Chers amis routards,
Habitant au Vietnam cette année, j’ai profité des congés de la fête du travail vietnamienne (Quoc Tế Lao Dong) début mai et de la visite d’une amie pour m’échapper quelques jours au Cambodge.
Au programme: 24h à Phnom Penh, et 3 jours à Siem Reap, le tout en bus depuis Ho Chi Minh-Ville.
Afin que le récit de ces aventures ne soit pas trop lourd, il sera divisé en 3 articles, dont voici le premier. Il relatera notre court séjour dans la capitale, ainsi que les impressions générales sur le voyage et sur le pays. Vous aurez ensuite la joie de découvrir les mythiques temples d’Angkor, puis l’ambiance dans la ville de Siem Reap!
(Vous pouvez retrouver mon récit et tous les autres sur mon blog https://pastabobun.wordpress.com)
LES JOIES DU BUS CAMBODGIEN
Nous sommes parties de Saigon vers Phnom Penh de bon matin, en empruntant une des nombreuses compagnies de bus proposant de vous emmener au Cambodge. Notre choix s’est porté sur Mekong Express Limousine Bus, recommandée par plusieurs voyageurs. Le bilan est mitigé: si le personnel est adorable, le bus n’est pas de la première jeunesse, et la wifi promise est… inexistante. Au bout de 7h de route, après un passage étonnamment rapide de la frontière, nous arrivons dans la capitale assez fatiguées.
Nous reprendrons cette compagnie pour nous rendre le lendemain à Siem Reap en 6h, et le bus ressemblera en tout point au premier.
PHNOM PENH ET SES TUKTUKS
Dès notre descente du bus, nous sommes alpaguées par de nombreux tuktuks qui souhaitent nous déposer à l’hôtel. La situation est la même qu’au Vietnam avec les motorbikes: seul le moyen de locomotion a changé!
Nous choisissons un conducteur au hasard afin d’être déposées au Patio Hotel (pour 24h, nous avions décidé de nous faire plaisir en profitant de cette somptueuse piscine donnant sur toute la ville…). Mais, dans la fatigue et l’empressement, nous oublions de négocier le prix de la course avant de partir. Le tuktuk essaye donc de nous prendre $5 pour une course qui en vaut à peine $2… Les joies du commerce. Après une petite embrouille et un joyeux « f*ck you tourists! », il lâche l’affaire et nous laisse payer le prix normal. Une arrivée pleine d’amour!
Il s’agira pourtant d’une exception. Tout au long de notre périple, nous nous sommes déplacées en tuktuk, et chaque conducteur a été adorable avec nous, sans (trop) chercher à nous embrouiller sur les prix. Nous avons même trouvé une perle pour nous accompagner dans les temples d’Angkor pendant 2 jours: vous retrouverez ses coordonnées dans l’article concordant.
LA VIE NOCTURNE
Après une jolie sieste au bord de la piscine, nous rejoignons quelques amis pour passer la soirée. Après un premier verre dans un bar caché dans la ruelle de notre hôtel, dans lequel on entre en ouvrant la porte du frigo Coca-Cola (!) posé contre le mur de la rue, nous partons diner au Malis, un restaurant servant une bonne cuisine khmer à des prix moyens. Amok, curry et fruits de mer sont au rendez-vous.
Puis les heures se déroulent au fil de la nuit: nous sirotons un cocktail au Samai, une distillerie de rhum qui vaut le détour ne serait-ce que pour le décor de fûts, et les cocktails au café… La soirée se prolonge rapidement au Bar Sito, bar caché ambiance speakeasy et déco boisée, avant d’atterrir Chez Rina, pour quelques tournées de B52.
Trop épuisées par le trajet en bus et par les quelques verres déjà pris, nous arrêtons ici le marathon de la nuit et rentrons à l’hôtel, laissant nos amis terminer la soirée au fameux Pontoon.
La vie nocturne de Phnom Penh m’a laissé un souvenir très agréable, et assez différent de Saigon. Dans la capitale cambodgienne, tout est regroupé dans quelques quartiers peu éloignés les uns des autres, alors que la nuit à Ho Chi Minh peut se fêter sur des kilomètres… De même j’ai croisé peu de bar-bouiboui à Phnom Penh comme mon fameux 96 à Saigon. Peut-être les ai-je loupés? Voici une belle excuse pour retourner dans cette petite ville…
S21, VOYAGE DANS L’HORREUR DES KHMERS ROUGES
Le lendemain matin, nous partons explorer quelques recoins de la ville avant de partir, en début d’après-midi, pour Siem Reap. la chaleur est saisissante: l’ombre et les bouteilles d’eau seront nos meilleurs alliées pour la matinée.
Notre périple commence par la visite de Tuol Sleng, aussi appelée S21. Cette prison est la plus connue des 190 créées par le régime de Pol Pot dans les années 1970, afin d’enfermer (comprendre: torturer pour faire avouer avant de tuer) les ennemis de la Nation (comprendre: à peu près n’importe qui).
Dirigée par Duch, cette ancienne école reconvertie en centre de l’horreur a vu passer entre 12.000 et 20.000 prisonniers, parmi lesquels l’on ne compte que 12 survivants attestés.
Nous avons visité ce lieu de mémoire avec l’audioguide, qui semble indispensable pour saisir l’histoire de l’endroit. La voix du narrateur nous emmène de salles en salles, de photos en photos, et ponctue son excellent récit de témoignages de survivants, de bourreaux, de membres de la famille de victimes.
