Sainte-Hélène, une île de légende
Longwood : la maison-prison de Napoléon
La montée vers Longwood est une épreuve : le vent rugit, l’humidité est pénétrante, le brouillard nous enveloppe à l’approche du domaine. Derrière des barrières vertes, dans un jardin fleuri assez bourgeois, flotte le drapeau français. J’arpente des allées champêtres, des petits bassins couverts de nénuphars dessinés par l’empereur. Longwood House est composée de plusieurs maisons qui se profilent en forme de T.
Je suis saisi par une odeur de renfermé et de moisissure humide, mêlée aux senteurs du bois et des parquets. Comme chez Victor Hugo à Guernesey ou Tolstoï à Moscou, on pourrait croire qu’un Napoléon parti en promenade ne tardera plus à rentrer. Je songe aussi à cette phrase de De Gaulle retiré à Colombey : « C’est ma demeure, ma solitude, de quelle autre se contenter quand on a rencontré l’Histoire ! ». La petitesse du lit impérial, entouré de rideaux verts, où l’empereur a agonisé au début de mai 1821 me surprend. Dans cette pièce sombre s’est achevée une aventure personnelle hors du commun.
Dehors, dans une clairière plantée de bananiers et de fleurs vives, le tombeau vide surprend par sa largeur et la noirceur du fer forgé des grilles. Le lieu est chargé d’histoire et d’émotion. On dit que Napoléon, au cours d’une chevauchée, séduit par la beauté du lieu, se serait écrié : « c’est ici qu’il faudra m’enterrer ». Le 16 octobre 1840, la dalle a été soulevée, libérant la dépouille de l’empereur, afin qu’il soit rapatrié, en grande pompe, aux Invalides à Paris, à la demande du roi Louis-Philippe. Une page de la légende s’est écrite ici, quelque chose s’est accroché au train de l’Histoire, un esprit souffle dans cet endroit biblique.
Fin de promenade à Plantation House, la résidence du gouverneur. C’est là qu’Hudson Lodwe, le « geôlier de Napoléon », contrôlait, organisait, surveillait la vie des Français de Longwood. Retour à pied jusqu’à Farm Lodge. Comme c’est bon de se retrouver seul.
Texte : Bertrand Deschamps
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