance prise en quelques dizaines d’années par le tourisme fluvial : de nombreuses sociétés de location de bateaux s’y sont installées, des bateliers se sont reconvertis dans la promenade en péniche.
Bateaux électriques, location de bateaux sans permis, péniches-hôtels, barques de poste, tous les moyens sont bons pour faire découvrir le canal du Midi (avec des échappées libres à pied ou à VTT). En prenant son temps : la vitesse moyenne de navigation ne dépasse pas les 8 km/h !
Capestang et le tunnel du Malpas
1re étape : 54 km sans écluses, d’Argens Minervois à Béziers. Le canal surplombe un paysage de vignes, puisque Riquet a réussi l’exploit de maintenir son chef-d’œuvre à 31,35 m d’altitude (c’est une particularité de la section).
Le grand bief du canal du Midi permet de découvrir le terroir de Saint-Chinian et des Coteaux d’Ensérune. En bateau, on accoste aux ports de Poilhe et Capestang. Une curiosité : le pont de Saisse, à Capestang, le plus petit du canal du Midi (bien viser pour passer).
Au programme : déjeuner au soleil face au canal, montée au sommet de la tour-clocher de la collégiale gothique Saint-Étienne pour voir le canal d’en haut, visite du château des Archevêques de Narbonne, pour son remarquable plafond peint illustré, on n’est pas là pour regarder passer les bateaux ni même les VTT.
Avant de s’engager dans le tunnel du Malpas (165 m, un véritable exploit : c’était la première fois que l’on faisait passer un canal sous une montagne), les péniches actionnent leur sirène et se dirigent vers Colombiers, dont le petit port sur le canal a été aménagé en demi-cercle, afin de permettre un amarrage plus facile.
Monter à l’oppidum d’Ensérune pour découvrir les vestiges d’une agglomération antique et surtout pour admirer le site de l’étang asséché de Montady dans toute sa splendeur : sur plus de 430 ha, les immenses parcelles triangulaires, drainées grâce aux fossés qui collectent les eaux, lui donnent une forme géométrique originale. Des parcelles changeant de couleur, passant du blanc au rouge et du vert au mauve, en fonction des récoltes...
Béziers et les écluses de Fonsérannes
Béziers vit au rythme du canal du Midi. Un jour prochain, un téléphérique pourrait d’ailleurs rejoindre les écluses et l’acropole en face (terme grec préféré à celui d’oppidum utilisé par les Romains).
Et les écluses, c’est l’ouvrage majeur de Riquet. Celui-ci, pour faire franchir à son canal une dénivelée de 25 m, a conçu cet escalier d’eau d’une longueur de 312 m : neuf écluses (6 sont encore en fonction) permettent aux bateaux de monter et descendre... au rythme des bassins qui se vident et se remplissent.
Le chantier des écluses de Fonsérannes devait être impressionnant au temps de Riquet, il l’est encore aujourd’hui, avec les travaux appelés à transformer profondément d’ici 2018 l’accès à l’acropole.
Le cœur de la cité ancienne, avec ses ruelles tortueuses, sa cathédrale Saint-Nazaire, son théâtre resté dans son jus, son marché et ses hôtels particuliers, ne manque pas de charme. Le véritable centre, ce sont les allées Paul-Riquet, longues, belles et ombragées, avec une statue de bronze du grand homme.
Mais, revenons au canal, avec les ouvrages du Libron à Vias. À 2 km de la mer, le Libron, qui devient torrent en période de crue, croise le canal du Midi, sans danger pour la navigation depuis 1858. Un impressionnant mécanisme d’aqueducs mobiles permet au cours d’eau de passer au-dessus du canal. Il est intéressant d’assister au fonctionnement des écluses par une équipe de 2 ou 3 éclusiers.
Cap sur Agde
Si vous embarquez au port d’Agde avec Les Bateaux du Soleil, Dominique Ménage vous racontera mieux que personne l’histoire du canal et de l’écluse locale, ronde et originale. La seule du parcours à avoir cette forme.
