Voyage en cargo, sur la route des Antilles
Vocabulaire marin, anecdotes et notions de navigation
- AIS (ou SIA) : acronyme d’Automated Identification System. Système d’échange d’informations entre les bateaux utilisant la VHF. Interconnecté avec les autres instruments de bord (GPS, compas, etc.) il complète l’usage du radar et a considérablement augmenté la sécurité maritime.
- Assistance météo-marine : comme pour la course au large, permet de choisir la route optimale en fonction de la météo, du chargement et de la consommation.
- Babord (anglais : port side) : à gauche en regardant la proue.
- Ballasts : réservoirs permettant d’ajuster le tirant d’eau et la répartition du chargement sur le bateau.
- Boîtes : voir « conteneurs ».
- Bollard : est au quai ce que la bite d’amarrage est au navire.
- Cape (aller à la) : aller quasiment face à la houle. Permet de minimiser le roulis et le tangage et même de faire du sur-place quand c’est nécessaire.
- Carburant, pollution : quelques litres de carburant ou d’huile échappés à quai ou dans les zones protégées et les amendes pleuvent. C’est la grosse angoisse des équipages et des compagnies.
Si l’historique des dégazages et marées noires justifie amplement la rigueur, les marins estiment parfois que les réglementations ne sont pas toujours en phase avec la réalité et, paradoxalement, avec la sécurité des navigants.
- Cargoiste : adepte du « culte du cargo » (voir plus loin). À prendre au figuré dans le texte…
- Clinomètre : mesure le roulis (oscillation latérale), plus dangereux pour le navire que le tangage. Au-dessus de 45°, ça craint !
- Conteneur (container ou « boîte ») : 1 conteneur de 20 pieds (env 40 m3) = 1 EVP (TEU) = unité de mesure des porte-conteneurs. Les énormes capacités des derniers géants des mers sont un poil trompeuses, puisque le fret maritime utilise beaucoup de boîtes de 40 pieds (= 2 EVP). Conclusion : les milliers d’EVP annoncés sont supérieurs au nombre de boîtes embarquées.
- Culte du cargo : définissons-la par une de ses manifestations les plus parlantes.
Pensant que l’arrivée des ravitaillements était déclenchée par l’appel des opérateurs radios, comme on danse pour faire tomber la pluie, des tribus mélanésiennes conçurent des lieux et accessoires de culte imitant ces postes « techniques » : fausses cabines radio, fausses pistes d’atterrissage, etc. !
Cargo culte ponctue l’Histoire de Melody Nelson. Ce concept album issu de la collaboration entre Serge Gainsbourg et Jean-Claude Vannier (1971) est un monument du rock français toujours d’actualité et ayant inspiré une multitude d’artistes.
- Défenses : amortissent les éventuels chocs entre les navires et le quai.
- Déformation (de la coque) : comme les ailes d’un avion battent dans les turbulences, les coques des porte-conteneurs se déforment sous la contrainte de la houle. Par gros temps, les coursives intérieures des navires les plus longs se tordent au point de boucher l’horizon à ceux qui les empruntent !
- Dockers et marine marchande : fatalement liés, ils entretiennent pourtant des relations compliquées et parfois conflictuelles. Demandez à l’équipage quelques anecdotes…
- EVP : voir « conteneurs ».
- Femmes à bord : bien qu’encore peu nombreuses, elles ont accès à tous les métiers de la Mar Mar.
Quant aux passagères, elles sont accueillies avec respect. Sachez qu’un marin peut demander à embarquer avec sa femme une fois l’an (et réciproquement bien sûr), sous réserve de l’approbation du capitaine.
- Garde-rats : ustensile (disque de métal en général) fixé sur les haussières (cordages d’amarrage) pour empêcher les rongeurs de monter à bord. Ou de descendre quand le navire est en quarantaine !
- Haussières : cordage de marine.
