Cap au Nord
La routine d’une traite poursuit
Le temps sur le tracé du bitume.
Une pause sommeille à la plage.
Le lendemain un trajet de grisaille
Roule la pluie au goutte à goutte ;
L’arrivée au Gros Morne la tarit.
Au Gros Morne
La Cabane perd le fil de la voie.
L’écureuil matinal réveille le seuil.
Comme les couleurs d’un lupanar,
Des kyrielles de lupins tapinent
Sur le délaissé des bords de route ;
Leurs épis dressés ne loupent pas
Les coups de blues. La mise à pied
Foule le point de vue du pré boréal.
Un plateau sec disserte sur l’aridité
D’une terre originelle à nue*. Un
Étang pondère sa rivalité passagère.
Les iris irisent les prairies humides,
Des orchidées flirtent avec virginité
Sous des calices nouveaux venus.
En haut, le dos rond du Gros Morne
S’étrangle dans un goulet d’éboulis,
La marche effleure les sarracénies,
Une famille de lagopèdes s’éparpille
Dans un puzzle de mares enlacées,
Landes et rocailles paradent. Des
Bois originaux favorisent la potion
A poudre d’escampette où l’orignal
Fugace se cache. La fin de journée
Tourne une page au coin du dortoir.
Un autre jour, la girolle ramasse
L’omelette. Les chutes du sentier
Vagabondent, une chenille mange
La forêt pétrifiée où un sent-bon
De diversité florale pique les yeux.
Les mousses fondent en tapisseries
Devant les aulnes. Les bosquets
Tordus dansent le twist près de
La rivière qui coule en cascade.
Cette piste charrie le boulanger de
L’étape, tombé dans le panneau.
Une Berce s’acquitte du bercail. La
Maison de lumière joue à l’aveugle.
L’Anse aux Méduses*
Sur la côte du vieux rivage français,
Anses, criques, étangs, ruisseaux,
Baies, homme mort, sans nom…
Lancent un défi à la longue liste
Du pense-bête. Le Motel perdu
Fausse l’impression. Une colline
Surprise voit défiler les premiers
Blocs glacés de l’allée des icebergs.
Ce temple aquatique trace des runes
Aux colonnes flottantes en ruine.
Là, des cannelures dégoulinent en
Ruisselant sur les pages blanches.
La promenade en mer tourne la tête
Autour de la veine bleue des terres
Vertes*. Les turquoises de la part
Immergée pataugent sous la vague.
Frêle esquif contre gel millénaire,
Le vaisseau hésite sur la houle qui
Bascule dans des sautes d’humeur.
Là, des baleines jouent au planton.
On reste médusé au creux de l’anse
Qui pointe le doigt vers ailleurs.
Une boucle bouclée se donne en
Mille : la saga du peuple du nord
Vient croiser le fer dans la contrée.
Un vestige de village de briques
De tourbe et de broc bâtit le clou
Du spectacle qui raconte sous le
Tumulus, la légende tumultueuse
Un jeune esclave sert de chauffe-lit.
La fière statue en pied se bronze.
Les pas spongieux rendent gorge.
Ici, la plate-bière, cette mûre des
Marais fleurit sur le lichen blanc :
Un port se déporte de pécheurs à
La bourre. L’escalier guette l’escale
D’une pause pour gonfler la voile.
Au Labrador
Le traversier de Saint-Barbe frise
L’air côtier d’une dérive portugaise.
A Blanc-Sablon, la routine chipote
Les miles à la route Chicoutai.*
Une oursonne tanne ses oursons
Polissons. Le ciel gris colle des
Reliefs de nuages aux paysages
De la démesure. Ici, dame nature
Se met au vert. Un torrent se jette
A l’eau sous un pont des soupirs.
La pelouse tondue ras s’émousse.
L’herbe bleue embrouille la brume.
Les maringouins font les margoulins
Devant le filet à la tête du chapeau.
Des teepees typiques sèchent du bois.
Un traîneau se traîne avant l’hiver.
Le chien de prairie reste aux abois.
Des troupeaux de rochers au pelage
Animal paissent dans les prairies.
Le panel des graines varie plus que
Dans le Berry. La piste s’allonge et
Les graviers crépitent de poussière.
De gré ou de force, la roche se met
A nu dans la baie rouge*. Un musée
Fantasque expose une baleinière et
Sa chaloupe basque naufragées.
Des cétacés suffisants pataugent
Dans la fosse d’un doigt de mer.
Leurs queues tapent l’éclaboussure ;
Ils valsent dans une gerbe d’écume.
L’os de baleine joue aux dés pour en
Découdre. Des fanons gonflent les
Robes. Le phare de Point Amour
Écorne le brouillard que des pièces
D’épaves effarent en chapelet.
En Randonnée, l’astragale fête le
Départ, la tête dans les étoiles.
On rebrousse le chemin à l’envers,
Un ruisseau du coin*s’érode dans
Le bout du bras de mer où un
Site perdu tente le bivouac. D’un
Trait, le sentier se hérisse à travers
Le passage tronqué de la sapinière ;
L’épine des pins embaume. Port au
Port franchit le cap d’une péninsule
Aux ancêtres de France. Le poisson
Se fiche de l’assiette des pêcheurs.
La boucle se loupe la bonne vue
Devant le rocher aux macareux qui
Se multiplient avant leur migration.
* Redbay
- tableland
*en anglais : l’anse aux Meadows
-
Groendland : Green land en anglais
-
Nom Innu des plate-bières
* Corner brook