Pour ma première excursion en Asie, j’ai choisi Taïwan. Un choix qui a surpris beaucoup de taïwanais que j’ai pu rencontrer durant mon séjour. Île peu touristique dans l’ombre de la Chine, Taïwan est encore aujourd’hui très authentique et d’une richesse culturelle folle. Elle est aussi très bon marché en comparaison aux trois autres dragons asiatiques que sont Singapour, Hong-Kong, et la Corée du Sud. Elle n’a rien du made in Taiwan que nous connaissons en Occident : la majorité de l’île est recouverte de forêts et de montagnes. Seules les villes de Taipei et de Kaohsiung paraissent plus industrielles. Et qu’on ne s’y trompe pas : la majorité des bijoux high-techs de marque taiwanaise ne sont pas fabriqués sur l’île mais dans des usines délocalisées en Chine continentale. Les grandes agglomérations n’échappent pas à la pollution, mais celle-ci reste beaucoup moins importante que dans d’autres pays aux alentours. Taïwan possède une personnalité unique, différente du reste de l’Asie sous beaucoup d’aspects.
Un séjour en été (période de mousson) est déconseillé. Je n’ai pourtant eu qu’un seul après-midi pluvieux sur 17 jours de voyage. Grand soleil le reste du temps, avec toutefois une grosse chaleur humide que nous ne connaissons pas en Europe.
Taipei
J’arrive directement à Taipei où j’y reste trois jours. J’ai déjà vu la ville au cinéma, notamment dans Yi Yi, le chef d’œuvre d’Edward Yang, grand réalisateur taïwanais. Taipei grouille de scooters, mais la circulation semble moins chaotique que dans d’autres pays d’Asie du Sud-est. La ville est une fournaise en plein été : environ 35°C avec plus de 40 de ressenti. Tous les lieux intérieurs sont heureusement climatisés, nous pouvons même en profiter sur les trottoirs lorsque les portes automatiques s’ouvrent pour laisser s’échapper des courants d’air frais.
Je flâne dans la ville et me balade de temples en temples. Le Dalongdong Baoan Temple et le Xingtian Temple sont mes deux coups de cœur, bien que je me rende compte plus tard que les plus impressionnants se trouvent sur la côte ouest. Beaucoup de fidèles y prient, peu de touristes les photographient.
A côté des temples traditionnels, Taipei se constitue de beaucoup de buildings modernes, symboles de la croissance économique précipitée. La Tapei 101, avec ses 500 mètres de haut, était la plus grande tour du monde au début du XXIème siècle. Elle est toujours intacte après avoir survécu à plusieurs séismes. On peut en avoir une excellente vue en gravissant l’Elephant Mountain, avec un sentier débutant à la station Xiangshan au terminus de la ligne rouge de métro. On s’enfonce ainsi dans une forêt luxuriante (et très humide), à seulement quelques mètres d’un environnement ultra-urbanisée.
Car Taipei n’est pas seulement une ville de temples et de gratte-ciels. Les parcs y sont également nombreux et très agréables, en particulier celui du Mémorial de la Paix 228, avec des écureuils et des bassins très apaisants. On peut aussi voir un autre mémorial très célèbre à deux pas du parc, celui de l’ancien président Tchiang Kai-Shek (représentant majeur du Kuomintang, le parti nationaliste chinois).
Taipei est aussi pleine de charme la nuit, notamment grâce aux night market. J’ai passé deux heures dans le Shilin Market, en goûtant aux dumplings, stinky tofu et autres spécialités taïwanaises.
Géographiquement, Taipei fait partie du comté du Nouveau Taipei. Avec son réseau ferroviaire surdéveloppé, il est donc possible de se rendre facilement dans d’autres villes aux alentours. La banlieue nord de Tamsui, au bord de la Tamsui River, est à voir absolument pour son atmosphère maritime et sa longue piste cyclable (qui offre des paysages atypiques à proximité d’une capitale).
La côte est (Hualien, Taroko, Taitung)
Je commence mon tour de l’île par la côte est, en prenant des trains type Tze-chiang dont les billets sont à des prix dérisoires pour des voyages relativement rapides (je n’ai jamais payé plus de 10€ entre deux villes). J’arrive donc à Hualien, situé à 165 km de Taipei. Très peu de touristes ici, si ce n’est ceux venant visiter les Gorges de Taroko, dont je fais également partie. Hualien est une petite ville avec un magnifique bord de mer d’où nous pouvons voir la plage d’un côté et les montagnes de l’autre. Un night market géant y a lieu tous les soirs. Il est aussi possible de se déplacer à vélo et de rouler sur des pistes cyclables au nord et au sud de la ville.
