Treks à gogo dans les rizières Ifugao

Forum Philippines

Terminer en beauté avec les rizières Ifugao

(Souvenirs d’une virée dans les rizières en terrasse du nord de Luzon - fin mars 2016)

Le retour s’approche à grands pas.

Avant de rentrer, nous nous laissons surprendre une nouvelle fois par les paysages époustouflants de la cordillère du nord de Luzon et ses magnifiques rizières ifugao en terrasse.

C’est une expédition qui se déroule en quatre actes dans des décors uniques et multiples.

Starring : So & Zo, Régis le “traveler”, la surprenante Aurélie, Sylvain “ce héros choco mucho” et Marley la fureur …

Figurants : une panoplie de randonneurs français

Acte 1 : arrivée à Banaue

Nous arrivons à Banaue, au petit matin, sous une pluie balbutiante et dans une brume palpable … De gentils rabatteurs nous accueillent à la sortie du bus. Ils nous proposent le trajet gratuit jusqu’au centre de Banaue, à la condition de visiter les chambres de leur hôtel, le Sanafe lodge… Nous les suivons un peu en mode automatique, d’emblée résignés par la fatigue qui nous colle à la peau (… dix heures de bus ne sont pas de tout repos)

Il est encore tôt lorsque nous trouvons finalement notre bonheur au People’s lodge : une guesthouse convenable, avec vue sur quelques rizières de Banaue. Il me replonge dans mes souvenirs, lorsque, il y a presque cinq ans, j’y séjournai une nuit, les pensées encore à Manille…

Il est tôt, et le temps est encore indécis, le ciel fait semblant de pleuvoir avec un crachin qui nous est familier … " Belgique sort de ce ciel !" Nous en profitons pour faire un tour à l’office du tourisme et nous procurer les informations nécessaires pour organiser notre trek … Tout à coup, sous une pluie un peu plus assurée, une voix enjouée nous surprend : “Sylvain !!!” Rencontré à Dumaguete il y a plus d’un mois, nous nous retrouvons à Banaue. Sans rendez-vous, sans coordination aucune. Et le gros mois de voyage passé depuis avec son petit Marley, ne lui a rien enlevé de sa patate !

Alors que Sylvain et zozo se retrouvent, une charmante voix nous arrête encore “oh ! vous parlez français !” En quelques secondes nous caquetons avec vivacité : Aurélie avec so, Sylvain avec zozo … la pluie profite de ces quelques instants d’inattention pour s’imposer … nous nous retranchons alors sur la terrasse du People’s lodge, avec vue sur un paysage qui se couvre … qui se couvre … qui se couvre … qui se couvre …

… le ciel ricane et les battements de la pluie entêtante sur le toit de tôle nous intimident de sortir !

Zo et moi-même commençons à nous poser des questions sur une quelconque malédiction météorologique … c’est quand même fou qu’en trois mois la pluie nous ait suivis à la trace ! Le concert céleste ne cesse pas, la nuit s’invite et nous allons allègrement nous consoler au Bistro : un bar à vin à Banaue !!! Le corbière passe tout seul, le bordeaux également. À dix heures sonne le couvre feu… nous nous endormons tous en croisant les doigts … pourvu que demain il fasse meilleur !


Acte 2 : Batad

… Au petit matin, la pluie nous murmure de nous lever. Nous décidons de défier le ciel et nous lançons à la conquête de Batad. Un jeepney nous charge comme une cargaison de patates et nous transporte vers le saddle point, point où finit la route et où commence la marche vers Batad.

Pour y arriver, dans le jeepney, c’est un peu comme une colonie de vacances sans surveillance : zozo fait des aller-retours en dehors du jeepney pour filmer ce qui se passe au dehors, Marley a la bougeotte et se fait secouer d’un côté à l’autre de l’intérieur du véhicule, je m’informe sur le degré de contagion de la tuberculose que je suspecte le conducteur d’avoir contractée, tout en papotant avec Aurélie qui ponctue le discours par les photos qu’elle prend par la fenêtre opposée à notre siège. Sylvain mange des choco mucho entre deux clichés et Régis mitraille lui aussi à tout va le paysage qui défile tout en cherchant le surveillant car “Marley, arrête de bouger comme ça !!”. Tout cela sans compter nos essais intempestifs de passer la perche d’un selfie-stick par la fenêtre du jeepney … nous sommes fort dissipés … ça promet !

(Ah oui … et le tout sous nos super capes flambant neuves !)