Réussite à la fois architecturale et technique, elle réunit trois niveaux d’eau différents, et permet aux bateaux de tourner sur eux-mêmes pour prendre une des trois issues : vers Toulouse, vers la cité d’Agde et la mer, ou encore vers l’étang de Thau, en suivant le cours de l’Hérault.
Prenez votre vélo pour partir à la découverte de la vieille cité d’Agde sur les pas de Claude Terrisse. Un drôle d’individu qui fut corsaire du roi sous Louis XIII et Louis XIV, avant de devenir bienfaiteur de la Ville en léguant sa fortune aux pauvres. On se perd dans ce labyrinthe de ruelles aux maisons de guingois, cette ville de marins construite à la croisée des eaux douces et salées, entre le canal du Midi, le fleuve Hérault et la Méditerranée.
La cathédrale a des allures de forteresse, l’hôtel de ville et sa tour de l’horloge font grise mine, comme les hôtels particuliers de style Renaissance. Une raison à cela : à Agde, tout est noir. La matière première a été fournie par la lave du volcan surgi de la mer, il y a moins d’un million d’années.
Depuis le centre-ville, la piste cyclable, longeant les rives de l’Hérault, serpente jusqu’au Grau d’Agde. Ne pas manquer d’aller visiter le belvédère de la Criée aux poissons du Grau d'Agde, la seule des 36 criées françaises à être dirigée par une femme. La muséographie, très réussie, présente la flotte de pêche, les installations, et bien sûr son fonctionnement.
Plus de 1 500 tonnes de poissons sont vendues par an en provenance d’une dizaine de chalutiers (bateaux de 7 à 18 m). Le passeur permet de rejoindre la Tamarissière, village niché dans la pinède. Ne le manquez pas…
Marseillan et l’étang de Thau
On aime beaucoup Marseillan, ce petit port très animé avec l’arrivée des bateaux ayant fait le canal du Midi. Quais en pierre basaltique, maisons en pierre noire du volcan d’Agde, voilà le décor. Après viennent les détails, insolites, gourmands. Cette petite cité, qui a développé ses activités autour de la conchyliculture et de la vigne, s’enorgueillit de posséder la plus vieille Marianne de France (1878) !
Le top de la conchyliculture, c’est l’huître rose Tarbouriech, que l’on trouve à Marseillan : la lagune de Thau s’est imposée en quelques années comme un lieu d’élevage d’exception de produits haut de gamme reconnus par les plus grands chefs étoilés français.
On peut les déguster à prix producteur dans un ancien mas conchylicole d’où l’on aperçoit les parcs, à quelques encablures, où ces huîtres sont récoltées par ces « paysans de la mer » nouvelle génération (possibilité de visite en bateau électrique, sur résa).
L’étang de Thau, « morceau de mer prisonnier des collines » sur quelque 7 500 ha, présente une salinité proche de celle de la Méditerranée. Les poissons s’y réfugient pour frayer au printemps et regagnent la mer en automne. C’est le moment préféré des riverains qui viennent pêcher daurades, loups, anguilles, au filet ou à la ligne. Quant aux coquillages, succulents, ils vous seront servis sur un plateau avec un verre ou deux de picpoul de Pinet.
Impossible de quitter Marseillan sans faire un « tour expérience » chez Noilly Prat, lieu d’élaboration de ce célèbre vermouth français né en 1813. Balade ludique et instructive de la boutique aux chais, en passant par l’enclos avec ses milliers de fûts vieillissant à ciel ouvert.
Sète, côté port
Faites comme tout le monde, grimpez en haut du mont Saint-Clair, qui domine fièrement Sète du haut de ses 182 m, pour mieux saisir la singularité de la ville. La mer d’un côté, l’étang de l’autre, traversé par un canal protégé par une digue (môle Saint-Louis)…
En fait, Sète est vraiment née du canal du Midi. Sa construction découle de la volonté de fournir à l’ouvrage de Riquet un débouché maritime pour permettre l’exportation des produits locaux.