Je me rends ensuite dans les Gorges de Taroko sur une journée, ce que je regrette avec le recul : il faut rester au minimum 2 jours dans les Gorges si l’on veut faire de la randonnée, et il n’est pas si difficile de trouver un hébergement dans le village de Tianxiang au cœur du parc. Je fais la visite avec un bus touristique, passant entre autres par les falaises de Qingshui, la grotte de Swallow, Bulowan, et Plum Garden. Les Gorges sont spectaculaires, en particulier pour l’aspect géologique du lieu. Les roches de marbre et de granit y sont âgées de plus de 100 millions d’années, et témoignent du mouvement de subduction des plaques tectoniques de la région (plaque Philippine et plaque Eurasienne).
Je continue ma route vers Taitung, deuxième plus grande ville de la côte est après Hualien. On sent nettement l’atmosphère aborigène qui fait la singularité du lieu. Il faut visiter Taitung à vélo, en empruntant notamment la Mountain-Sea Bike Trail, avec beaucoup de paysages impressionnants et diversifiés, s’éloignant rapidement de la ville peu étendue. Le parc Railway Art Village est mon coup de cœur de Taitung. Aménagé sur l’ancienne gare de la ville (la nouvelle est excentrée), c’est un parc original montrant des rails et des rames de trains qui semblent à l’abandon mais toujours intacts. Ma journée se termine par l’ascension de la colline Liyushan, permettant d’avoir une vue de la région de Taitung à 360° avec des plateformes installées tout le long du sentier.
Kaohsiung & Tainan
Passage sur la côte ouest. J’ai longuement hésité à me rendre à Kenting sur une journée (parc à l’extrémité sud de l’île, réputé entre autres pour ses plages paradisiaques), mais me suis finalement ravisé, étant plus intéressé par le côté urbain de Taïwan. Kaohsiung est une grande ville portuaire au charme discret, moins agréable que dans les autres grandes villes. Très moderne et high-tech, il faut souvent s’éloigner du centre-ville pour voir le plus intéressant. Comme Cijin Island, accessible par ferry (5 min de traversée) à la station de métro Sizihwan. Cette île en forme de baguette toute en longueur possède un ancien fort (Cihou Fort, construit au XVIIIème siècle par la dynastie Qing) et un phare d’où l’on peut avoir un aperçu de la ville. Il y a également des plages de sable noir avec des sculptures géantes en sable mouillée, ainsi qu’un musée maritime, le Cijin Shell Museum.
L’autre point d’intérêt de Kaohsiung est sans conteste la Shoushan Mountain, forêt tropicale dense où l’on peut voir des macaques de Formose endémiques, assez familiers. Plusieurs panneaux déconseillent fortement de leur donner de la nourriture sous peine de réactions très agressives !
Je me rends ensuite dans la fameuse ville de Tainan, à 50 km au nord de Kaohsiung. C’est la plus ancienne ville de l’île et l’ancienne capitale. Elle est donc connue pour l’abondance de ses temples, et ses bâtiments historiques datant de l’époque coloniale hollandaise. Tainan est une ville agréable, mais attention à bien se renseigner pour se déplacer en bus, seul transport en commun pas toujours évident à comprendre (plans et arrêts en chinois). Il ne faut pas manquer le très beau Fort Provintia, ainsi que le temple de Confucius et son jardin. Ma préférence va toutefois au magnifique Lady Linshui Temple (temple très féminin, où l’on se rend pour prier la déesse de la naissance et la fertilité), ainsi qu’au très beau temple de Koxinga (Koxinga Ancestral Shrine).
L’ouest de la ville est lui aussi très intéressant pour Fort Zeelandia, entièrement construit par les Hollandais au XVIIème siècle. Très touristique, avec un musée passionnant traduit en anglais.
Tainan me restera aussi longtemps en mémoire pour ce que j’y ai mangé… Un plat avec un œuf de cent ans, mets typique de la cuisine chinoise et taiwanaise.
Huwei (Comté de Yünlin) & Sun Moon Lake
L’étape suivante de mon voyage sort des sentiers battus. Je prends le HSR (High Speed Rail, le TGV local circulant sur la côte ouest entre Taipei et Kaohsiung) pour me rendre à la gare du comté de Yünlin et accéder à la petite ville de Huwei, totalement absente sur la carte de mon guide ! Je rends visite à une connaissance rencontrée quelques années auparavant. Je rencontre par la même occasion des étudiants qui me font visiter la ville, notamment un sublime musée de marionnettes, une maison japonaise, et un grand temple à l’architecture plus sophistiquée que tous ceux que j’ai pu voir avant (Formosa Chifa Mazu Temple). Je finis par expérimenter un nouveau night market, qui pour sa part ressemble aux précédents où je suis allé. Huwei est sûrement la ville la plus authentique que j’ai pu voir à Taïwan, car peu connue et sur un chemin où personne ne s’arrête (entre Chiayi et Taichung). Il faut néanmoins y aller en possédant une voiture ou un scooter, le réseau des bus étant très limité.
