Cambodge : des berges du Mékong au Ratanakiri, pays des terres rouges
Villages Cham et Chhlong, la belle coloniale oubliée
Après avoir convaincu le patron de l’hôtel qu’on préfère les pistes du Mékong au macadam de la nationale qui pénètre dans les terres, il nous suggère de rester sur la rive de Kompong Cham jusqu’au bac de Stung Trong. La journée sera riche en variations, alternant d’étroits chemins bosselés, parfois ombragés, à de larges bandes de latérite sur digues. Après trente kilomètres, le Phnom Hanchey Resort occupe le sommet aplati d’une colline qui s’élève au débouché d’un pont métallique. Au Cambodge, le terme « resort » est plus couramment utilisé pour les sites naturels et culturels que pour les hébergements. Un vieux stupa en ruine, des temples et pavillons récents, le splendide panorama à 180° sur le Mékong et les boissons à dispo incitent à une pause sereine.
Sept kilomètres plus loin, un gros village Cham nous rappelle que la majorité des membres de cette ethnie habitent la province dont le nom signifierait d’ailleurs « point d’accostage des Cham ». Ce peuple austronésien (comme les Malais), autrefois hindouiste et puissant, entretint une guerre quasi perpétuelle contre ses voisins avant de perdre à jamais son royaume centré dans l’Annam. Ces faits d’armes font l’objet de célèbres bas-reliefs angkoriens. Convertis à la religion musulmane à partir du XVIIe siècle, les Chams sont aujourd’hui assez déshérités, après avoir énormément souffert sous les Khmers Rouges. Jusqu’à Kratie, d’autres villages photogéniques de cette communauté enrichiront l’itinéraire.
Une trentaine de kilomètres après être passé sur la rive opposée, des paillotes garnissent la berge du village de Chumnik, au niveau d’un temple. Parfait ! Vingt kilomètres plus loin, une rangée de grands arbres annonce le délicieux bourg fluvial de Chhlong. Dans cet ancien comptoir du commerce du bois, des hommes s’imprégnaient autrefois d’une dernière bouffée de civilisation avant de pénétrer dans le « Haut Chhlong » (Mondolkiri) peuplé de tribus hostiles. La rue de la berge, dissimulée, court parallèlement à la route, entre un temple et un confluent majestueux. Malgré, ou peut-être à cause… du délabrement des quelques villas et compartiments chinois à arcade d’époque, on atteint ici un des climax du Cambodge colonial.
Pour prolonger l’expérience, on peut faire étape au Relais de Chhlong. Il faut tendre le cou pour apercevoir cette stupéfiante demeure par-delà de hautes haies. Datant de 1916, elle n’est pas l’œuvre de quelque administration ou colon notable mais de marchands chinois, traditionnels compagnons de fortune des Français. Son histoire récente reflète celle du pays : QG khmer rouge endommagé par une bombe américaine, siège temporaire du « libérateur » vietnamien, abandon, squat et reconversion hôtelière.
- Intro
- En route vers la queue du Dragon
- De Phnom Penh à Kompong Cham
- Villages Cham et Chhlong, la belle coloniale oubliée
- Kratie, Stung Treng et les dauphins
- Banlung, capitale d’une province sans bitume
- Tourisme éco-responsable contre cupidité des hommes
- Balades et treks au Ratanakiri
- Infos pratiques
- Notre itinéraire
Texte : Dominique Roland
Mise en ligne :