Les relations entre la Géorgie et la Russie sont paradoxales.Les géorgiens détestent les russes qui occupent 20 % de leur territoire depuis la guerre de 2008 (Ossétie du Sud) et craignent une nouvelle invasion à l’instar de ce qui se passe en Ukraine.Or l’Arménie s’approvisionne en gaz russe. Celui-ci doit donc transiter par la Géorgie qui, plutôt que d’instaurer une taxe, se sert au passage. Les touristes russes sont partout en Géorgie même s’ils rencontrent l’hostilité de certains géorgiens.Bref, au lieu-dit du panorama, ce sont des touristes des monarchies du Golfe qui sont très présents, venant à chercher un peu de fraîcheur à trois heures de vol de Dubaï ou de Doha. Les restaurateurs l’ont bien compris, tous les menus sont halal.
Il fait 15 degrés, je respire enfin !Sur la route, des centaines de camions en attente du sésame leur permettant l’accès au territoire russe.Dans le bus, une israélienne est assise à côté d’un saoudien. Le voyage gomme les frontières.Nous arrivons enfin à Kazbegi (Aussi appelée Stepansinda), il est 16 heures passées. Nous sommes à 10 kilomètres de la frontière russe (Ossétie du Nord).
Les passagers vont rejoindre en 4x4 l’Eglise de la Trinité de Guerguétie (14 ème siècle), un monastère perché à 2170 m d’altitude, dominant la vallée. Cette église est elle même dominée par le Mont Kazbek (5047 m), deuxième plus haute montagne de Géorgie.Je me joins à eux, conscient que j’aurai l’occasion d’y monter à pied les prochains jours mais que la lumière risque d’être différente et peut-être moins bonne.J’ai des réflexes que je ne contrôle pas. Alors que tous les touristes se pressent de rejoindre l’église, je pars dans l’autre sens, m’éloignant davantage de l’édifice afin de le photographier sur fond de montagnes…
De retour à Kazbegi, je quitte le groupe, il retourne à Tbilissi.Je m’installe dans une petite guesthouse à la sortie du village de Gergeti, à 1 km du centre de Kazbegi, à trois maisons de la nature et de la liberté.
**Désolé, je ne parviens plus à charger les photos (limite dépassée ?). La suite des photos sur mon blog.**Je vais en ville, il se met à pleuvoir des cordes. Un automobiliste a pitié de moi et me remonte au sec.Chevaux et vaches passent, je les observe de la fenêtre de ma chambre.Coupure d’électricité, je finis la soirée à la bougie.
Je pense rester quelques jours ici, bien que la météo prévisionnelle soit mauvaise. Au moins, j’ai une grande chambre, une salle de bain privée pour la première fois, des poules dans le jardin et je ne paie que 12 euros la nuit !06/08/2022Le ciel est couvert, le temps s’annonce mauvais toute la journée. Pas de chance, j’ai prévu de rejoindre à pied le glacier du Kazbek, à près de 3000 mètres d’altitude.La pluie est annoncée à midi. Je m’élance à 7h30. Rapidement, je rencontre un couple franco-allemand que j’accompagne.
Vers 2400 mètres d’altitude, nous plongeons dans une nappe de brouillard qui se densifie à mesure que nous avançons. Nous sommes rejoints par une randonneuse russe, Anastasia.
Vers 2500 mètres, le couple fait demi-tour, je poursuis avec Anastasia. A 2900 m, alors que nous sommes dans un gigantesque pierrier, nous prenons la décision de redescendre. La pluie ne devrait pas tarder, il n’y a pas d’intérêt à vouloir continuer dans cette purée de pois.
La pluie commence à tomber alors que nous sommes à proximité de l’Église de la Trinité. Il est 14h10. Je fais part à Anastasia de mes plans du lendemain, nous échangeons nos numéros de téléphone.
15h20, j’arrive trempé à la guesthouse après 8 heures de marche.Je dîne tôt, je suis fatigué et affamé. J’ai tellement mal aux jambes que je peine à m’asseoir…Dans la soirée, nous nous organisons avec Anastasia pour partager le prix du taxi le lendemain.07/08/2022Vue sur le Kazbek ce matin ! Il ne faut pas manquer la fenêtre, déjà, les nuages commencent à le dissimuler…
A 7h30, nous nous retrouvons avec Anastasia dans le taxi qui nous dépose à l’entrée de la vallée de Truso et décidons de marcher ensemble.Le village située à l’entrée de la gorge est en ruine. En 2008, lors de l’invasion russe, les habitants ont fui. Une femme a décidé de rester. Elle vit depuis seule dans cet environnement désolé.
