Bien le bonjour à vous deux,
Quelques recherche chez tonton Google,
International (CWI).
Le temple du Tigre – Wat Pha Luang Ta Bua en thaï – se trouve dans la province de Kanchanaburi, à une demi-heure en voiture d’une autre attraction touristique, le pont de la rivière Kwaï. Les billets d’entrée sont vendus à l’intérieur d’un bâtiment délabré, situé près de l’entrée principale. D’un prix de 500 bahts [environ 12 euros], ils comportent une déclaration à caractère légal : “Je suis conscient du fait que de nombreux animaux se trouvent dans l’enceinte du temple, qu’ils ont vécu à l’état sauvage et qu’ils peuvent ne pas être apprivoisés.”
Une dizaine de tigres adultes marchent lentement sous les arbres, attachés à de grosses et courtes chaînes, chacun sous la conduite de deux ou trois gardiens thaïs. Le bonze supérieur fait son apparition. Phra Acharn Phusit Chan Khantitharo est un petit homme âgé de 59 ans au crâne rasé, le nez chaussé d’épaisses lunettes. Son arrivée donne le signal des “promenades”. Des groupes de 15 touristes se mettent en marche, chacun sous la houlette d’un moine tenant un tigre en laisse. Chacun peut toucher le dos de la bête pendant qu’un membre du personnel prend la scène en photo. Au “canyon”, une carrière abandonnée qu’on a dotée d’une cascade artificielle et de quelques arbres, Richie Stevenson, électricien de 37 ans originaire du Queensland, en Australie, prend les choses en mains. “OK, messieurs dames, asseyez-vous”, lance t-il.
Les tigres, enchaînés au sol, paraissent apathiques, somnolents. Stevenson a le plus grand mal à dissiper les soupçons de sédation. “Nos animaux viennent de manger, ils ont fait un peu d’exercice, leur métabolisme s’est ralenti et ils vont faire une bonne sieste.” Chacun a le droit, sans supplément, de prendre la pose à leur côté. Mais il est également possible d’opter pour ce que Stevenson appelle une “photo spéciale”. Contre une contribution de 1 000 bahts, les touristes peuvent se faire photographier avec un tigre étendu, la tête posée sur leurs genoux.
Brutalités quotidiennes
Dans son rapport, CWI soutient que les félins subissent “de graves sévices destinés à les rendre plus dociles, afin qu’ils puissent faire leur numéro devant les visiteurs”. Les mauvais traitements consistent en coups de toutes sortes – pied, poing, fouet, bâton – voire jets de pierres.
Athithat Srimanee, directeur de la fondation chapeautant le temple, reproche aux enquêteurs de l’ONG leur manque d’objectivité et nie en bloc les actes de maltraitance. “Tirer la queue et donner des coups sur la tête sont des moyens classiques de faire obéir un tigre”, a-t-il expliqué au journal thaïlandais The Nation. “C’est exactement la même chose que pour le dressage des chiens ou des éléphants. Il faut qu’ils subissent une certaine douleur physique pour apprendre à poser pour les photos.” Sam et Alex (ce sont des pseudonymes), des Occidentaux qui, à eux deux, possèdent trois ans d’expérience dans le temple, comptent parmi la dizaine de bénévoles étrangers recrutés par la méthode du bouche-à-oreille ou après une visite en tant que touristes. “Notre présence est un gage de respectabilité pour le temple”, reconnaît Sam. Les bénévoles sont des amis des bêtes qui adorent s’occuper des tigres, mais le traitement subi par les félins les met mal à l’aise. “Les brutalités sont quotidiennes, rapporte Sam. Il y a un an, les violences étaient moins flagrantes. Maintenant, ils ne se gênent plus devant les touristes.”
Le personnel positionne les tigres pour les photos souvenir en les tirant par la queue, ce qui, dénonce le rapport du CWI, entraîne des lésions vertébrales, voire la paralysie. Lorsqu’on lui parle de cela, Somchai Visasmongkolchai, le vétérinaire maison, éclate de rire. “Regardez-les”, rétorque-t-il en montrant les animaux enchaînés au sol de la carrière. “En voyezvous un seul qui soit paralysé ?”
Mais d’autres accusations – par exemple, que l’argent donné par les visiteurs pour soigner les animaux sert en réalité à d’autres fins – sont plus difficilement réfutables. Stevenson annonce aux visiteurs que les recettes des “photos spéciales” sont destinées à Tiger Island, l’île aux Tigres. “C’est un nouvel habitat que nous créons pour tous nos félins, explique-t-il. Sa construction est à 90 % réalisée.” Mais le projet laisse certains sceptiques. Le chantier de cinq hectares a été lancé en 2003. Selon le site Internet du temple, le prix d’entrée au temple du Tigre est passé de 300 à 500 bahts en 2005 pour “accélérer les travaux”. En 2008, une brochure officielle du temple les annonçait déjà comme à 90 % achevés, pour un montant de 60 millions de bahts [1,5 million d’euros]. A ce jour, 65 millions de bahts ont été dépensés, au dire même de Somchai. Cela avance ? “C’est terminé à 90 %.”
