Voyage au coeur de la Havane
Salsa et dollars
Dès le premier soir, nous apprécions le goût puissant et sucré du café cubain dans une petite cafétéria de la vieille Havane, le quartier historique de la capitale. La nuit est courte et c'est un air de reggae qui vient de la rue qui nous réveille le lendemain. Plus tard, ce sera de la musique italienne, dont les Cubains semblent particulièrement friands. Dans un bar où nous prenons nos habitudes, une chanteuse de tango émouvante, Ketty Angel, nous dédicace une chanson qui parle de Paris et de l'amour. Elle voudrait tellement chanter en français La vie en rose, Les feuilles mortes. Cette femme me rappelle un petit peu les films de Pedro Almodovar. Une femme belle et triste.
Mais la musique, c'est aussi bien sûr la salsa. Pas un Cubain qui ne sache danser. On peut y voir une manière d'exorciser des conditions de vie difficiles, même si le gouvernement assure le minimum vital. Grâce à la libreta (une sorte de carte de rationnement), les Cubains se procurent pour une somme dérisoire les produits de première nécessité : café, sucre, riz, viande, tabac, allumettes, etc. Toujours avec leur monnaie nationale, ils peuvent acheter fruits et légumes au marché. Cela devient beaucoup plus compliqué lorsqu'il s'agit de produits " d'agrément " : la sauce tomate, le fromage, mais aussi le dentifrice ou le shampooing se payent en dollars. À titre d'exemple, une bouteille de jus d'orange coûte 1,50 dollar, quand le salaire moyen atteint difficilement les 10 dollars par mois.
L'essentiel des échanges se passe donc au marché noir, qui représente une part extrêmement importante de la vie des Cubains. On s'y procure des cosmétiques, des vêtements, des disques, du rhum, et toutes les choses qu'un salaire local ne suffit pas à payer dans le cycle légal de l'économie.
La dollarisation mine Cuba et pourrait bien la mener à sa perte. Pourtant la " cubanité " existe encore, et nous l'avons rencontrée. Une culture unique au monde, insulaire et métissée dans une île qui est un gigantesque mélange de couleurs, de sons et de gentillesse.
De grosses américaines splendides, bleues, rouges, jaunes, une ambiance Buena Vista Social Club au coin de chaque rue. Mais aussi du Coca, des Lucky Strike, de la techno : l'Amérique si loin, si proche.
Texte : Louba Nachba
Mise en ligne :