La vallée est une gorge étroite. Petit à petit, elle s’élargit, s’évase et débouche sur une vallée extraordinaire, immense et sans limite.
Je ne sais pas quel mots choisir pour exprimer cette immensité, le sentiment de liberté et de solitude qui nous imprègne.
Le lieu est extraordinaire. Un premier village, des ruines, plus de chevaux que d’êtres humains, un pont emmené par les flots et rafistolé avec les moyens du bord…
Nous grignotons un bout avec Anastasia. Les habitants de la vallée viennent nous parler, lui parler en russe, échanges qu’elle me traduit par la suite en anglais. Ils sont musulmans contrairement aux habitants des plaines.
Un deuxième village et un monastère constituent notre deuxième halte.
Au bout, tout au bout de la vallée, une forteresse en ruines. A son pied, un poste frontière. Impossible de passer au delà. Derrière, c’est l’Ossétie du Sud, République autoproclamée vivant dans le giron des russes. Les géorgiens et autres étrangers n’ont pas le droit d’y mettre les pieds.Du haut de la citadelle, une vue à 360 ° époustouflante.
Nous avons parcouru 11 kilomètres dans la vallée de Truso. Il nous faut désormais faire demi-tour avec ce sentiment si particulier de revenir du bout du monde, d’avoir pu profiter, seuls d’un lieux extraordinaire.
A quelques kilomètres de l’entrée de la vallée, nous rencontrons deux français, Claire et Thibaud. Ils prévoient de se rendre demain à Juta, une vallée que je convoite également. Nous échangeons les numéros de téléphone et Anastasia nous met en relation avec un chauffeur qui peut nous y conduire demain.Arrivée à l’entrée de la gorge, Anastasia rappelle le taxi qui vient nous chercher.Nous dînons très tôt et nous nous séparons, fatigués par les 22 kilomètres d’une journée mémorable.08/08/2022Je retrouve le taxi que j’ai négocié la veille. Claire et Thibaud arrivent dans la foulée. A 8h00, nous débutons la randonnée dans la vallée de Juta.Le temps est couvert mais il nous promet de belles éclaircies.Les paysages bien que merveilleux ne m’époustouflent pas autant qu’hier. En effet, ils ressemblent davantage aux Alpes.Cependant, la montée nous offre des vues spectaculaires sur les aiguilles rocheuses qui donnent ce surnom à cette région : les Dolomites géorgiennes.
Vers 2900 m, je quitte Claire et Thibaud pour tenter un passage dans le pierrier au pied de la falaise.Un peu audacieux mais ça passe, je rejoins un autre sentier pour retrouver le chemin de la vallée. Je retrouve Claire et Thibaud dans la descente que nous terminons ensemble.
Nous sommes à l’heure au rendez-vous fixé par le taxi après une douzaine de kilomètres de marche.Nous dînons ensemble. Je décide de rester encore deux nuits, demain la météo sera clémente et j’aime marcher dans ces montagnes. Je marche accompagné depuis deux jours et j’ai envie de marcher seul demain. Un moyen de toucher du doigt une forme de liberté absolue.09/08/2022Ce matin, je prévois de remonter la rivière Terek dans la vallée du même nom.
La vallée de Terek est la large vallée dans laquelle se faufile la route militaire qui relie la Géorgie à la Russie. Elle est accessible directement à pied de ma guesthouse.
Pour schématiser : à gauche, la route, au milieu, les flots tumultueux de la rivière, à droite, une piste que je vais emprunter. Rien de particulier à voir parait-il, j’adore!
Déjà, des dizaines de chevaux en liberté. Pas de clôtures en Géorgie. Les chevaux et les vaches sont libres.J’avais repéré sur Maps cette piscine d’eau gazeuse naturelle. Étonnante, elle est alimentée en direct par la source. Les habitant viennent régulièrement remplir leurs bouteilles.
Premier petit village surmonté par une jolie tour défensive.
