Italie : Trieste et les trésors cachés du Frioul

Italie : Trieste et les trésors cachés du Frioul
Trieste © Olivia Le Sidaner

La discrète région du Frioul-Vénétie Julienne (Friuli Venezia Giulia), dans le nord-est de l’Italie, gagne à être connue. Dans sa partie sud, se dévoilent de charmants villages médiévaux, des abbayes, des châteaux, une cité fortifiée, des jardins et des vignobles, sans oublier la ville cosmopolite de Trieste.

Stratégiquement située à la frontière de l’Autriche et de la Slovénie, elle a longtemps fait partie de l’Empire austro-hongrois et s’est trouvée à la croisée de plusieurs cultures. Elle a ainsi forgé sa propre identité au fil des siècles en puisant dans les influences vénitienne, germanique et slave. Un « métissage » que l’on retrouve également dans la cuisine locale – on mange très bien, dans le Frioul-Vénétie Julienne !

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Trieste, « la petite Vienne sur la mer »

Trieste, « la petite Vienne sur la mer »
Trieste © Olivia Le Sidaner

En arrivant à Trieste, on se croirait presque transporté en Autriche. Étirée le long d’un large golfe, la cité arbore une fière architecture néoclassique évoquant la Mitteleuropa. Il faut dire que, avant d’être rattachée au royaume d’Italie en 1919, Trieste a fait partie de l’Empire austro-hongrois durant plus de cinq siècles.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fut occupée par les Allemands, puis par les troupes yougoslaves de Tito, avant d’être déclarée « territoire libre », sous administration anglo-américaine, en 1947. Une période heureuse dont certains Triestins cultivent la nostalgie, à tel point que, en face du palais de la Bourse, on peut lire sur une façade : « Welcome to the free territory of Trieste. USA & UK come back ! »  C’est seulement en 1954 que la ville retourna dans le giron italien.

Hôtel de ville de Trieste © Olivia Le Sidaner

La découverte commence sur la Piazza Unità d’Italia, la plus grande place d’Europe ouverte sur la mer, entourée d’imposantes façades de palais néoclassiques et baroques, dont celle de l’hôtel de ville. On peut y voir la fontaine des Quatre-continents et une statue de l’empereur Charles VI, qui fut à l’origine de la création du port franc de Trieste, au 18e siècle. Aujourd’hui, la zone portuaire est désaffectée et, en attendant d’être réaménagée (peut-être en centre de congrès), elle sert souvent de décor à des tournages de films.

Autre clin d’œil à l’Autriche : Trieste compte plusieurs cafés historiques de style viennois, où se retrouvaient jadis les intellectuels, dont l’écrivain dublinois James Joyce, qui a passé 14 ans de sa vie ici. En vous baladant du côté du canal Grande, vous croiserez sa statue sur l’un des ponts.

Trieste, carrefour des cultures d'Europe

Trieste, carrefour des cultures d'Europe
Théâtre romain de Trieste © Olivia Le Sidaner

Avec sa situation géographique stratégique et son ouverture sur l’Adriatique, Trieste a vu passer de nombreux peuples depuis l’Antiquité. C’est au 1er siècle avant J.-C. qu’elle devient une importante colonie romaine. On trouve d’intéressants vestiges de cette époque du côté de la colline de San Giusto, notamment le théâtre romain, qui pouvait accueillir près de 6 000 spectateurs.

Trieste passe ensuite sous le contrôle de l'Empire byzantin, puis des Francs, de la République de Venise (au 13e s) et des Habsbourg, devenant un carrefour commercial de premier plan.

Château de Miramare © rh2010 - stock.adobe.com

Et, lorsque la ville est déclarée port franc en 1719, son cosmopolitisme s’affirme encore, avec l’arrivée de marchands venus des quatre coins du monde. Les Grecs y construisent une belle église orthodoxe en 1784, San Nicolo dei Greci, et les Serbes font de même avec l’église San Spiridione (1869). Trieste abrite aussi l'une des plus grandes synagogues d'Europe, construite au début du 20e siècle.

