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Cuba : le Cabildo fermé, l’Opera de la Calle censuré
Les autorités cubaines ont fermé le principal restaurant et centre culturel privé de La Havane, El Cabildo.
Situé dans le quartier résidentiel de Playa, El Cabildo présentait un spectacle musical, Opera de la Calle (Opéra de la rue), mélangeant allégrement des airs d’opéra, de zarzuela, du rock et de la musique pop aux rythmes afro-cubains.
Profitant de l’ouverture économique lancée par Raul Castro, depuis qu’il a remplacé à la tête de l’Etat son frère aîné Fidel, El Cabildo avait été fondé par le chanteur lyrique Ulises Aquino, 50 ans.
Installé sur un ancien édifice en ruines, muni de trois licences autorisant l’ouverture d’un paladar (restaurant privé), valable chacune d’entre elles pour un maximum de 50 couverts, le Cabildo pouvait accueillir 150 personnes et employait 130 serveurs, artistes et assistants de production. Le succès était au rendez-vous.
A la mi-juillet, une dépêche de l’agence Reuters attira l’attention du département idéologique du comité central du Parti communiste de Cuba (PCC, parti unique), qui convoqua Ulises Aquino pour l’interroger.
Quelques jours plus tard, des policiers fermaient l’établissement. « Ils sont arrivés à 10 heures du soir, ils ont interrompu le spectacle et semé le désarroi parmi le public, a raconté Ulises Aquino à la BBC, le 27 juillet. C’est une attitude fasciste, qui n’a rien à voir avec les principes que je défends, moi, le peuple de Cuba et le président [Raul Castro], qui avait prôné un changement de mentalités. »
Ulises Aquino a été « accusé d’enrichissement » et ses licences de travailleur à son propre compte lui ont été retirées.
Le chanteur attribue la fermeture à « la bureaucratie qui tente de conserver son pouvoir en tablant sur l’obscurantisme ». Il est ulcéré, car il « croit profondément à l’œuvre humaniste de la révolution » cubaine. Sa lettre de protestation circule sur l’Intranet de l’île.
Les employés du Cabildo touchaient entre 1 800 et 2 000 pesos par mois, soit quatre fois le salaire mensuel moyen (450 pesos, équivalents à 19 dollars). L’entreprise versait à l’Etat 20 000 pesos par mois d’impôts et taxes. Les clients cubains payaient 50 pesos l’entrée (2 dollars), tandis que les touristes acquittaient 10 dollars en semaine et 25 dollars le weekend pour assister au spectacle.
Baryton réputé, Ulises Aquino renflouait El Cabildo avec les cachets qu’il percevait pour ses prestations à l’étranger. Les weekends, il proposait des spectacles gratuits aux enfants du quartier.
Cette affaire illustre l’incertitude juridique entourant le travail à son propre compte, proposé comme une alternative aux fonctionnaires massivement licenciés par l’Etat patron.
Lors d’une précédente ouverture vers l’initiative privée, au cours des années 1990, les Cubains avaient déjà assisté à des retours de bâton brutaux, également sous prétexte d’« enrichissement ».
Contradictoire avec l’ouverture économique, la fermeture du Cabildo inquiète aussi les milieux culturels à Cuba, soumis à de nouvelles pressions. Harcèlement et dénonciations pour complicité avec l’étranger visent des collectifs alternatifs, mais aussi des intellectuels insérés dans les institutions officielles.
À propos de america-latinaPaulo A. Paranagua est journaliste au “Monde”. Voir tous les articles de america-latina →
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