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Fondations de la ville de Strasbourg

Si les guides de l’office de tourisme incitent les visiteurs à se rendre d’abord au pied de la cathédrale, c’est autant pour saluer l’importance du monument en lui-même que son emplacement : difficile de trouver mieux pour commencer à vous narrer l’histoire de Strasbourg puisque c’est ici, autour de la cathédrale, que s’étendait la première ville de garnison romaine.

À ce site carrefour déjà occupé à l’âge du bronze ancien, les Romains découvrent vers 12 av. J.-C. des qualités stratégiques. Ils construisent un camp, Argentoratum ; camp qui gagne en importance mais dont il ne reste plus que ruines au début du Ve siècle après les passages successifs de Germains et d’Alamans quelque peu chahuteurs.
À partir de 496, les Francs, maîtres de l’Alsace, font ressurgir une nouvelle ville, Strateburgum (« ville forte des routes »). Fort modeste au départ, le bourg s’affirme sous le règne des Carolingiens comme le carrefour des civilisations rhénanes.

Strasbourg est l’une des premières villes à se débarrasser de la tutelle des évêques, la bourgeoisie commerçante s’affirmant comme le vrai pouvoir. La construction de la cathédrale va de pair avec une prospérité grandissante.

L'âge d'or et l'âge de raison

Les XVe et XVIe siècles représentent l'âge d’or d'une ville qui s'enthousiasme dès 1519 pour la Réforme. La messe est carrément abolie à Strasbourg le 20 février 1529 et la ville accueille, venus de toute l’Europe, de nombreux protestants comme Calvin fuyant les persécutions.
Au XVIIe siècle, Strasbourg connaît un certain déclin, mais échappe aux destructions de la guerre de Trente Ans grâce à une habile politique de neutralité.

En 1648, par le traité de Westphalie, l’Alsace devient française, à l'exception de Strasbourg et de Mulhouse. Isolée, la ville ne tarde pas à passer côté français. C'est fait en 1681. Et elle y gagne plus qu'elle n'y perd. Car si la cathédrale revient au culte catholique, Strasbourg conserve sa religion, son université, ses institutions, ses droits, etc. Vauban se hâte de doter la ville d’ouvrages défensifs.

Strasbourg devient un modèle de coproduction franco-allemande au niveau culturel. Le XVIIIe siècle symbolise ce syncrétisme intellectuel. La réputation de l’université y attire Goethe et Metternich ; Mozart y donne des concerts. Sur le plan architectural, la ville se couvre de prestigieux palais et édifices publics. En un siècle, la population double. Les idées du Siècle des lumières y trouvent, bien entendu, un terreau favorable, Beaumarchais s’installant à Kehl pour éditer l’œuvre de Voltaire.

La Révolution française

À la Révolution, Strasbourg devient très vite républicaine. Cela se gâte en 1792 avec la déclaration de guerre à l'Autriche.

Cette déclaration de guerre va surtout radicaliser la Révolution à Strasbourg. La Terreur frappe à Strasbourg comme partout en France. La plupart des institutions séculaires de la ville disparaissent, à l'exception de l'Œuvre Notre-Dame.

Le XIXe siècle et la question identitaire

Avec Napoléon, Strasbourg retrouve opulence et prospérité grâce au blocus continental et à sa position centrale dans la stratégie de conquête européenne de l’Empereur. Le français remplace l’allemand dans les actes de la vie publique. L’université retrouve tout son lustre du XVIIIe siècle. Restauration des Bourbons, monarchie de Juillet, révolution de 1848 : les soubresauts de l’Histoire n’entament pas la nouvelle prospérité de Strasbourg.

Mais l'unification de l'Allemagne progresse, et les rumeurs de conflit s'amplifient. En 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse pour stopper son expansion. Au final, la Prusse y gagnera... l’Alsace et un pan de la Lorraine.
Strasbourg assiégée reçoit 202 000 obus prussiens. La ville, qui avait échappé aux terribles destructions de la guerre de Trente Ans et des sièges de 1814-1815, perd des centaines de maisons, dont l’inestimable bibliothèque et ses milliers de manuscrits, ravagés par les flammes.

