Cambodge : Kratie, escale au bord du Mékong
Située au nord-est du pays, Kratie, petite ville aux allures provinciales, est tout de même la capitale de la province éponyme. Il ne faut pas longtemps pour en faire le tour mais elle reste le point de départ idéal pour découvrir la campagne alentour, s’attacher au charme de Koh Trong, une île hors du temps, et admirer les drôles de dauphins du Mékong. Une halte agréable lors d’un voyage au Cambodge.
Préparez votre voyage avec nos partenairesKratie, alanguie au bord du Mékong
Déjà au VIe siècle trouve-t-on mention de la ville de Sambupura sur des inscriptions. Détruite par les Chams au XIe siècle, elle se relève et prospère jusqu’au XVIIe siècle, terrassée par une invasion siamoise. Il faudra attendre le Protectorat pour qu’elle revive. Les Français s’y installent en 1886 et lui donnent son nom actuel.
De leur passage subsistent quelques bâtiments coloniaux décatis. Ils offrent leurs pâles façades au soleil autour du marché central. Assez peu touristique, la petite ville de Kratie (38 000 habitants) joue les alanguies : peu de voitures, des maisons basses – si l’on excepte les immeubles chinois des plus quelconques sur l’avenue principale.
En fin d’après-midi, on fait comme les locaux, cheminant sur la promenade qui borde le Mékong : des amoureux se sourient sur un banc, un groupe d’hommes entoure deux joueurs de majong. On est juste bien.
Avant d’arriver à Kratie, on s’arrête volontiers à Chhlong, un ancien comptoir de bois et de caoutchouc. Les hévéas pleurent toujours leur sève blanche et le petit marché à l’ombre des maisons coloniales est un enchantement.
Observer les dauphins de l’Irrawady
16h 30. Il est temps de filer en voiture à Prek Kampi, à 20 min de Kratie. On dégringole une volée de marches. En contrebas, sagement alignées, une dizaine de barques coloriées. Le soleil commence à décliner doucement, nappant d’argent les eaux étales du fleuve avant de les incendier. Le moteur tousse, le bachot s’élance bruyamment. Dix minutes plus tard, le pilote, attentif autant qu’habitué, pointe déjà son doigt et stoppe le moteur. À droite, une masse sombre mais timide.
C’est l’un des 80 dauphins de l’Irrawady. Un nom donné à tort à plusieurs titres. Déjà, son habitat est varié. On le trouve dans les estuaires de Birmanie donc, mais aussi d’Inde, des Philippines… C’est ici qu’il compte la plus importante population : près de 90 individus. De plus, il est plus proche du béluga ou de l’orque – son nom latin est Orcaella brevirostris – comme avec sa tête ronde et son nez aplati le montrent.
Menacé par les filets maillants – la pêche est désormais réglementée dans la zone où ils s’ébattent –, mais aussi par les barrages hydroélectriques et la pollution, il est farouchement protégé. D’ailleurs, notre pilote est un ancien pêcheur reconverti. On se prend vite au jeu, scrutant l’horizon, plissant les yeux. Car l’animal, en dépit de sa taille – plus de 2 m de long, pour près de 130 kg – est farouche. Pas de saut gracieux comme ses cousins éloignés, il se contente la plupart du temps de pointer son rostre à la surface pour respirer. Un souffle bruyant. On se retourne. Juste le temps de voir replonger deux dos argentés.
Bien que quatre décès aient été enregistrés en 2021 par le WWF, trois delphineaux sont nés la même année. Les moments les plus propices pour l’observation ? Dès potron-minet, vers 6 h, et à la tombée du jour, vers 17 h. Les ornithologues amateurs privilégieront le matin pour tenter d’apercevoir la bergeronnette du Mékong, une espèce endémique présente sur les rochers de la zone.
Voyage dans le temps sur l’île de Koh Trong
Un embarcadère, au nord de Kratie. Plutôt un ponton en bois branlant. Un ferry. Enfin, une barge rouillée qui embarque motos, vélos, touristes et denrées alimentaires. Près de 10 min de traversée suffisent pour atteindre les berges de l’île de Koh Trong.
