Parenthèse libanaise
Enfin, les cèdres…
Mais le Liban, ce n'est pas que la mer et la côte. C'est aussi la montagne et l'intérieur des terres, les cèdres et les palais arabes. Le massif du Chouf, au sud-ouest de Beyrouth, abrite quelques splendeurs, comme le village de Deir Al-Qamar et son palais de Fakhredine, ou Beitedine. La montagne y est belle… Un ancien palais reconverti en hôtel de luxe et de charme nous accueillera le temps d'une bière (eh oui, encore !) dans un décor de mille et une nuits, où nous détonnons un peu. Pas tout à fait assez bien sapés, en fait ; ce qui ne nous empêchera pas de profiter de la cour, magnifique, ceinte d'arcades bicolores ; la pierre ici alterne ses veines jaune doré et son brun caramel mat pour souligner les subtilités de l'architecture arabe.
Tout cela, comme Saïda, à moins d'une heure de voiture de Beyrouth, et encore un autre monde, le monde druze puisqu'une importante communauté druze habite le Chouf. Silhouettes aisément reconnaissables, avec cette longue veste bleue, et leurs pantalons aux larges plis au niveau de l'entrejambe, leur calot blanc au sommet du crâne et, lorsque l'âge les a rejoints, une barbe blanche de vieux sage. Les villages ont l'air paisible, bien que les chek-points, disparus de Beyrouth, soient encore ici bien présents. Bien sûr, nous ralentissons à leur approche, mais le signe est toujours le même, nous pouvons avancer, pas besoin de nous arrêter ; c'est vrai que nous avons plutôt des petites tronches d'Occidentaux, même si l'un de nous me semble assez brun et typé pour paraître israélien… Et bien visiblement, non. Autre rituel, plus sympa, à chaque fois que nous irons dans le Chouf : acheter des légumes de la montagne, bien moins chers qu'à Beyrouth, et ô combien plus savoureux. Ces tomates…
Mais une question continue de me tarauder : où sont donc les cèdres, les fameux cèdres du Liban ? Eh bien, dans le Chouf, eux aussi, mais un peu plus au nord, et les malheureux ont été tellement décimés qu'ils sont maintenant protégés, avec un statut de réserve naturelle. Après avoir un peu tâtonné (toujours une signalisation approximative), nous arrivons à l'entrée de la plus grande des trois réserves du Chouf, où nous changeons de véhicule : seuls les 4x4 de la réserve peuvent y pénétrer. Et le jeune garde forestier qui nous accompagne, après s'être excusé de ne pas bien maîtriser notre langue, nous explique dans un français impeccable tous les secrets des cèdres, de leur reproduction à leur croissance en passant par leur longévité. Bonne balade en partie en voiture, en partie à pied, pour découvrir ces majestés de la nature. Ils sont innombrables : des jeunes, à peine différenciables pour nos yeux néophytes d'un vulgaire sapin, les vieux, magnifiques, qui déploient leur tente d'épines loin au-dessus de nos têtes, et là encore, la montagne environnante est de toute beauté, dévoilant les couleurs variées de ses strates géologiques. Le Chouf, pour un regard franchouillard, a un petit air de pré-Alpes du Sud.
- Introduction
- Beyrouth entre fantasme et réalité
- L'histoire au coin d'la rue
- Beyrouth'in and out
- La nostalgie de Byblos…
- Entre routes et déroutes…
- Entre pierres et béton
- Une errance de bazar
- Enfin, les cèdres…
- Plongée dans un Sud écorché…
- Beyrouth by foot…
- C'est reparti pour un tour…
- Eh oui, déjà la fin…
Texte : Anne Poinsot
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