Les salles de tortures côtoient les cellules de détentions, les photos des geôliers précèdent celles des victimes, les clichés de champ de la mort jouxtent les costumes des gardiens. La visite est émouvante, instructive, silencieuse; l’on ne ressort pas indifférent de cette matinée.
Beaucoup d’enfants apparaissent sur les photos présentées. Tantôt victimes, tantôt bourreaux, souvent les deux: beaucoup de gardiens se sont eux-mêmes retrouvés accusés d’opposition à la révolution et ont été séquestrés à leur tour. La paranoïa et la dénonciation régnaient en maîtres. Le but de chaque emprisonnement et séance de torture était d’extorquer des aveux aux prisonniers. Une fois ceux-ci obtenus, ils étaient envoyés aux killing fields de Choeung Ek afin d’être exécutés.
À S21, vous trouverez notamment affiché sur des panneaux le règlement assez surréaliste des agents de sécurité de la prison:
- Réponds conformément à ma question que je t’ai posé. N’essaye pas de détourner la mienne.
- N’essaye pas de t’échapper en prenant des prétextes selon tes idées hypocrites. Il est absolument interdit de me contester.
- Ne fais pas l’imbécile car tu es l’homme qui s’oppose à la révolution.
- Réponds immédiatement à ma question sans prendre le temps de réfléchir.
- Ne me parle pas de tes petits incidents commis à l’encontre de la bienséance. Ne me parle pas non plus de l’essence de la révolution.
- Pendant la bastonnade ou l’électrochoc, il est interdit de crier fort.
- Reste assis tranquillement. Attends mes ordres, s’il n’y a pas d’ordre, ne fais rien. Si je te demande de faire quelque chose fais-le immédiatement sans protester.
- Ne prends pas prétexte sur Kampuchea Krom pour voiler ta queue de traitre.
- Si vous ne suivez pas les ordres ci-dessus, vous recevrez des coups de bâton, de fils électriques et des électrochocs (vous ne pourrez pas compter ces coups).
- Si tu désobéis à chaque point de mes règlements, tu auras soit six coups de fouet, soit cinq électrochocs.
Cette visite, si elle peut être difficile à effectuer, vaut vraiment le détour, afin de saisir l’ampleur de l’horreur du régime Khmer Rouge. Vous aurez peut-être la chance de rencontrer sur ce lieu de mémoire un survivant de S21, parfois présent à la sortie, assis pour discuter avec les visiteurs et proposer son livre.
LE MARCHÉ CENTRAL
Après ce passage fort en émotion, nous sommes parties nous aérer l’esprit au marché central de Phnom Penh. Car s’il y a bien une chose que l’on trouve par dizaines dans chaque ville cambodgienne, ce sont les marchés!
Le marché central est immense, bien plus grand que Ben Thanh à Saigon, et même que Binh Tay, le fameux marché du quartier chinois de Cho Lon dont je vous conterai bientôt les merveilles… Et cette propreté, comparée à mes habituels marchés vietnamiens! Je jubile. Les contrefaçons et la nourriture se mêlent aux fameux kramascambodgiens, dans un certain ordre qui détonne avec le bazar asiatique habituel. Le marché vaut le détour, mais déjà il nous faut repartir à la gare routière, afin de nous rendre à Siem Reap.
Nous n’avons guère eu le temps de visiter le marché russe, dont on m’a pourtant vanté les charmes. De même, nous n’avons pas pu nous attarder devant le Palais royal, mais nous sommes passées devant en tuktuk, à défaut d’y avoir flâné. Phnom Penh en 24h amène à faire quelques concessions, surtout si la nuit s’avère agitée!
La gare routière se trouvant en bordure de la ville, après Riverside, nous admirons cette jolie ville que nous quittons après l’avoir tout juste rencontrée, toujours à bord d’un inconditionnel tuktuk.
IMPRESSIONS GÉNÉRALES
Phnom Penh, et plus généralement le Cambodge, sont très différents du Vietnam où je réside. Les scooters sont moins nombreux (vous me direz, ce n’est pas compliqué…), et les conducteurs mieux casqués. Les tuktuks envahissent le paysage routier. Tout est plus petit, plus humain: Phnom Penh a beau être la capitale, elle ressemble à une petite ville de province comparée à Saigon! Les campagnes sont sèches, arides, jaunes: la verdure des routes vietnamienne ne se retrouve pas ici.
La population locale est adorable, l’on est très bien accueilli dans ce beau pays. Le sourire est souvent l’invité des visages, et l’on se sent (un peu) moins considérés comme un touriste et rien d’autres. La négociation reste cependant le mot d’ordre: au marché comme en tuktuk, point de salut sans remise! L’expérience vietnamienne m’a bien rodée à l’exercice, au fil des mois.
À ma grande surprise cependant, les prix sont plus chers qu’au Vietnam: il est presque impossible de déjeuner en dessous de $3-$4, alors qu’un bouiboui vietnamien vous reviendra à peine à 20.000/30.000 VND, soit $1-$1,5… Mais ces quelques dollars supplémentaires ne seront pas mal dépensés, car au Cambodge, l’on mange merveilleusement bien.
Si vous avez eu la chance de découvrir Phnom Penh plus en profondeur, n’hésitez pas à partager ici vos expériences! À très bientôt pour la suite du récit, qui vous emmènera plus au Nord visiter Siem Reap et ses somptueux temples d’Angkor…