À notre arrivée, Batad se cache sous la brume et nous sommes trempés. Mais en début d’après-midi, la brume se lève, et elle le fait, sur un paysage qui ne perd rien de sa beauté au fil du temps … le fruit de deux mille ans de travail est toujours aussi émouvant… nous passons le reste de la journée à parcourir l’amphithéâtre naturel : Marley en avant, Sylvain à ses trousses et nous qui suivons. En équilibre sur les rizières et sur nos émotions. Au fil de notre promenade, la brume nous offre un paysage qui change de minute en minute. Elle joue avec nous, avec nos sens et brouille nos pistes … nous n’avions jamais vu Batad ainsi et c’est un peu comme la redécouvrir …


Le soir, le Hillside inn, notre guesthouse, s’enflamme intimement : tous les randonneurs se retrouvent, nous mangeons et échangeons, au son d’une guitare que les guides jouent entre une gorgée et l’autre de Tanduay : les champs Élysées ! Ils entonnent les champs Élysées ! Nous ne savions pas que Batad était français à ce point ! À neuf heures trente tout le monde est couché… le marchand de sable ne va pas tarder à passer… nous nous endormons bercés par les ronflements de notre voisin de chambre … les doigts toujours croisés pour un rayon de soleil ou une tranche de ciel bleu le lendemain …

Marches à Batad
Depuis le haut de Batad, du côté du Hillside inn (la photo ci-dessous est prise de là), allez voir la cascade Tappiyah. Rendez-vous à l’opposé de l’amphithéâtre et, depuis le point référencé sur la photo (flèche "sari-sari, vers cascade Tappiyah), descendez les hautes et innombrables marches qui vous mènent jusqu’à elle …

Remontez ensuite les escaliers et prenez sur la droite. Une autre ascension vous attend … jusqu’au point le plus haut (il y a plus haut en suivant les escaliers à flanc de rizière mais attention par temps de pluie - danger !) de l’amphithéâtre référencé sur la photo (flèche sari-sari, haut de l’amphitéâtre, vers Cambulo). C’est également de là que part le sentier vers Cambulo (+/- 2 heures de marche en suivant le chemin) comme l’indique la pancarte (voir autre photo). Une petite maisonnette, un sari-sari, vous permettra d’acheter de quoi boire ou grignoter.

Après être monté au point le plus haut de Batad, rentrez par le haut de Batad, le haut des rizières : à partir de la petite maisonnette/sari-sari descendez les escalier et prenez la deuxième rizière sur votre droite. Une belle marche retour vous fera découvrir un autre point de vue des rizières. Vues de haut, elles ne perdent rien de leur splendeur …




Acte 3 : Cambulo et Pula

le Pinikpikan - ce poulet que l’on bat avant de tuer, afin que sa chair se gorge de sang, procédé qui la rendrait plus savoureuse … nous sentons sous nos doigts du poulet que l’on dépèce, la dureté d’une chaire qui s’est surement raidie sous les coups assénés à la façon Pinikpikan. Nous découvrons la délicatesse en préférant penser que le poulet est vigoureux “car ici il court, en totale liberté” (ce qui est plutôt vrai).

Pendant ce temps nos hôtes mangent à même le sol, dans un recoin de la pièce, dans une indifférence déroutante, comme si nous faisions partie des meubles… Le couvre feu somme vers 20h30. Nous voilà au lit de plus en plus tôt. Avant de nous coucher, depuis l’intérieur de nos chambres mitoyennes, nous imaginons des scènes surréalistes et nous endormons en nous tordant de rire … qu’il est bon l’air de la montagne !


Acte 4 : Pula à Banaue

Le dernier acte nous met encore plus à l’épreuve. Il pleut à verses et le terrain est en grande partie boueux. Sur la route, nous croisons une multitude de randonneurs pour lesquels le trek vient à peine de commencer. Contrairement à nous, ils le font dans le “bon sens” : de Pula à Batad. Très vite, marcher dans la boue devient un véritable défi : nos pieds s’enfoncent, nous glissons. Nous avançons dès lors accrochés à nos bâtons, les yeux au sol et couverts tant bien que mal pour se protéger de la pluie. Quatre à cinq heures de marche nous séparent de la fin du parcours. La cadence est élevée car un jeepney devrait passer sur le coup de midi, si nous le ratons, nous sommes bons pour faire à pied les huit kilomètres qui nous sépareront de Banaue … NON MERCI !

Les paysages que nous traversons sont très différents aujourd’hui. Après quelques kilomètres nous quittons les rizières et nous entrons dans une jungle humide. Une végétation luxuriante nous entoure. À flanc de montagne, les vues sur la jungle qui dévale de généreuses pentes sont impressionnantes. Des éboulements par-ci par-là nous rappellent que nous sommes bien vivants et que nous voulons le rester !