Je me fais ensuite conduire en voiture au Sun Moon Lake (un peu moins de deux heures de route). La première surprise est d’y découvrir une énorme foule de touristes ! Plus qu’à Taipei et dans les Gorges de Taroko. Je me fonds dans la masse et commence par prendre un bateau pour traverser le lac, en partant de la rive sur laquelle est situé le village d’Ita Thao (où se trouve mon auberge) vers celle où se trouve Shuishe, le village principal. La traversée est belle malgré le temps très nuageux, et reste assez express : une dizaine de minutes. Le Sun Moon Lake ne mesure que 7km2, c’est donc un lac assez petit si on le compare à ceux que nous avons en Europe. Mais niché à 700 mètres d’altitude au cœur des montagnes taïwanaises, il demeure un lieu unique à voir absolument, ne serait-ce que pour toutes les randonnées et balades à vélo qu’il est possible de faire autour. La Ci’en Pagoda et le temple de Wu we sont également des lieux exceptionnels à voir dans un cadre plus naturel que dans les villes sur la côte. Enfin, une observation du lac la nuit est aussi une activité à ne pas négliger, notamment pour les reflets de la Lune sur l’étendue d’eau.
Alishan
Il est plus courant d’aller d’abord à Alishan et ensuite au Sun Moon Lake. Mais je fais l’inverse, et reviens donc sur mes pas. La montagne d’Ali est connue pour son lever de soleil magique, qui attire foule de touristes. Des taïwanais m’y conduisent en voiture en pleine nuit. Le site d’Alishan scenic area est très bien aménagé, avec notamment un 7 Eleven ouvert 24h/24. Nous mangeons des nouilles instantanées en attendant le départ du train pour le sommet, à 4h50. Le train met environ 20 minutes pour arriver sur le site du point de vue. Je ne pense pas à me couvrir d’un vêtement supplémentaire, et grelotte avec les 10°C de l’aube. A 5h15, le jour commence à se lever. La présence massive de nuages empêche malheureusement d’avoir la vue des cartes postales, mais la couleur rose qui s’étend sur la sublime chaîne de montagnes n’en est pas moins surprenante et féérique.
Je décide de rester un peu à Alishan avant de rentrer dormir, afin de visiter quelques coins du parc, déserts à cette heure matinale. Un sentier pour voir des arbres centenaires, ou encore faire le trajet à pieds pour redescendre à la gare d’où est parti le train sont des activités apaisantes et silencieuses, où l’on se sent très loin des villes. La température remonte progressivement et il fait 25°C à 10h du matin. Croûlant sous la fatigue de la nuit blanche, je prends un bus pour Chiayi où je rattrape mon sommeil. Je regrette de ne pas avoir eu le temps de visiter Chiayi qui m’a juste servi d’hébergement, avant mon départ pour Taichung le lendemain.
Taichung
Taichung est une grande ville (la troisième de l’île) jeune et étudiante. Comme pour Kaohsiung et Taipei, il est possible de visiter plusieurs lieux autour de la ville, notamment la montagne de Dakeng. Je me cantonne à la ville, n’ayant plus beaucoup de temps et arrivant à la fin de mon séjour. Le « parc de Taichung », sous influence japonaise, brille par son beau lac artificiel où l’on peut se promener en barque. On peut aussi se balader au bord d’un canal de la Willow River, sur le Liuchuan Riverside Walk. Comme à Taipei, de nombreuses pistes cyclables sont présentes à Taichung ainsi qu’un service de vélib.
La chaleur infernale m’empêche de marcher davantage en ville (alors oui, il y a des bus, mais je suis un marcheur…), je me réfugie donc dans le musée d’histoire naturelle qui semble valoir le détour. Il est en effet immense et très riche, et se visite pour une modique somme. On en apprend beaucoup sur le passé de Taïwan, en particulier sur les ancêtres austronésiens et les différentes époques coloniales. Un jardin botanique entoure également le musée.
Jiufen
Je reviens à Taipei peu avant mon retour, et finis peut-être par le meilleur de mon voyage. Cinéphile depuis mon adolescence, je me rends au lieu de pèlerinage cinématographique par excellence pour tout visiteur connaissant Miyazaki et Hou Hsiao-hsien. Jiufen aurait influencé le maître de l’animation japonaise pour réaliser Le voyage de Chihiro, comme on on peut le lire sur plusieurs sites internet. Ce village a aussi été le lieu de tournages de deux films d’Hou Hsiao-hsien, La Cité des douleurs (1989) et Le maître des marionnettes (1993).
De jour comme de nuit, je déambule dans la vieille rue du village, construite en pente avec des escaliers et des lanternes à perte de vue. Malheureusement le lieu est envahi de touristes, et il n’est pas toujours facile de se déplacer. Des magasins de souvenirs se mélangent à des buvettes et restaurants très traditionnels. On goûte des pâtisseries, du thé, des jus, mais les vendeurs ne sont jamais insistants et gardent un grand sourire. On peut notamment trouver du thé local cultivé dans les montagnes et collines aux alentours de Jiufen. La tombée de la nuit sur la vallée de Keelung est sublime. Belle dernière image pour mon séjour sur cette île encore trop méconnue en Occident… Et je compte bien y retourner !