Sans oublier, à quelques kilomètres du centre, le château de Miramare, une folie construite au 19e s par l’archiduc Maximilien qui mérite le détour pour son architecture et des jardins donnant sur l’Adriatique.

Le cosmopolitisme de la ville se retrouve dans la cuisine locale, très marquée par les influences slave et autrichienne (pas forcément light !). Dans les buffets, des brasseries populaires qui n’ont rien à voir avec des self-services à volonté, on sert des plats plutôt roboratifs : de la jota (la soupe locale aux haricots, pommes de terre et chou), de copieuses assiettes de porc ou de poitrine de bœuf, de la choucroute (capuzi garbi), des gnocchis au goulasch, le tout accompagné de bière. Et au dessert, on finit par un strudel, pour faire bonne mesure.

Gorizia et Torviscosa, retour vers le passé

Gorizia et Torviscosa, retour vers le passé
Gorizia © Olivia Le Sidaner

À 47 km au nord de Trieste, Gorizia est également très cosmopolite. Située sur la frontière italo-slovène, au carrefour de plusieurs civilisations (germanique, slave et italienne), elle a été scindée en 1947 entre l’Italie (Gorizia) et la Yougoslavie (Nova Gorica, aujourd’hui en Slovénie).

De son passé, la cité, fondée vers l’an 1000, a conservé son château médiéval, édifié au 13e siècle sur une colline, d’où l’on profite d’un superbe panorama sur toute la ville et la vallée. En redescendant, on chemine au gré de ruelles pavées bordées de maisons colorées. Gorizia ayant été en grande partie détruite pendant la dernière guerre, de nombreux bâtiments ont été reconstruits par la suite, comme la cathédrale.

Château de Gorizia © Olivia Le Sidaner

Les styles architecturaux se juxtaposent, comme sur la place principale (Piazza della Vittoria), où un bâtiment hérité de l’ère fasciste voisine avec l’église baroque San Ignacio (18e s), dotée de deux bulbes. La cité possède aussi une synagogue, qui abrite un musée consacré à l’histoire des Juifs de Gorizia.

Bien que la cité ne se situe pas au bord de la mer, la bourgeoisie autrichienne, qui y venait en villégiature, l’avait surnommée la « Nice de l’Adriatique » pour son climat agréable et sa douceur de vivre.

Les amoureux de botanique ne manqueront pas d’aller visiter le jardin Viatori, où s’épanouissent 12 000 espèces de plantes, dont une fabuleuse collection de magnolias (400 variétés !), des hortensias, des rhododendrons, des azalées, des seringas et des cerisiers.

Torviscosa © Olivia Le Sidaner

À une demi-heure de route au sud-ouest de Gorizia, on fait un bond dans le passé à Torviscosa. Fondée en 1937 autour de l’usine SNIA Viscosa, qui produisait des fibres textiles artificielles à partir de cellulose, la ville témoigne de l'une des pages sombres de l'histoire italienne contemporaine.

Torviscosa est l'une des communautés planifiées (città di fondazione) construites sous Mussolini. On y retrouve l’architecture fonctionnaliste et le design rationaliste typiques du régime fasciste, qui avait choisi les plaines du Frioul pour cultiver à grande échelle la canne géante afin de produire de la cellulose.

Aucune visite guidée n’étant encore organisée, c’est au Centre de Documentation (CID) qu’il faut se rendre pour trouver les informations nécessaires à la compréhension de cette cité d’un genre particulier. 

Palmanova, la cité-étoile parfaite classée à l'Unesco

Palmanova, la cité-étoile parfaite classée à l'Unesco
Palmanova © Alexey Novikov - stock.adobe.com

Installée dans les basses plaines du Frioul-Vénétie Julienne, entre Udine et Aquileia, Palmanova est un chef-d’œuvre d’architecture militaire et un modèle de cité idéale de la Renaissance. Sa fortification a l’originalité de former une étoile à neuf branches. Dotée de trois cercles défensifs, elle est organisée autour d’une monumentale place hexagonale, bordée de palais de style vénitien aux façades colorées et du Duomo.