On se hisse depuis la plage jusqu’au premier village ; l’un des deux seuls de cette langue verdoyante longue de 9 km. Une piste enroule l’île. Pas une voiture, on circule à moto, à vélo ou en charrette tirée par des bœufs. Environ 330 familles habitent ici, essentiellement venues du Vietnam au début du XXe siècle. L’anglais est souvent sommaire. Peu importe, les sourires traduisent la gentillesse, omniprésente.
La population a façonné cette bande de sable, la transformant en véritable éden verdoyant : rizières, champs de légumes et, partout, des pamplemoussiers ployant sous le poids des fruits rondouillards : cette variété, toute verte, est la plus réputée du pays et bénéficie même d’une indication géographique protégée (IGP).
On ne se lasse pas de regarder les maisons sur pilotis, aux portes peintes, des plus photogéniques avec leur jardinet. Perché sur une échelle, un paysan rentre du foin dans sa cabane. Une école, un temple bouddhiste cerné de tombes. Quelques restaurants proposent, en terrasse pour mieux contempler le fleuve, de savoureux repas, simples mais roboratifs. On s’abandonne à la rêverie. Il est 18 h et, déjà, le dernier ferry attend pour rejoindre Kratie.
Pas facile d’apercevoir la tortue de Cantor, redécouverte en 2007 au Cambodge. En dépit de sa taille géante, quelques rares spécimens vivent ici, dans la boue du Mékong. Leur particularité ? Une tête minuscule façon grenouille et une carapace toute molle !
Fiche pratique
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Comment y aller ?
En circuit, en bus (environ 15 €), comme en voiture privée (environ 100 €), il faut bien compter 5 h de route depuis Phnom Penh pour arriver à Kratie.
Bonnes adresses
– Sorya Guesthouse : entre les rues 1 et 2, sur le quai Preah Soramarith, à Kratie. Vue sur le Mékong pour cette charmante guest house. Pour le confort, on opte pour la chambre avec air conditionné, salle de bains privée, wifi et petit déjeuner pour 33 €. En version backpacker, la chambre à 2 lits, A/C et salle de bains à partager est à 17 €, et le dortoir pour 3 revient à 8 € la nuit. Le café qui va avec sert… des pizzas et des pâtes.
– Mekong Mojo : 426 quai Preah Soramarith, à Kratie. Sur la promenade du Mékong, une cuisine 100 % cambodgienne.
– Le Relais de Chhlong : road 308, à Chlong. L’hôtel a investi une demeure coloniale du début du XXe siècle magnifiquement rénovée. 10 suites spacieuses, du mobilier ancien, un restaurant savoureux en surplomb du Mékong, un bar avec billard et un service adorable confèrent à cette adresse un charme fou. À partir de 78 €, petit déjeuner inclus.
– Prek Kampi : sur le bord de la route dans le village, un stand. Depuis plusieurs générations, la même famille concocte le meilleur khao lam du pays. Ils livrent leur dessert, chaque matin dès 4 h et par camion, jusqu’à Phnom Penh et Siem Reap ! Composé de riz gluant, haricots noirs et noix de coco râpée, il cuit des heures durant dans un tube de bambou évidé. À peine sorti du feu, pelez le bambou et dégustez !
– Pomelo Homestay : Pomolo Homestay 50, à Koh Trong. L’une des rares guest houses sur l’île de Koh Trong. Un adorable accueil anglophone, la préparation du repas en famille et une nuit avec un confort spartiate offrent une vraie immersion. Comptez 13 € en demi-pension.
– Rajabori Villas : la seule option chic de Koh Trong avec 13 villas sur pilotis. Parquet, murs lambrissés et vue sur le luxuriant jardin. Restaurant, prêt de vélo, wifi, et il y a même une piscine. À partir de 50 €.
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Texte : Pascale Missoud