Arrivé au bout de la rue principale, cul de sac. La piste que j’avais repérée sur internet se poursuit au delà d’une propriété privée. Je fais demi-tour, me dirige vers la route mais j’aimerais l’éviter. Je commence à longer les barbelés qui protègent le centre administratif de contrôle des camions qui se dirigent vers la Russie. Après une cinquantaine de mètres, une alarme anti-intrusion de déclenche. Je semble avoir été repéré… Vite, je rebrousse chemin et m’éloigne rapidement. L’alarme cesse.Un gars m’indique un petit chemin me permettant de poursuivre ma progression dans la vallée. Deux chevaux m’accompagnent pendant deux kilomètres.
A droite, une falaise. Dans la montagne, je repère ce qui ressemble à des grottes.Pour y accéder, pas de chemin, je monte droit devant moi. Arrivé à proximité des orifices, je me rends compte stupéfait, que les grottes sont habitées par des vaches recherchant la fraîcheur…
Deuxième village, surmonté par deux cascades.La première est accessible en 4 minutes. La seconde n’est pas accessible.La seconde va être accessible. Je m’y engage !Je tente une traversée de la rivière juste au-dessus de la première cascade. Je me ravise. En cas de glissade, c’est une chute de vingt mètres qui m’attend.Je redescends donc sous la cascade et traverse de l’eau jusqu’aux genoux.C’est ensuite une longue et pénible montée qui commence.Pas de chemin, des herbes glissantes, une pente raide. Plusieurs fois, je glisse et me rattrape aux premières tiges qui se présentent. Une fois sur deux, ce sont des orties ou des chardons.J’ai les mains, les chevilles et les mollets couverts de piqûres.Je ne me décourage pas, je progresse.Arrivé à une centaine de mètres de la cascade, l’humidité favorise la croissance des végétaux et ce sont des orties d’un mètre que je fends.Enfin, le pied de la cascade et, au loin, la vallée d’où je viens.
Descente prudente, je retourne au village, virage à gauche et m’engage sur le chemin du retour. J’ai déjà parcouru 16 kilomètres.
A proximité du centre des routiers, je suis interpellé par des chauffeurs arméniens qui m’imposent de partager avec eux leur repas. Pain, poulet et vodka !
Je repars quelques minutes plus tard avec un verre plein. J’en bois encore une grande gorgée pour leur dire au revoir et, après m’être éloigné suffisamment, je verse la vodka dans le bas côté. L’herbe n’y repoussera pas. Je marche en zigs et en zags…
En passant devant ma chambre, je dépose mon sac et rejoins le centre-ville de Kazbegi pour dîner après 23 kilomètres à pied…La petite dame qui gère ma chambre me demande si j’ai passé une bonne journée. Je lui montre la vidéo de la cascade, elle est ébahie. Elle ne l’a probablement jamais vue…Demain, elle a rendez-vous chez le médecin, à Tbilissi, à trois heures de route…10/08/2022J’ai dormi deux heures. Ma peau perforée par les épines de chardon et les picots des orties m’a démangé toute la nuit.Je suis à 7h15 sur la place de Kazbegi attendant le premier mashrutka qui me ramènera à Tbilissi.Proche de la place, une agence de montagne n’accepte pas les touristes russes (Justifié par : les russes ont envahi l’Ukraine et occupent 20% du territoire géorgien).
Le balayeur nettoie la rue et jette une à une ses clopes après être passé. Il se donne du travail… Il pourrait être un personnage du Petit Prince de Saint Exupéry.Le chauffeur vérifie le bon fonctionnement du mashrutka.