De là partent six rues, dont trois seulement mènent vers l’extérieur. Un système défensif complété par des galeries, hors les murs, qui devaient permettre aux soldats de circuler en sous-sol en cas de siège. Près de l’aqueduc vénitien, on peut en visiter une partie.

C’est en 1593 que la République de Venise décida de fonder cette extraordinaire ville fortifiée, afin de se protéger des ambitions expansionnistes de ses voisins, les Habsbourg d’Autriche, et des raids des Turcs. Mission réussie, puisqu’elle ne fut jamais envahie, et même jamais attaquée, tant son système défensif était dissuasif.

Palmanova a été inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en juillet 2017, au titre des Ouvrages de défense vénitiens du 16e au 17e siècle. Pour découvrir les bastions, n’hésitez pas à emprunter le chemin de randonnée qui en fait le tour (Parco storico dei bastioni).

Le village médiéval de Valvasone

Le village médiéval de Valvasone
Valvasone © Olivia Le Sidaner

Le fleuve Tagliamento marque une frontière aussi physique que culturelle au sein du Frioul-Vénétie Julienne. En le franchissant, on pénètre dans la province de Pordenone, qui fut annexée par le royaume d’Italie dès 1866, bien avant le Frioul oriental, donc. Dans cette contrée rurale et viticole, on croise de jolis bourgs pittoresques.

Parmi eux, Valvasone est considéré comme un des plus beaux du pays, avec ses ruelles médiévales recouvertes de galets, ses maisons de style vénitien, dotées d’arcades, et son château du 12e siècle, qui, au fil des siècles, a pris les allures d’un palais Renaissance.

À l’intérieur, on découvre des fresques, un plafond en bois peint et un joli petit théâtre à l’italienne du 17e siècle. Le château, qui appartient désormais à la municipalité, se visite seulement sur réservation (auprès de l’office du tourisme, au moins deux semaines à l’avance, et uniquement en italien).

Autre incontournable du village, l’église du Saint Corps du Christ recèle non seulement une relique, mais également des panneaux peints représentant l’Eucharistie, une icône de la Vierge et un orgue unique en Italie, dont la mécanique, restaurée dans les années 1990, est d’origine.

San Vito al Tagliamento : l'empreinte de Venise

San Vito al Tagliamento : l'empreinte de Venise
Eglise Santa Maria dei Battuti © Olivia Le Sidaner

En descendant vers le sud, on fait halte dans un autre village pittoresque : San Vito al Tagliamento, où les Vénitiens ont laissé leur empreinte, édifiant dans le centre historique d’élégants palais entourés de jardins, comme le Palazzo Rota (15e s), devenu aujourd'hui l'hôtel de ville.

Sur la grande place (Piazza del Popolo), dominée par la tour carrée du Duomo, la cathédrale (1745), se trouve aussi le Teatro Arrigoni, joli « théâtre antique social » à l’italienne. Non loin de là, le château de San Vito, édifié à partir du 12e siècle, constituait autrefois le cœur du bourg médiéval.

Près de la Torre di San Nicolo, on aperçoit les vestiges des anciennes murailles défensives. Plusieurs églises (Santa Maria dei Battuti, Santa Maria di Castello, San Lorenzo), ornées de fresques, méritent également qu’on s’y arrête.

Sesto al Reghena, bijou du Frioul

Sesto al Reghena, bijou du Frioul
Abbaye de Sesto al Reghena © Olivia Le Sidaner

Enfin, la balade frioulane se conclut à Sesto al Reghena, « l’un des plus beaux villages d’Italie », comme l’indique un panneau à l’entrée de la commune. Son trésor : une abbaye bénédictine du 8e siècle. Comme c’est la tradition dans la région, le clocher, carré, est séparé du reste de l’église, de style roman.

À l’intérieur de l’abbaye, en cours de restauration, on pénètre dans le vestibule, puis dans l’atrium, où sont exposées des pièces archéologiques, et la crypte, qui abrite un sarcophage médiéval en marbre sculpté. Enfin, à l’étage, on découvre des fresques exceptionnelles.

