En ouaz, vers Tsulut
David Giason

Trois chiens se battent pour jouer, des aigles planent autour d'eux. Il pleut. C'est ma première pluie depuis Pékin, en octobre dernier. Tout près serpente un magnifique canyon, dessiné par la glace. D'immenses blocs fondent à grosses gouttes, certains se détachent de ce mini-inlandsis et se fracassent dans l'eau émeraude. Des reflets d'agate ondulent à mesure que vibre la rivière renaissante. Ce lit de gel va-t-il vraiment fondre avant que l'hiver ne revienne ? Je suis arrivé là en ouaz, bien sûr, puisqu'il n'y a presque que ça qui circule. La jeep russe, c'est rigolo. On la démarre souvent à la manivelle. Faut ajouter de la graisse et de l'eau toutes les vingt bornes. Soulever le capot, regarder ce qui coince dans ce moteur de tondeuse à gazon. Tout le monde sait réparer ces vieilles soviétiques. Dans les ex-pays du bloc, les garagistes étaient des gens inutiles. C'est la boîte de métal motorisée qui avance le plus facilement ici, bien mieux que n'importe quelle française ou japonaise, avec leurs électroniques délicates et compliquées. Elles ne feraient pas cent bornes sur une piste mongole. Disons que le ouaz, lui, a plus de tenue dans la durée. Le truc, c'est qu'on ne peut pas casser grand-chose.

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Texte : David Giason

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