Bref, j’attends 45 minutes et nous quittons Kazbegi.Très vite, bien que son volant soit placé à gauche, je ne suis pas rassuré lors des déplacements.Le chauffeur passe la moitié de son temps sur l’autre voie à klaxonner et doubler. Lorsqu’il ne peut pas le faire, il colle les autres véhicules. En cas de coup de frein ou de vache sur la route, on y passe tous…Plus loin, c’est un camion coincé sur le bas côté, le poids du véhicule a affaissé une partie de la route…Je me fraie un passage poussiéreux entre les passagers, les chiens et les étals et retrouve la climatisation salvatrice du métro.Je retrouve le petit papi, j’ai à nouveau le droit à un sourire.Petite sieste, je repars pour une petite marche tranquille. J’ai dit tranquille !Finalement, cette petite marche se transforme en grande marche. Je grimpe jusqu’à la statue « Mother of Georgia », une sorte de Christ de Rio puis retourne arpenter les murailles de la forteresse de Narikala essayant de gérer les passages glissants avec mes simples tongs…
Les chiens et les chats sont très présents dans la rue en Géorgie.Les premiers sont pucés et vaccinés et ne prêtent pas attention aux humains. Les seconds prolifèrent en se reproduisent sans aucun contrôle. Des petits de quelques jours échappent miraculeusement aux pneus des véhicules et aux pieds des passants.Finalement, j’ai marché une petite dizaine de kilomètres et transpiré abondamment.11/08/2022Mes diverses piqûres ont eu encore une fois raison de mon sommeil.Aujourd’hui, je rejoins une dernière fois un tour organisé en mini-bus pour visiter les grottes de Vardzia. Celles-ci, situées à plus de 200 kilomètres de la capitale, sont difficiles à rejoindre en transport collectif.Premier arrêt, le château de Rabati. Reconstruit en 2011 sur les ruines de l’ancienne forteresse, l’édifice doit sceller l’amitié turquo-géorgienne. En effet, nous ne sommes qu’à 15 kilomètres de la frontière turque (ami).
Beau, très beau mais tellement restauré qu’il manque la portée historique du lieu. Les pierres sont trop neuves, trop droites, trop parfaites.
Vardzia. Une montagne, 600 grottes creusées par l’Homme au 12ème siècle, 19 niveaux, 5000 personnes y vivaient à l’époque.Une église toujours en fonction, des logements, des tunnels qui permettent de relier les étages à l’intérieur de la montagne, une « pharmacie », une réserve d’eau potable…Le lieu est extraordinaire tant par sa situation à flanc de falaise que par sa complexité.Vardzia a été plusieurs fois détruite par des séismes. Les grottes actuelles sont celles qui ont résisté.
Aujourd’hui encore, quelques moines y vivent à plein temps…
Dernière étape de cette longue journée, le parc de Borjomi. Borjomi est une ville célèbre pour son eau minérale naturelle. Le parc, bien entretenu et légèrement surfait, abrite une de ses sources où les habitants viennent remplir bouteilles et autres bidons.Sinon, la ville est un temple de la consommation à destination des familles géorgiennes et des touristes. Il est 23h45 lorsque le minibus me dépose Place de la Liberté. 20 minutes à pied pour regagner ma chambre, en haut de la colline.Les rues sont très animées, les habitants sont de sortie.12/08/2022Mon dernier jour en Géorgie.Je décolle demain matin à 5h00.Mon hôte m’invite à partager son petit déjeuner. J’accepte avec plaisir jusqu’à ce que j’assiste à la préparation de la mixture faisant office d’alimentation.Flocons d’avoine + fromage + gingembre + citron + eau bouillante.Vous mélangez le tout en vous assurant que le fromage ait assez fondu pour faire des fils.Je n’ai pas pu terminer, je m’en excuse auprès de mon hôte qui me sert finalement un, deux, trois cognacs.
Il est 10h00 du matin, je suis ivre…Je croise Merle, une allemande avec qui j’ai discuté hier et qui m’avait proposé de déjeuner ensemble aujourd’hui. . Je lui propose de venir avec moi, à pied, au Dezerter Bazar, le marché central de Tbilissi, situé à 6 kilomètres.
J’aime beaucoup arpenter les allées des marchés des villes que je visite.On y trouve de tout et en abondance. Un festival de couleurs. J’en profite pour faire quelques achats.
Je déjeune avec Merle qui me quitte pour retrouver des amis.Un des derniers regards sur mon petit quartier et je rentre me reposer dans ma chambre, la nuit va être longue.
Dans la soirée, je dîne avec Merle puis rentre faire mon sac.Le taxi passe me prendre à 0h30.Comme souvent, la route qui mène à l’aéroport est entretenue, ornée de parterres aux arbustes soigneusement taillés. La première et la dernière impression que l’on se fait d’un pays doit être la meilleure possible…13/08/20225h00, mon avion quitte Tbilissi.5 heures d’escales à Munich, 1h15 de vol, à 13 h 40 j’atterris à Paris, nuit blanche, clap de fin !
Merci de m’avoir lu.
Davantage de photos sur mon blog.