Bonjour à tous,
La fin de l’hiver approchant, je publie ce carnet de voyage afin de partager une expérience simple mais mémorable que j’ai vécue à vélo le long du canal des Deux-Mers. Ce carnet est destiné notamment à tous ceux qui envisagent d’aller rouler par là-bas dès le retour des beaux jours. Le cadre nature de ce site est particulièrement adapté au cyclotourisme, loin, tellement loin des voitures…
Le canal des Deux-Mers relie l’Atlantique à la Méditerranée, de Royan à Sète ou inversement. Pour aller d’une mer à l’autre, on longe successivement la Gironde, le canal de Garonne et le canal du Midi.
Sillonner à vélo les berges du canal des Deux-Mers, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, permet donc d’en prendre plein les yeux d’un bout à l’autre, dans un joli cadre naturel.
On peut le parcourir en entier (700 km environ) ou par tronçons. Je l’ai arpenté deux fois (j’ai donc mixé ces deux voyages dans le récit qui suit) :
- La première fois, de Bordeaux à Sète, avec un ami et de manière plutôt sportive (570 km en 4 jours, en gravel et bikepacking).
- La seconde fois, de Bordeaux à Montauban avec ma femme, en mode détente (324 km en 4 jours, vélo électrique et sacoches pour elle, gravel et bikepacking pour moi).
Dans les deux cas, nous avons dormi dans de petites maisons d’hôtes, mais il y a également de nombreuses possibilités de bivouac tout le long du canal.
Alors à quoi ressemble ce canal des Deux-Mers pour les cyclotouristes ? Voici mon retour d’expérience sur ce beau parcours cyclable.
LE CANAL DE GARONNE
Pour nous, le périple commence dans notre bonne vieille ville de Bordeaux.
La traversée de la ville est rapide. Roulant sur des pistes cyclables protégées, on sort rapidement de Bordeaux sans vraiment s’en apercevoir.
Peu après Bordeaux, on rejoint la piste Lapébie. Elle s’étend sur 47 km, de Latresne à Sauveterre-de-Guyenne. Il s’agit d’une ancienne voie ferrée reconvertie en jolie piste cyclable.
Elle passe devant d’anciennes petites gares locales, transformées depuis en restaurants, elle nous emmène dans d’anciens tunnels ferroviaires.
Et surtout, elle traverse les jolies forêts du coin ainsi que le vignoble bordelais.
L’itinéraire alterne entre verdure et petits villages de campagne.
A 18 km de Latresne, on peut quitter la piste Lapébie par la droite et rejoindre en quelques minutes le petit village de La Sauve, afin de visiter l’abbaye de La Sauve-Majeure, classée par l’Unesco au patrimoine de l’humanité.
Cette petite merveille du patrimoine roman girondin abrita à son apogée jusqu’à 300 moines bénédictins.
Parmi les autres points d’intérêt qui jalonnent l’itinéraire, notons le château médiéval de Rauzan.
Un peu plus loin, on découvre un autre château, viticole celui-là : le château de Lavison.
On avait quitté la Garonne à Bordeaux, c’est 67 km plus loin qu’on la retrouve, à la sortie de La Réole (précisément à Castets-en-Dorthe). La Réole est un petit bourg fortifié (4.000 habitants) qui bénéficie du label national Ville d’Art et d’Histoire.
Le tronçon du canal de Garonne qui commence ici est certainement le plus beau et le plus agréable jusqu’à Sète.
C’est sur cette portion qu’il m’arrivera pourtant une mésaventure rare : quatre crevaisons successives sur à peine 75 bornes !
Pendant que je remplace ma première chambre à air au bord de l’eau, mon pote me crie « attention, un serpent » ! Je crois qu’il plaisante mais non : nous avons pour voisine une jolie couleuvre verte et jaune (ce sont ses couleurs mais c’est aussi son nom commun, Hierophis viridiflavus étant son nom scientifique). Elle nage paisiblement dans la Garonne à un petit mètre de nous. Elle est totalement inoffensive.
J’ai bien fait de crever là, sinon, nous ne l’aurions pas vue !
Par contre, je me serais bien passé des trois crevaisons suivantes…
Sur cette portion ombragée, très agréable à vélo quand il fait chaud car elle conserve une fraîcheur relative, les paysages classiques du canal de Garonne se succèdent.
Notre premier coucher de soleil aura lieu dans un cadre champêtre, à Saint-Laurent.
Parmi les villages traversés où il fait bon faire une halte, citons le Mas d’Agenais.
