Naples insolite et underground
Naples, sa baie, son Vésuve, ses palais baroques décatis, sa pizza et le spectacle de ses rues vibrionnantes… OK, on connaît ! Mais sa face souterraine et obscure entre tunnels secrets, catacombes, vestiges enfouis et cimetières insolites reste encore à découvrir.
Gros plan sur une Naples insolite et underground, résolument hors des sentiers battus.
Préparez votre voyage avec nos partenairesSous les pavés, les souterrains de Naples
Quoi de mieux que les sous-sols pour fuir le soleil de plomb ? Sous ses fondations, caché dans sa tripaille, un labyrinthe de tunnels et de souterrains lacère Naples. Inquiet du caractère belliqueux des Napolitains à une période (1853) où l’unité de l’Italie était encore un vœu pieux et les émeutes légions, Ferdinand II de Bourbon a eu l’idée folle de creuser un tunnel (440 m) entre le palais royal et les casernes militaires (via Pace, aujourd’hui via Domenico Morelli). Son objectif : faciliter l’évacuation de la famille royale et des potentats locaux tout autant que l’intervention des troupes royales.
Le tunnel borbonico, aussi appelé Galleria Borbonica (10 € pour le tour standard, plusieurs parcours possibles), était né ou plutôt mort-né. On vous passe les difficultés d’ingénierie à 25 m sous terre, le réservoir d’eau qu’il a fallu scinder en deux et l’ambition du projet qui devait permettre le passage des calèches, accueillir des commerces et qui sera abandonné avant d’être complètement achevé. Reste que cet ouvrage n’a pas été totalement inutile puisque ces excavations servirent d’abris anti-aériens en 39-45 (entre 5 000 et 10 000 Napolitains y circulèrent) et de dépôt de véhicules confisqués par la police jusqu’aux années 1970 (certains sont encore visibles).
Que trouve-t-on sous les petons de Naples ? Du tuf, une roche volcanique poreuse et jaunâtre que les Grecs travaillèrent dès l’Antiquité pour construire la ville (5e s av. J.-C. même si on peut remonter ses origines à la fondation de Parthénope au 11e s av. J.-C.) et buriner un réseau d’alimentation en eau. Aussi, les sous-sols de la cité se trouvent hachés de corridors et de trouées (suite aux extractions du tuf) qui servirent de réservoirs d’eau jusqu’au 19e s.
Géré par une association, Napoli sotterranea (10 €) vous fait descendre 136 marches (ça tourne) et 40 m sous Naples… pour remonter ces 2 400 ans d’histoire et vous balader parmi les vestiges de l’ancien aqueduc gréco-romain, mais aussi les sanitaires et le système électrique datant de la Seconde Guerre mondiale. En effet, comme leur voisin bourbon, ces souterrains servirent d’abris pour la population qui n’avait que huit minutes entre le retentissement de la sirène et les bombardements pour les rejoindre.
Malgré l’humidité (taux de 95 %), plusieurs graffitis (visages de femmes, de Mussolini, verre à pied, avion militaire) de cette période ont tenu. Lors de la reconstruction de la ville, les gravats ont été entassés dans ces galeries. Aujourd’hui 9 % ont été dégagés et seulement 3 % se visitent. Si vous les enchaînez, ces deux parcours (tunnel et Naples souterrain) peuvent être quelque peu redondants, quoique complémentaires.
Les catacombes de Naples
Bien moins crâneuses que ses comparses parisiennes, les catacombes de San Gennaro (9 €) ressemblent plus, grâce notamment à ce tuf qui leur donne d’apaisantes teintes ambrées, à un cimetière enterré qu’à un flippant ossuaire. Point ici de tibias ni de cubitus amoncelés, mais près de 2 000 niches mortuaires et 500 arcosolia (niches semi-circulaires).
Ses premières tombes datent du 2e s de notre ère avant son extension progressive au 4e s qui coïncide avec le dépôt des restes de Sant’Agrippino, le premier patron de Naples, puis de ceux de San Gennaro (Saint Janvier).
Sachez que le sang de saint Janvier, contenu dans deux ampoules, est exhibé trois fois par an dans la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Naples (duomo). S’il se liquéfie, le miracle de saint Janvier s’accomplit, la ville peut dormir sur ses deux oreilles. En revanche, s’il reste à l’état solide ou tarde à se liquéfier, malheur aux Napolitains !
C’est dans les catacombes de San Gennaro que furent enterrés les premiers évêques de Naples. Quelques fresques (celle du paon entre autres) sont particulièrement bien conservées. À découvrir, pas très loin, les catacombes de San Gaudioso (9 €), ses fresques (toujours) et ses étranges « scolatoi » qui compactaient en position assise les défunts et permettaient de récupérer leurs fluides corporels.
Tant qu’à être au nord de la ville, descendez légèrement côté sud-ouest par le cimetière delle Fontanelle (si les travaux de renforcement des voûtes sont terminés). Occupant un gouffre provoqué par une coulée de boue au 16e s, cet ossuaire a quelque chose de grandiose (dans sa statuaire et ces hautes percées dans le tuf) malgré les crânes entassés ou serrés dans de petites boites (les scarabattola). Longtemps destiné aux seuls cadavres des Napolitains les moins aisés, à l’abandon jusqu’en 1872, le cimetière Fontanelle est à l’origine de nombreux cultes et légendes.
Christ voilé et tombe de Dracula
Naples est réputée pour ses églises incontournables, le Duomo, les basiliques de San Francesco di Paola et de Santa Chiara (et son cloître à piliers profus en majoliques, 6 €), l’église du Gesù Nuovo (avec sa façade en pointe-de-diamant) et la chapelle Sansevero qui accueille le languide cristo velato de Giuseppe Sanmartino (8 €, réservation indispensable sous peine de longue attente).