Ce faisant, beaucoup de Strasbourgeois optent pour la France. Le nouveau conseil municipal de 1871, francophile, est dissous et la ville administrée directement par le Reich. Pourtant, la germanisation de Strasbourg ne s’effectue pas à marche forcée. En 1886, ses habitants retrouvent le conseil municipal et le maire, Otto Back, qui dirigeaient auparavant la cité. Ce dernier lance de grands travaux d'urbanisme. La ville connaît une réelle expansion économique.

Alsaciens de souche et Allemands importés vivent côte à côte, sans intimité exagérée. Jusqu’en 1914 se maintient toutefois une agitation culturelle francophile et, à la veille de la guerre, on constate un net raidissement de l’Administration allemande. La guerre elle-même ne touche pas Strasbourg.

L'entre-deux-guerres

Le 22 novembre 1918, les troupes françaises s'offrent une entrée triomphale dans Strasbourg. Pourtant, rapidement, les gouvernements français vont commettre bourde sur bourde : réimposition de la langue française, tentative de suppression des lois concordataires, hypercentralisation administrative, application dogmatique de toutes les lois de la République. Ces maladresses favorisent la montée des idées autonomistes, avec même un début de guerre scolaire.

En 1939-1940, Strasbourg est évacuée, et beaucoup de ses habitants sont envoyés dans le Périgord. Cependant, la ville n'est quasiment pas bombardée lors de l'offensive de juin 1940. Après l'arrivée des nazis, au contraire de 1871, Strasbourg connaît une germanisation forcenée.

En août et septembre 1944, la ville subit de violents bombardements... américains. La vieille ville n'est pas touchée dans sa structure.

Le 23 novembre 1944, les chars de la 2e division blindée, fonçant depuis Saverne, réalisent sa promesse.

Une métropole européenne aux multiples visages

En 1949, du fait de sa situation géographique et de son histoire, symbole de la réconciliation, Strasbourg est choisie comme siège du Conseil de l'Europe par les 10 États fondateurs.

1 an plus tard, Strasbourg accueille la Cour européenne des Droits de l'homme. Puis, en 1952, la Communauté européenne du charbon et de l'acier ; en 1969, l'Institut des Droits de l'homme ; en 1972, le Centre européen de la jeunesse. En 1979, le Parlement européen est élu pour la 1re fois au suffrage universel.

Le quartier européen, créé de toutes pièces à partir de la fin des années 1970, est posé comme un satellite à l’orée d’un ancien village de maraîchers, La Robertsau, devenu banlieue chic de la ville. Un quartier européen qui intrigue les visiteurs, à défaut de les fasciner comme « la Grande Île » ou la Neustadt, ancien quartier impérial allemand, tous 2 aujourd’hui inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Strasbourg, disait Le Corbusier, est « une ville qui a bien grandi ». Plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Strasbourg est vraiment devenue une métropole européenne dont la dernière ligne de tramway permet désormais, depuis 2017, de rejoindre Kehl, en Allemagne.
Ville culturellement très riche, Strasbourg entend préserver son patrimoine sans figer l’espace. Son label « Ville d’art et d’histoire » consacre d’ailleurs, depuis 2013, la réappropriation par les habitants de l’architecture et du patrimoine de leur ville jusque dans des quartiers dits jusqu’alors périphériques.

La reconquête du Rhin

Aujourd'hui de nouveaux quartiers transforment la ville, poussant de plus en plus vers le sud, mais aussi vers le nord-ouest et vers l’est, annonçant la création dans les années à venir d’une agglomération sans voitures ou presque, où les moyens de transport nouveaux permettront à nombre d’habitants de rejoindre à vélo ou en tram leur lieu de travail en vivant dans des banlieues vertes.

Il suffit aussi de passer le pont, celui du Rhin, si l’on est en voiture, ou la passerelle des Deux-Rives, si l’on est cycliste ou bon marcheur, pour rejoindre en quelques minutes la rive allemande.
Quant à la nouvelle ligne de tram, elle permet de relier Kehl au centre de Strasbourg en enjambant un nouveau pont sur le Rhin.

Rien de plus facile depuis Strasbourg que d’aller prendre l’air côté Allemagne et faire une marche dans la Forêt-Noire, avant de partager un dessert du même nom, dans une auberge hors du temps. Ou même d’aller en bus rejoindre le plus grand parc d’attractions d’Allemagne, Europa-Park (pour ceux qui arrivent en voiture, accès direct depuis Rhinau, dans le Ried).

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