L’île singulière qui allait devenir Sète était quasi inhabitée à l’époque. Depuis, la ville s’est surtout peuplée de colonies méditerranéennes, et d’abord italiennes. On le sent en tendant les oreilles ou même la main pour avaler une des fameuses tielles (tourtes aux poulpes et à la sauce tomate) qui restent le plat traditionnel des pêcheurs, tout comme la macaronade, à base de pâtes. Des plats que l’on mange sur le pouce aux Halles, marché étonnamment vivant, même le dimanche.
Jadis premier port de tonnellerie au monde (grâce à Louis XIV), Sète a vu ses chais se transformer en musées, galeries d’art, restaurants, témoins du dynamisme culturel de la cité. Pas de palais, ni de grand patrimoine, cette ville née sur du sable s’en moque bien.
Faites une balade nez au vent pour prendre l’air du large, du Quartier Haut, resté dans son jus avec son MACO, musée à ciel ouvert, au cimetière marin et au musée Paul Valéry, ou à l’espace Brassens.
Ensuite, partez pour un tour en mer, afin de mieux regarder cette ville étrange accoudée au port, inauguré le 29 juillet 1666, et qui a fini par s’en éloigner, ces dernières décennies, avant de le fêter triomphalement en 2016 pour le 350e anniversaire de la ville.
Lire également notre article Sète, sous le soleil de la Méditerranée
Fiche pratique
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Comment y aller ?
- En train : gare de Béziers, TGV directs et réguliers au départ de Lille, Paris, Lyon
- En voiture : autoroute A9, sortie 36
- En avion : aéroports de Béziers/Cap d’Agde ou Montpellier
Carnet d’adresses
Capestang et environs
Office de tourisme du canal de Midi au Saint-Chinian : quai Amouroux, 34310 Capestang. Dans l’ancienne maison des cantonniers. Jeu de piste, chasse au trésor, activités ludiques pour petits et grands sur le port.
La Maison du Malpas : rte de l’Oppidum, 34440 Colombiers (juste avt le site antique). Tél. : 04-67-32-88-77. Centre touristique et culturel, à deux pas du premier tunnel au monde creusé pour la navigation.
L’oppidum d’Ensérune : sur la route de Nissan. Entrée : 7 €, audioguide compris ; réducs ; gratuit moins de 18 ans.
Hôtel Résidence : 35, av. de la Cave, 34440 Nissan-les-Ensérune. Belle maison au charme ancien. Jardin fleuri ombragé, piscine, terrasse.
Chez l’Éclusier : au port de Colombiers. Tél. : 04-67-37-14-77. Une bonne étape pour les sorties en famille et une halte stratégique.
Le Terminus : à Cruzy (34310). Une gare reconvertie en bistrot gourmand et convivial. Savoureuse cuisine traditionnelle. Bar à vins sympa l’été. Terrasse sous les arbres.
Béziers et environs
Office de tourisme Béziers-Méditerranée: av. Président-Wilson.
Ecluses de Fonsérannes maison du Coche d’eau en travaux, point infos. Nouveau parking. Accès par sentier arboré. Plusieurs offices en ville.
Bateaux du Midi : 14, rue des Écluses. Tél. : 04-67-36-51-24. Trois péniches au choix. Croisière avec Vent du Sud, péniche restaurant, avec à bord un capitaine qui fait partie des figures locales, Paul Pagès (tlj mi-mars à mi-nov, à partir de 9 h, 6 h de navigation).
Restaurant Octopus : 12, rue Boïeldieu, 34500 Béziers. À deux pas des allées Paul-Riquet, le petit resto d’un grand chef, Fabien Lefebvre.
Clos de Maussanne : domaine Monpeyroux, route de Pézenas, 34500 Béziers. Chambres d’hôtes hors norme dans un ancien couvent.