Toutefois, d’autres édifices religieux tirent leur épingle du jeu, d’une manière plutôt morbide et non dénuée de superstitions.
Fondée par le juriste Bartolomeo di Capua en 1327, l’église de Santa Luciella Ai Librai (5 €) était abandonnée depuis 30 ans (une voiture en barrait même l’accès) lorsqu’en 2013, l’association culturelle Respiriamo Arte s’est mis dans la tête de la restaurer pour l’ouvrir au public. À l’intérieur, ils ont trouvé, parmi les vieilles cannettes de Coca-Cola et autres artefacts de la société de consommation, des habits religieux, des ex-voto de paires d’yeux (offrande typique à sainte Lucie) et, surtout, sous l’église, un crâne d’où pointent deux oreilles au creux desquelles les Napolitains venaient chuchoter leurs prières au début du 20e s.
Il se disait, en effet, que le crâne, tout ouïe, pouvait transmettre des messages dans le royaume des morts. Aujourd’hui encore, nombreux sont les visiteurs qui écrivent leurs requêtes sur un petit papier et les déposent près du crâne aux oreilles.
L'église baroque Sainte-Marie-des-Âmes-du-Purgatoire (au sein du complesso museale Santa Maria delle Anime del Purgatorio ad Arco, 6 €) et son hypogée (église souterraine) ont longtemps été des incontournables pour les adeptes du culte delle Anime Pezzentelle, né au 17e s après une série de calamités (émeutes, grande peste de Naples de 1656…).
Les morts étant plus nombreux que la capacité d’accueil des églises, les cadavres furent entassés sans inhumation au cimetière Fontanelle, mais également dans certains hypogées, dont celui de l’église Sainte-Marie-des-Âmes-du-Purgatoire (surprenant avec ses petits autels et ses crânes décorés de dentelle). Les âmes des défunts anonymes ne pouvant regagner le paradis, il était alors d’usage que des femmes « adoptent » des crânes, les prient, les bichonnent en échange de quoi elles intercéderaient en leur faveur dans l’au-delà. Très populaire, cette pratique a été condamnée par le cardinal Corrado Ursi en 1969. Elle n’aurait pas totalement disparu. Ne manquez pas le musée et le crâne ailé en marbre de Dionisio Lazzari dans l’église.
La nouvelle est tombée en 2014. Vlad Tepes ou Vlad III l’Empaleur, nom fort engageant, le même qui aurait inspiré à Bram Stoker son Dracula, serait enterré à Naples, non loin du fameux couvent de Santa Chiara, au complesso monumentale di Santa Maria la Nova (5 €), au côté de sa fille. Une étudiante, intriguée par les bas-reliefs symboliques d’une tombe (un dragon et deux sphinx qui, dans un rébus d’initié, se traduiraient par « Dracula de Thèbes », l’un des noms de notre bon vieux Vlad), aurait ainsi levé le voile sur la dernière demeure de la star des suceurs de sang.
Exposée dans le cloître (jolies voûtes peintes et fresques sur la vie de saint Jacques de la Marche, la tombe n’est pas la seule attraction de ce complexe. Aussi, n’oubliez pas d’aller faire un tour dans l’église et de contempler la chapelle de saint Jacques de la Marche, qui se passe bien de Dracula...
Fiche pratique
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Où manger ?
Osteria della Mattonella : via Giovanni Nicotera, 13, 80132 Napoli. Affaire de famille depuis 1978. Antionetta, qui a repris, avec ses deux enfants, le flambeau de son mari décédé, sert toujours en salle, affublée de son atemporelle tunique rouge à col Claudine. Aux murs, de la faïence bleue. Dans les assiettes, une cuisine napolitaine appétissante et généreuse. Service un poil fresco mais quand la qualité est au rendez-vous, on pardonne tout.
Osteria Napulion : via Giovanni Nicotera, 42, 80132 Napoli. Perchée en haut d’une rue plutôt raidasse, l’osteria Napulion se mérite. Effort, apéritif, puis réconfort. Du poulpe, des sardines grillées, des paccheri maison (pâtes cylindriques) al dente, le tout à des prix très attractifs. Alors on ose la totale : antipasti, primi, secondi, contorni, dolce !
Galleria Borbonica : vico del Grottone, 4, 80132 Napoli
Napoli sotterranea : vico S. Anna di Palazzo, 52, 80132 Napoli
Catacombes de San Gennaro : via Tondo di Capodimonte, 13, 80136 Napoli
Catacombes de San Gaudioso : basilica Santa Maria della, Piazza Sanità, 14, 80136 Napoli
Cimitero delle Fontanelle : via Fontanelle, 80, 80136 Napoli
Duomo : via Duomo, 147, 80138 Napoli
Basilique San Francesco di Paola : piazza del Plebiscito, 80132 Napoli
Basilique de Santa Chiara : 49/c, via Santa Chiara, 49/C, 80134 Napoli
Église du Gesù Nuovo : piazza del Gesù Nuovo, 2, 80134 Napoli
Chapelle Sansevero : via Francesco de Sanctis, 19/21, 80134 Napoli
Église de Santa Luciella Ai Librai : vico Santa Luciella, 5, 80138 Napoli
Complesso museale Santa Maria delle Anime del Purgatorio ad Arco : via Tribunali, 39, 80138 Napoli
Complesso monumentale di Santa Maria la Nova : via Santa Maria la Nova, 44, 80134 Napoli
Texte : Florent Oumehdi
Mise en ligne :