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Artisanat

Les chevaliers de la porcelaine

En sortant du musée Adrien-Dubouché de Limoges, vous regarderez la porcelaine différemment. Et vousaurez le tic local : retourner les assiettes pour vérifier la griffe... Hermès et Taittinger font fabriquer ici : la porcelaine est un art.

Les Chinois le pratiquaient dès le VIe siècle, en faisant cuire à 1 400 °C une argile très pure - le kaolin -, mais nul, en France, n'en découvrit le secret avant 1761. Une brave dame de Saint-Yrieix lave son linge avec une argile blanche. On l'analyse : c'est du kaolin. Un faïencier limousin va en tirer de belles porcelaines. Turgot fait de l'entreprise une manufacture royale. Mais ce n'est encore qu'un artisanat de luxe.

Pour l'ériger en industrie, la dynastie Haviland lui ouvre l'Amérique - autant dire le monde. Les impressionnistes dessinent pour eux (Monet crée un service Giverny), et leurs produits, d'une élégance aussi extrême que ceux de leur concurrent Pouyat, sont offerts aux présidents américains.

Au début du XXe siècle, plus de 130 fours illuminent Limoges. Il n’en reste que 4 aujourd’hui. Parce que depuis les années 1980, la porcelaine de Limoges est en crise. Et pour ancestrales que soient ses techniques, elle n’échappe pas à la mondialisation : certaines sociétés, rachetées par de grands groupes, n’hésitant pas à commercialiser sous le nom de marques historiques des porcelaines fabriquées bien loin du Limousin...
Les grandes maisons, Bernadaud, Royal Limoges, Raynaud ou Haviland se portent plutôt bien, merci ! Et, comme d’autres, moins célèbres, elles font assaut de créativité en collaborant avec grands noms de l’art contemporain comme jeunes designers.

Autre bonne nouvelle, la porcelaine de Limoges bénéficie d’une IGP (Indication géographique protégée) depuis fin 2017. Il s’agit d’ailleurs d’une première pour les produits manufacturés

Du fil à retordre

Les Sarrasins, maîtres ès carpettes, auraient-ils musardé en Limousin ? Les Belges évoquent l'épouse flamande d'un comte local. Une chose sûre : le Limousin regorgeait de moutons et les premiers ateliers connus remontent au XVe siècle. Limoges, Bellegarde, Felletin et, surtout, Aubusson vont concurrencer Paris et les Flandres.
Moins délicates, moins coûteuses aussi, leurs tapisseries (dites à « basse-lisse » - métier horizontal -, par opposition à la « haute-lisse » - métier vertical - des Gobelins) multiplient verdures et feuillages et enchantent les nobles locaux.

Les « cartons » (dessins-patrons) s'inspirent de gravures pieuses, de l'histoire, des mythologies. Quand Colbert les promeut Manufactures royales, ces ateliers exportent en Europe de l'Est.
Au XVIIIe siècle, ces « harpistes de la laine » se contentent de recopier des tableaux. Le XXe siècle les démode. Ses vastes compositions bariolées, son bestiaire à la Cocteau révisé Vatican II font sourire aujourd'hui. La greffe fit long feu.

Émaux

Limoges n'a pas attendu la porcelaine pour régner en maître sur les arts du feu. On ne sait si saint Éloi, son évêque orfèvre, perça les secrets de l'émail, ou si la technique provient des Arabes, mais dès le XIIe siècle, toute une floraison d'émaux sur cuivre surgirent près du tombeau de saint Martial. Presque toute l'émaillerie française fut longtemps limousine.
Une technique nouvelle, le champlevé, les extirpe assez vite des carcans du cloisonné : des creux sont ménagés dans la plaque de cuivre afin d'y recevoir l'émail. Les châsses de l'époque ressemblent à des coloriages d'enfants, aux tonalités franches et douces. Elles représentent des saints, des scènes de martyres... À la Renaissance, des scènes mythologiques prennent le relais et les couleurs font souvent place au gris fumé.

Après une longue éclipse, l'Art nouveau et les arts décoratifs vont rendre à l'émail ses lettres de noblesse, inaugurant une tradition nouvelle dont l'éclat perdure aujourd'hui. Et preuve de la vitalité de ce savoir-faire porté par une nouvelle génération d’émailleurs, il vient d’être inscrit à l’inventaire national, une étape indispensable pour viser ensuite le classement au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

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