La particularité de cette petite commune, c’est qu’elle est liée à deux chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art :
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La Vénus du Mas, une sculpture antique découverte dans un champ des alentours il y a 150 ans (et aujourd’hui exposée à Agen).
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Le Christ en croix, un authentique Rembrandt (exposé quant à lui dans l’église Saint-Vincent du Mas-d’Agenais, visible sur la photo ci-dessus).
Lors de notre visite, le Rembrandt a mis les voiles, il se trouve qu’il est temporairement exposé à… la cathédrale de Bordeaux, d’où nous venons justement !
Conclusion : nous sommes venus jusqu’ici pour le voir alors qu’il se trouve actuellement exposé juste à côté de chez nous, à une centaine de kilomètres d’ici…
Un peu plus loin, la petite ville de Tonneins (9.000 habitants) borde la Garonne.
Si elle a souffert historiquement de la guerre de Cent Ans puis des guerres de religions, c’est aujourd’hui une petite cité paisible.
Le canal de Garonne traverse ensuite la « capitale » du pruneau : Agen !
Pour la petite histoire, échaudé par mes quatre crevaisons successives, c’est à Agen que je dégoterai un spécialiste vélo pour acheter des pneus réputés « increvables », les fameux Schwalbe Marathon.
Avant d’arriver à Agen, j’avais rencontré deux autres voyageurs à vélo qui m’avaient donné une chambre à air de secours, au cas où les crevaisons continueraient à s’abattre sur moi ! Dont Tom, un nantais qui pédalait jusqu’à Athènes avec son petit chien. Si par hasard ils lisent ces lignes, je les remercie encore…
Je ne le sais pas encore quand je change mes pneus, mais je roulerai 18.000 kilomètres avec eux au cours des deux années suivantes sans jamais crever, pas même une seule fois. Un bonheur après mes quatre crevaisons en 75 kilomètres du début de ce périple…
Le slow tourisme continue le long de ce canal qui a toujours une belle vue à offrir aux cyclistes de passage.
Quelques tours de pédales plus loin se trouve un autre petit village agréable : Donzac (1.000 habitants). Il est à l’image de la plupart des villages que l’on traverse le long de la Garonne : calme, paisible, et où il fait bon s’arrêter pour visiter, flâner, se restaurer…
En poursuivant sur les berges du canal, on arrive ensuite à la centrale nucléaire de Golfech. C’est vrai qu’elle détonne un peu dans son écrin de nature.
Plus loin arrive une étape qui est sans doute incontournable : Moissac (12.000 habitants).
Le joyau du village, c’est son abbaye Saint-Pierre, classée avec son célèbre cloître au patrimoine de l’Unesco (sous le titre des chemins de Compostelle). Notamment, son vieux portail de 1130 est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture romane.
23 kilomètres après Moissac (et 47 kilomètres avant Toulouse), on arrive à Montech : c’est là qu’il faut suivre la bifurcation vers la gauche si l’on veut rallier Montauban, qui est la première « grande » ville (60.000 habitants) que l’on traverse depuis longtemps sur le canal de Garonne.
Cette cité médiévale à l’histoire riche regorge de sites à visiter.
Si l’on ne fait pas ce détour vers Montauban depuis Montech, alors il ne reste plus que 47 kilomètres à parcourir pour arriver à Toulouse.
LE CANAL DU MIDI
La ville rose marque à la fois la fin du canal de Garonne (280 km depuis Bordeaux) et le début du canal du Midi (260 km jusqu’à Sète).
Immédiatement après Toulouse, le canal du Midi s’avère aussi agréable que le canal de Garonne. Après 37 kilomètres, on arrive encore dans un joli petit village (décidément…) : Gardouch.
Puis juste avant d’arriver à Castelnaudary, le bitume de la piste du canal des Deux-Mers disparaît définitivement. Il est remplacé par des petits chemins de pierres et de terre qui nous accompagneront jusqu’à l’arrivée : désormais, fini le confort !
NDLR Depuis que ce voyage a été réalisé, une bonne partie des chemins entre Castelnaudary et Sète ont été refaits, ou sont en passe de l’être.
C’est vers là que se situe le point le plus stratégique du canal des Deux-Mers : le seuil de Naurouze. C’est à la fois le point culminant du canal et la ligne de partage des eaux. En d’autres termes, à partir d’ici, l’eau descend : d’un côté vers la Méditerranée et de l’autre, vers l’Atlantique.