Marketing du bébé tigre
Les recettes des billets d’entrée servent à payer la nourriture des animaux, les salaires et l’entretien des lieux, ainsi que les impôts, énumère Somchai. Mais les revenus tirés des photos spéciales ont été consacrés à diverses causes, dont beaucoup n’ont rien à voir avec le bien-être des tigres. De l’aveu de Somchai, le temple a récemment fait un don de 1 million de bahts à un moine thaï vénéré, versé une aide de 100 000 bahts aux victimes du séisme en Haïti et acheté, pour 700 000 bahts, du café, des sous-vêtements et, pour reprendre les termes du temple, “d’autres produits indispensables pour équiper” les policiers et les soldats qui combattent les insurgés musulmans dans le sud du pays. Pendant ce temps, Stevenson se lamente devant les touristes sur ses difficultés à réunir les fonds nécessaires pour s’occuper des tigres vivant sur le site, dont la population a triplé en quatre ans…
Selon Sam, 27 animaux adultes vivent dans 18 cages d’environ trois mètres sur six chacune. “Ils y sont enfermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.” De nouvelles cages sont en cours de construction, mais elles sont encore plus petites. Mme Foxcroft pense que le bonze supérieur a créé un élevage de tigres. Je lui ai donc posé la question durant notre bref entretien. Il m’a répondu que le temple laissait faire la nature, tous les animaux étant libres de se reproduire. “Lorsqu’une femelle est en chaleur, que voulez-vous que je fasse ?” demande-t-il en riant.
Ce laxisme aggrave la surpopulation, et donc les conditions de vie des tigres. Mais il génère également la plus grosse source de revenus : les bébés tigres. Quatre fois par jour, par groupes de dix personnes au maximum, les touristes peuvent les caresser, jouer avec eux. Ces séances rapportent chaque jour l’équivalent d’environ 1 000 euros, estime Sam. Le matin, les visiteurs peuvent également nourrir au biberon les petits, au cours d’un programme qui dure quatre heures. Il leur en coûte 5 000 bahts [125 euros].
Des autorités complaisantes
Une autre accusation portée par CWI – le trafic illégal de tigres – est difficile à prouver. Les religieux démentent catégoriquement. Les militants prétendent aussi qu’un mâle de 10 ans nommé Mek a disparu il y a environ cinq ans. Où se trouve-t-il ? Par deux fois, Somchai refuse de répondre lorsque je lui pose la question, avant que finalement je lui demande : “Mek est-il mort ?” “Oui”, finit-il par me dire. “Les autorités ont été prévenues.” Mais Fiona Patchett, une élève vétérinaire néo-zélandaise, n’a jamais entendu parler de ce prétendu décès. Elle travaillait comme bénévole, alors que le site ne comptait encore que douze tigres, quand Mek a disparu. “Il s’est volatilisé du jour au lendemain. Je voulais le voir avant qu’il parte, mais le bonze supérieur m’a dit : ‘Non, on l’a chargé dans un camion et il est parti. On l’a envoyé dans un élevage de tigres au Laos.’ A l’époque je croyais qu’il s’agissait d’un commerce légal”, se rappelle la jeune femme. Ce n’est que plus tard qu’elle a appris que faire franchir les frontières à un tigre constitue une infraction au droit aussi bien thaïlandais qu’international. Mek ne serait qu’un tigre parmi d’autres au cœur d’un trafic clandestin entre le temple et un élevage laotien, accuse CWI.
Il ne sera pas facile de réduire au silence les détracteurs du temple. Mais cela n’a finalement aucune importance tant que les autorités thaïlandaises donnent tacitement leur bénédiction au site et que les touristes continuent à venir. Il en est de même pour les agences de voyages, qui ferment les yeux. Ainsi, Expedia.co.uk propose à ses clients de “rencontrer face à face des tigres vivant en harmonie avec les moines” moyennant 110 livres [130 euros]. “Toucher un tigre constitue une expérience extraordinaire, mais les touristes devraient prendre conscience de ce que l’animal subit pour leur procurer ce plaisir, plaide Fiona Patchett. La plupart des gens qui se rendent au temple n’en ont que faire. Tout ce qui les intéresse, c’est la photo souvenir.”
Bonne fin de journée,