Chili : en Patagonie, au bout de l’Amérique
Aux portes des Cinquantièmes Hurlants
Où sont les légendes peuplées de vagues en furie et de naufrages ? Ce matin, le détroit de Magellan est paisible comme un lac. À peine le vent ride-t-il légèrement la surface, là où le rempart des falaises s’entrouvre.
Au pied de la pointe de Santa Ana, les jeunes goélands et les pétrels glissent doucement dans un ciel lumineux, ou dodelinent sur l’onde en toute quiétude. L’herbe rase prend des airs de prairie de montagne, piquetée de fleurs.
Au-dessus, vissé sur son rocher, le fort Bulnes (photo) monte la garde, entouré d’une armée disparate de nothofagus penchés – sans doute, en d’autres temps, le vent souffle-t-il ici avec vigueur. Fondée en 1843 par une vingtaine d’hommes et deux femmes, menés par un lieutenant de marine britannique pour le compte du jeune Chili, la forteresse avait vocation à définir les limites du pays aux confins des Cinquantièmes Hurlants.
L’aventure ne fut pas une sinécure. Les murs de tourbe redressés, entourés d’une double palissade, laissent passer bien assez de courants d’air pour laisser imaginer l’inconfort de la garnison. Seul Dieu, en sa chapelle de rondins, veillée par la bannière étoilée, protégeait ce petit monde.
Le continent se termine avec panache un peu plus loin, au cap Froward, dans une débauche de falaises et de vent. Aucune route, aucune piste ne mène jusque-là. Seul un sentier, par moments noyé par la marée haute, conduit jusqu’à la grande croix de métal symbolisant le bout de l’Amérique – une belle randonnée de 5 jours pour les plus intrépides.
Préparez votre voyage avec nos partenairesTexte : Claude Hervé-Bazin
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