- Lapin : prononcer ce mot est proscrit, et il est peu probable que vous en mangiez à bord ! À remplacer par le poétique « langoustine des prés ».
Ce bannissement serait dû à la gourmandise du rongeur pour les cordages et calfatages d’autrefois, à base de chanvre.
- Louvoyer : mode de navigation en zigzag parfois utilisé pendant les tempêtes ou par les voiliers pour remonter le vent. Les Anglais l’utilisèrent pour déjouer le système de prévision de cap, utilisé par les Allemands avant la généralisation du radar.
- Mar Mar : surnom de la marine marchande.
- Pare-vague : bouclier situé sur la proue pour protéger les conteneurs.
- Peau d’éléphant (Elephant Skin) : revêtement anti-glissements.
- Pin-up : à moins qu’il n’y ait une femme dans l’équipage, elles ornent traditionnellement les menus, sauf ceux des passagers.
- Pirates : habitués des côtes africaines, ils sont dorénavant présents dans certaines zones de l'océan Indien.
Rassurez-vous : les compagnies sont vigilantes et assistées par des mesures de prévention. Par ailleurs, il est très difficile d’accoster un gros porte-conteneurs filant à près de 19 nœuds.
- Plan de chargement : établi dans les bureaux de la compagnie, il est soumis à l’approbation du second au nom du capitaine. On surveille particulièrement le poids des conteneurs, donné par les transitaires, il est vérifiable globalement avec le tirant d’eau. S’il est mal chargé, un bateau peut théoriquement casser en deux.
- « Posh » : chic, tendance snob. Surnom de la femme de David Beckham. Datant des traversées maritimes de la fin du XIXe s, il s’agit en fait d’un acronyme : « Port Out, Starboard Home » (« bâbord aller, tribord retour ») faisant référence à cette habitude de modifier sa réservation selon la route du navire, pour (selon les sources), conserver un sabord avec vue sur les côtes ou une cabine à l’ombre.
- Reefers : containers frigorifiques faisant l’objet de toutes les attentions de l’équipage.
- RIF : acronyme de « Registre international français ». Cette forme d’immatriculation administrative se situe à mi-chemin entre le pavillon national et ceux dit « de complaisance ».
- Ségrégation : règles de séparation s’appliquant aux marchandises dangereuses, afin d’éviter leurs interactions potentielles.
- Siffler : proscrit à bord ! Pourtant, au temps de la voile, on envoyait les mousses et élèves siffler à la proue pour attirer les vents…
- « Slow » : épithète accompagnant plusieurs mouvements (« Slow travel », « slow living », etc.) d’orientation épicurienne et respectueux des rythmes naturels. Le plus célèbre est assurément « Slow Food », né en 1980 en Italie.
Remarque : il est paradoxal d’assimiler le voyage en porte-conteneurs au « Slow Travel », alors que la grande valse des boîtes personnifie la standardisation, l’accélération et la mondialisation de l’économie. Morale de l’histoire: « à slow, slow et demi ».
- Stabilité, tenue en mer : la longueur des navires actuels excède la distance maximale entre 2 trains de houle. Cela permet de glisser sur le haut des vagues, mais induit également de très fortes contraintes en cas de mer très agitée, quand le milieu de la coque ne repose plus sur rien (rare, pas de parano).
Plus le bateau est lourd, meilleure est sa tenue en mer. Par contre, si un navire est trop stable, son volant de retour à l’horizontale est d’autant plus violent (attention aux chocs pour la cargaison et l’équipage). Il s’agit donc de trouver le juste milieu.
- Tribord : à droite en regardant la proue.
- Vague scélérate : phénomène encore mystérieux donnant naissance à des vagues géantes pouvant atteindre jusqu’à 30 m. Un porte-conteneurs standard est fait pour supporter 15 m… Survient principalement au large des côtes sud-africaines. Rare, heureusement…
- « Zeph » : surnom des élèves officiers de l’ENSM (Hydro).
Texte : Dominique Roland
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