L’avantage, c’est qu’on évolue maintenant sur des petits chemins natures qui sont le plus souvent isolés et déserts, contrairement à la piste bitumée qui est assez fréquentée par les cyclotouristes, les promeneurs et les joggeurs depuis Bordeaux. C’est un peu plus tape-cul mais bon, c’est tellement nature…
Sur cette portion jusqu’au seuil de Naurouze, on longe pendant un petit moment… l’autoroute ! Ce n’est pas la partie la plus agréable mais elle ne dure pas très longtemps.
Je ne l’ai pas encore évoqué ici mais l’un des paysages typiques et qui revient sans cesse sur le canal des Deux-Mers, ce sont bien sûr les écluses : il y en a plus d’une centaine tout le long du canal sur plus de 500 kilomètres (66 pour le canal de Garonne et 63 pour le canal du Midi).
190 kilomètres après avoir découvert la capitale du pruneau à Agen, nous atteignons celle du cassoulet : Castelnaudary !
L’avantage du canal des Deux-Mers à vélo, c’est donc qu’après avoir brûlé plein de calories à coups de pédales, on peut en recharger plein d’autres à coups de fourchette…
Plus loin, la nature continue à escorter le canal.
Mais un peu plus loin encore arrive la mauvaise surprise, celle que nous redoutions après avoir épluché le web à propos du canal du Midi. Car à partir d’ici, l’ombre devient de plus en plus rare.
Le coupable ? Le chancre coloré. Depuis 2006, ce champignon ravageur détruit inlassablement les mythiques platanes du canal du Midi, sans qu’aucun remède n’existe.
C’est ainsi que fin 2020, sur les 42.000 platanes du canal, 26.000 avaient dû être abattus. Le paysage devient donc ici plus clairsemé, et la température sur les épaules des cyclistes plus élevée.
Heureusement, pédaler le long de ce canal reste agréable, mais le canal de Garonne compte désormais des paysages plus jolis et surtout beaucoup plus verdoyants que le canal du Midi. Même si le long de ce dernier, ils sont souvent plus sauvages. Chacun ses goûts…
L’un des plus beaux sites à proximité du canal des Deux Mers, c’est Carcassonne et sa cité médiévale.
Idéalement, cette ville incroyable mérite qu’on y fasse une étape, plutôt que de la traverser rapidement.
Le meilleur moment pour la photographier, c’est juste avant le coucher du soleil.
Bon, il y a aussi la ville moderne mais ce n’est pas forcément la partie la plus intéressante à arpenter.
Retour donc sur les hauteurs de la ville, que la cité domine fièrement.
Notre dernière étape, Carcassonne – Sète, est longue normalement de 135 kilomètres environ. Une « petite » erreur de navigation nous contraindra à en parcourir 169, en plein cagnard.
Nous nous retrouvons ainsi à traverser, inutilement et dans les deux sens, un vieux pont SNCF.
Bref, les aléas du voyage à vélo…
En tant que bordelais, nous ne sommes pas dépaysés par la vigne, omniprésente aussi dans cette autre région de vin.
La principale curiosité de cette partie du trajet, c’est le tunnel de Malpas. C’est en effet là que Pierre-Paul Riquet, le concepteur de génie du canal du Midi, décida de creuser la montagne, rien que ça, pour faire passer le canal du Midi dessous !
Pour nous, cette dernière étape se fera sous une chaleur écrasante, avec peu d’ombre et beaucoup de poussière.
Avant :
Après :
Sans compter les moucherons, qui viendront se coller par dizaines à la crème solaire dont nous nous sommes enduits…
Sans transition, en arrivant à Béziers, c’est un autre ouvrage majeur du canal qui attend le visiteur : les neuf écluses de Fonséranes. Le dénivelé est tel (21 mètres) que pour faire passer les bateaux, il a fallu construire toutes ces écluses les unes après les autres.
Un peu plus loin, le solide pont-canal de Bézierstransporte carrément le canal du Midi par dessus l’Orb.
Ayant perdu beaucoup de temps et d’énergie à cause de notre erreur de navigation, nous décidons en fin de parcours de quitter les berges du canal, où les cailloux omniprésents nous ralentissent trop.
Nous terminons donc notre périple par la route, ce qui ne nous permettra pas de voir l’étang de Thau, une petite merveille paraît-il. Dommage.
Après 570 kilomètres parcourus depuis Bordeaux en quatre jours, nous arrivons à l’autre extrémité du canal des Deux-Mers : Sète.
Notre périple est fini, le retour se fera en train…
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Cet article est extrait de notre blog derrière l’horizon
Le meilleur du canal des Deux-Mers à vélo, en vidéo (2 mn)