Après cette virée culturelle, on pourra faire une balade rafraîchissante dans le parc voisin, où coule un petit ruisseau survolé par des libellules.

Fiche pratique

Pour préparer votre séjour, consultez notre guide en ligne Italie

Office du tourisme du Frioul-Vénétie Julienne

Office du tourisme d'Italie

Comment y aller et se déplacer ?

- En avion. Vols directs Paris-Venise (env. 1 h 30) avec Air France, Alitalia. Puis, location de voiture. Comptez 1 h 10 pour rejoindre Sesto al Reghena, 2 h pour aller jusqu’à Trieste.

Où dormir ?

- Hotel Design Urban : Androna Chiusa 4 à Trieste. Un hôtel design (comme son nom l'indique), aux chambres à la déco épurée, idéalement situé au coeur de la vieille ville. A partir de 66 € la nuit. Un bon rapport-qualité-prix.

- Hotel Franz : Viale Trieste, 45 à Gradisca d'Isonzo. Un hôtel moderne et confortable, près du centre-ville de Gradisca d'Isonzo. Terrasse et piscine. Chambre double à partir de 89 €.

- Hôtel Continentale : Via S. Nicolò, 25 à Trieste. Idéalement situé au centre de la ville, l’hôtel 4-étoiles propose de belles chambres doubles à partir de 124 €, petit déj inclus.

-  B&B à Trieste

L’agritourisme a le vent en poupe dans cette région rurale. Parmi les bonnes adresses, le domaine viticole Fossa Mala (Fiume Veneto) propose 15 chambres simples et confortables. Le resto, excellent, sert des plats typiquement frioulans, délicatement cuisinés avec des produits frais et locaux. 100 € la nuit (pour 2 pers.), petit déj inclus.

Autre domaine viticole proposant d’agréables chambres au milieu des vignes : Relais Russiz Superiore. 136 € la nuit (pour 2 pers.), petit déj inclus.

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Où manger ?

- Caffetteria Torinese : Piazza Grande 9 à Palmanova. Installé dans un des palais de la grande place de Palmanova, ce resto sert une cuisine raffinée mettant à l’honneur les produits locaux et de saison, dans un cadre design (on y retrouve même des chaises signées des frères Bouroullec). Plats : 13-20 €. Belle carte des vins aussi.

- Hostaria Malcanton : Via Malcanton 10 à Trieste. A quelques pas de la piazza Unità d'Italia, un resto italien traditionnel où l'on déguste des fruits de mer cuisinés la mode de Trieste. Pâtes : 13 €, plats : env. 17 €.

- Antica Trattoria Suban : Via Comici, 2/d. L’une des trattorie historiques de la ville tenue depuis plus de 150 ans par la même famille. Pour goûter à une cuisine locale traditionnelle, aux forts accents slaves, dans un resto au cadre suranné sur les hauteurs de Trieste. Compter 25-30 € le repas.

- Harry’s : Piazza Unita d’Italia à Trieste. Sur la place principale de Trieste, un resto chic où l’on déguste les spécialités de cette ville où se mêlent gastronomies italienne et autrichienne, à l’intérieur ou en terrasse. Antipasti : 15-22 €, plats : 15-25 €, desserts : 9 €.

- Alla Primula : via San Rocco 47 à San Quirino. Dans ce restaurant étoilé où œuvre le chef Andrea Canton, on goûte à la haute gastronomie frioulane. Menu dégustation « Tradizione e Creatività » à 80 €. À la carte : entrée : 12-19 €, plat : 16-27 €, dessert : 8-10 €.

Où boire un café ?

Dans un des cafés historiques de Trieste (Caffè degli Specchi, San Marco, Stella Polare, Tommaseo...). Dans la ville natale de la marque Illy, on ne badine pas avec le nectar noir. Pour faire local, si vous voulez boire un expresso servi dans un verre, commandez un « nero in B » (caffè espresso in bicchiere). Si vous préférez les cappuccino, dites : « capo in B » (cappuccino in bicchiere).

Texte : Olivia Le Sidaner

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