La bonne humeur de Sylvain et l’enthousiasme de Marley nous aident à oublier l’effort qui devient éprouvant après trois jours de marche et de confort relatif. Le paysage à nouveau nous console. Sur cette dernière portion de route : pas de sari-sari improvisé, pas de vendeur d’eau, de snacks ou autres : nous nous nourrissons de nos râles, de notre hâte d’arriver et de notre imagination débordante “un double cheeseburger, non une pizza … ou une raclette, ce serait bon là une raclette … une fondue ? … ok va pour une fondue … on pourrait demander à Zelie, elle en fait peut être …” Plus de choco-mucho ou tout autre friandise, juste un bout de gingembre qui traine dans le sac de soso et le reste du riz d’hier soir que notre guide, prévoyant, a emporté. Une poignée par personne. Nous l’avalons goulument sous le regard interloqué de nos compatriotes rencontrés à Cambulo (aux sacs-à-dos “chargés de plus que le nécessaire”). Ils nous dépassent en trottinant. Un peu trop propres et guillerets pour les conditions dans lesquelles nous avançons depuis trois jours … Dans leur sac, ils n’ont surement rien oublié, eux : des choco mucho en plus grande quantité, du gel douche et des serviettes… Moi je regarde passer mon bâton en grognant intérieurement …

La fin du trek se rapproche enfin et nous sentons le souffle de la civilisation. Le paysage est à présent sculpté par l’homme : des terrassements, des éboulements, des machines de chantier. Vincent, notre guide nous dit que ce sont les travaux pour amener la route jusque Pula. Et quels travaux ! “C’est bien” dit-il. “Ils seront finalement mieux connectés et pourront se réapprovisionner plus facilement à Banaue”. Nous nous déchargeons de nos derniers filtres à penser. Nous ne pouvons les critiquer de vouloir répondre à des besoins de base auxquels ils ont droit, ni espérer les maintenir dans un état de développement primaire qui satisfait notre luxe du dépaysement.

Les dernières centaines de mètres semblent les plus difficiles. Comme si la fatigue ressentie à chacun de nos pas est proportionnelle à la distance parcourue. Sur la route principale, nous rejoignons nos compatriotes de Cambulo aux sac-à-dos “peut-être trop chargés mais mieux équipés”, un peu plus propres que nous mais plus si propres que ça, et, finalement, moins guillerets. Ils attendent leur jeepney pour rentrer sur Banaue. “Demandez-leur de rentrer avec eux si vous ne voulez pas marcher jusque Banaue” nous informe Vincent notre guide …

… “Euuuuuh … nous on l’a déjà payé le jeepney, on l’a privatisé donc je ne crois pas que vous pourrez l’utiliser” Je me dis que c’est le moment de promouvoir mon bâton de marche en lui conférant une nouvelle mission et des fonctions plus opérationnelles. Pendant ce temps, les garçons s’adressent directement au chauffeur du jeepney dont les yeux, en nous voyant, s’illuminent des pesos supplémentaires que notre transport lui permettra de gagner. Sur une musique de fond un peu entêtante de remarques insistantes qui tournent maintenant en boucle “non mais, nous l’avons réservé pour nous ce jeepney” … nous prenons finalement place à bord du bolide.

Sur la route du retour, nous nous arrêtons une dernière fois pour admirer les belles rizières aux murets de terre de Banaue, avant de terminer le trajet sur le toit du jeepney.

Le paysage défile, vertigineux.
Nous l’admirons une dernière fois du haut de nos premières loges un peu bancales.
Tout le reste nous importe peu.
La pluie, le vent, la faim, la fatigue, les cahots du bolide sur la route sinueuse.

Dans notre sac à dos, nous ne gardons que les images qui nous re-connectent généreusement à la beauté du monde.


Amicalement,
So (de Les Escapades de So and Zo)

Merci pour cette belle contribution soandzo !
Votre carnet de voyage a été sélectionné pour figurer dans la rubrique Carnets de voyage.
Nous y avons rassemblé les meilleurs carnets de voyage postés par les membres de la communauté de Routard.com : une vraie source d’inspiration pour vos futurs voyages !

Sabine de Routard.com

Merci ! Cela a été un plaisir pour nous de partager nos souvenirs … à tous les “lecteurs-voyageurs” : n’hésitez pas à nous poser des questions car, amoureux des Philippines, nous venons juste d’y atterrir à nouveau (… pour un plus long voyage cette fois-ci) et nous serions heureux de pouvoir partager notre expérience. Amicalement, soandzo

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