Château de Raissac : route de Lignan, à 2 km du centre de Béziers. Chambres d’hôtes hors norme, dans un château « pinardier » du 19e s. Un musée présente le travail de la maîtresse des lieux (d’incroyables céramiques en trompe-l’œil inspirées par Bernard Palissy), mais c’est dans la maison qu’on découvre l’univers de son mari, le peintre au double regard.
Café de Plaisance : 1, quai du Port-Neuf, à Béziers. Une institution depuis 1927, qui a conservé son décor de bistrot ou plutôt de « guinguette », le long du canal du Midi. Tout simple, tout bon.
Péniche « Les Anges d’Eux » : quai du Canal du Midi, 34420 Cers. À 6 km de Béziers. Un drôle de bateau aux allures de jonque égarée sur le canal du Midi. Une péniche retapée avec humour et amour.
L’Harmonie : chemin de la Barque, à Sérignan. Un lieu et un restaurant vraiment atypiques, à l’image du chef, Bruno Cappellari, autodidacte des fourneaux.
Domaine La Gardie : à Vias. Pas loin du canal, des chambres d’hôtes au calme, au milieu des vignes. Piscine chauffée.
Cap d’Agde
Office de tourisme : 4 destinations en une : la cité grecque, le cap d’Agde, le Grau d’Agde et la Tamarissière.
Croisières sur le canal du Midi : Les Bateaux du Soleil, 6, rue Chassefières. Depuis 1985, une référence sérieuse.
Ô Grain de Sel : 21, quai Commandant Méric, Le Grau d’Agde. Tél. : 04-67-62-34-97. Un vrai bon petit resto, avec terrasse et jolie salle. Pourvu que ça dure !
Le musée de l’Éphèbe : à Agde. Magnifiques collections d’archéologie sous-marine, rassemblées au gré des fouilles ou de découvertes dues au hasard : vaisselle et armement d’époque Louis XIII, cargaisons entières d’amphores gréco-romaines et bronzes antiques trouvés in situ. Le plus célèbre reste l’Éphèbe hellénistique, remonté en 1964, qui représente Alexandre le Grand.
Marseillan
Maison de Tourisme : av. de la Méditerranée, Marseillan-Plage.
Chambres d’hôtes Cosy : 16, rue du Capitaine-Bages. Une maison de village de caractère. 2 chambres cosy et confortables, au calme.
Domaine de la Fadèze : route de Mèze. Caveau ouv tlj sf dim et j. fériés. Rien que la balade pour aller à la rencontre de cette famille de vignerons atypique vaut le déplacement.
Les chais de Noilly Prat : sur le port. Visite guidée. Sentez, dégustez les différents vins pour préparer votre propre assemblage.
Le Saint Barth’ : chemin des Domaines (suivre panneaux). Ouv mai-oct ven soir, sam et dim. Carte 30 €. Un comptoir de dégustation d’huîtres d’exception, les spéciales Tarbouriech.
Sète
Office de tourisme de Sète : 60, grand-rue Mario-Roustan. Propose des visites guidées, également des applis pour des itinéraires de découverte de la ville.
Le Grand Hôtel : 17, quai Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny. Ce Grand Hôtel, bâti dans les années 1880, a conservé son charme Louis-Philippe et grand bourgeois tout en se mettant à l’art contemporain.
Les Halles de Sète : rue Gambetta. Ouv 7j/7. Le meilleur du terroir, côté terre et côté mer, à prix doux, bien souvent. Parmi les restos qu’on aime bien : Halles et manger. Tél. : 06-62-82-55-22. Une vraie belle adresse, chaleureuse, authentique. Magali donne même des cours de cuisine (les mer-jeu).
Les paillottes du Lido : d’avril à septembre, le long des 12 km du littoral sétois. Une dizaine de restaurants de plage réinvestissent le sable. On y va pour louer un transat à la journée, siroter un cocktail et déguster un poisson grillé. Choisissez au feeling.
Promenades en mer : quai du Général-Durand, près du pont de la Savonnerie. Balades sur les canaux, sorties en mer et sur l’étang.
Texte : Gérard Bouchu
Mise en ligne :