Bonjour
Dans mon post précédent j’ai cité George Cœdes.
George Cœdes et Claude Jacques sont les deux plus grands épigraphistes pour la période angkorienne.
- En architecture l’épigraphe est une inscription que l’on trouve sur des monuments. Ces inscriptions sont gravées sur des matériaux non putrescibles comme la pierre, le métal…
- Epigraphie : science qui étudie les épigraphes.
- Epigraphiste : personne qui étudie les épigraphes.
Les inscriptions que l’on peut voir dans les temples sont gravées à l’entrée des sanctuaires sur les piédroits des portes, d’autres ont été gravées sur des stèles, qui se trouvent maintenant à la Conservation d’Angkor et au Musée de Siem Reap, pour éviter les vols. Ces documents ont une importance historique considérable, car ce sont les seules archives du Cambodge ancien ; en effet la totalité des manuscrits de l’époque angkorienne a disparu au cours des siècles pour n’avoir pas été recopiés.
Ces textes gravés sur la pierre sont écrits en sanscrit ou en khmer ancien, à peu près en quantité égale, mais leur teneur est sensiblement différente suivant la langue utilisée.
- Les textes sanscrits sont des poèmes adressés aux dieux d’origine hindoue ou aux protecteurs bouddhistes. Ces poèmes font en règle générale l’éloge du fondateur du temple, qu’il soit roi ou haut dignitaire. C’est dans ces poèmes que l’on trouve habituellement la date de l’installation des divinités (trop souvent confondue avec la date de construction du temple) qui commence avant et peut s’être prolongée bien au-delà ; on peut y trouver aussi certaines autres dates, notamment celles de la prise de pouvoir des rois.
- Les textes khmers au contraire sont toujours écrits en prose et relèvent généralement du style de l’inventaire : ils ont trait en effet aux biens matériels propriétés des dieux, terrains, animaux ou objets du culte…
LE BANTEAY SREI :“Citadelle des femmes” :
En 1916 quelques lignes dans un BEFEO (1), “Chronique” BEFEO 1916 – N° 16 p. 98-99" mentionnent ce temple : “le Bantài Srëi, peut compter parmi ce que l’art classique à ses débuts a exécuté de plus gracieux ; le monument très complet offre dans ses formes réduites une sculpture des plus variées et d’un haut intérêt archéologique”.
Pierre Baptiste (“L’art khmer dans les collections du Musée Guimet”) mentionne qu’Henri Parmentier a écrit un article en 1919 sur le Banteay Srei sans préciser son titre ni la revue, il mentionne uniquement “Henri Parmentier, 1919, p. 66-79.Ce texte n’avait pas échappé à la convoitise d’un érudit en mal d’argent, un certain André Malraux”.
J’ai donc cherché et j’ai trouvé un article d’Henri Parmentier sous le titre “L’art d’Indravarman”
Voir le BEFEO année 1919 – Volume 19, N° 1, pp. 1-98.Le Banteay Srei est décrit pages 66-79.
La restauration des temples utilise le procédé de l’anastylose (2).
L’anastylose fut introduite au Cambodge par Henri Marchal (3), au retour d’un voyage d’études à Java où il avait pu se rendre compte de l’excellence de la méthode.
Henri Marchal a utilisé pour la première fois l’anastylose pour la restauration du Banteay Srei de 1931 à 1936 (4)
A partir de 1936 Maurice Glaize (5), architecte de formation, est devenu le “spécialiste” de l’anastylose pour les monuments du groupe d’Angkor.
(1) BEFEO : Bulletin de l’Ecole Française d’Extrême-Orient. On peut consulter ces BEFEO sur le site “Persée”
Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient - Persée Sur google tu tapes bulletin de l’école française d’extrême orient (befeo persee). Il n’est pas facile de trouver un article sans avoir au minimum l’année, le numéro du bulletin, l’auteur ou les numéros de page.
(2) L’anastylose : mot d’origine grecque signifiant “relèvement des colonnes”.
L’anastylose – nous dit Balanos, conservateur des Monuments de l’Acropole d’Athènes – consiste dans le rétablissement ou relèvement d’un monument avec ses propres matériaux et selon les méthodes de construction propres à chacun. L’anastylose s’autorise de l’emploi discret et justifié de matériaux neufs en remplacement des pierres manquantes sans lesquelles on ne pourrait replacer les éléments antiques".
De 1894 et 1933 l’architecte et ingénieur en chef Nicolaos Balanos a dirigé un chantier de restauration au Parthénon. Certaines personnes disent que c’est la première fois que la méthode de l’anastylose a été utilisée. Sans être un spécialiste je pense qu’ Eugène Viollet-le-Duc a utilisé cette méthode avant lui ?
(3) Henri Marchal (1876 – 1970). Membre de l’EFEO de 1919 à 1937
(4) Après la visite du Banteay Srei, on peut faire un petit détour avant de se rendre sur le parking. En continuant un peu après les toilettes il y a un petit hall dans lequel il y a des explications sur les temples que je trouve intéressantes. On peut y voir des reproductions de photos qui ont été prises lors de la restauration de ce temple.
(5) Maurice Glaize (1886 – 1964) Membre de l’EFEO de 1936 à 1945. En 1944 il a écrit “Les monuments du groupe d’Angkor”. Ce livre a été réédité à plusieurs reprises. C’est encore une excellente source pour la description des temples.
LE BANTEAY SAMRE : “Citadelle des Samrés”
Les Samrès sont des éléments aborigènes d’origine mal connue. Ils peuplaient notamment la région située au pied du Phnom Kulên, quelques samrés vivent encore dans villages à proximité.
Les guides sont très rares à parler de la légende du Roi des concombres dont le personnage principal est un cultivateur d’origine samré qui cultive des concombres. Il existe diverses versions de cette légende, voici un résumé de l’une d’entre elles
Le roi des concombres : Pou, un pauvre cultivateur de souche Samrè, spécialisé dans la culture des concombres doux, avait reçu les graines de façon surnaturelle. Ayant fait hommage de sa première récolte au Roi, celui-ci trouva les fruits si succulents qu’il s’en assura bien vite l’exclusivité, prescrivant à Pou de tuer tous ceux, hommes ou animaux, qui pénétreraient dans son Chamcar (champ).
A la saison des pluies, où les concombres se faisaient rares, le souverain, impatient d’y goûter, se rendit lui-même certain jour chez son jardinier, mais n’étant arrivé qu’à la nuit il fut mortellement blessé par lui d’un coup de lance, ayant été pris pour un voleur, et enterré comme tel en plein champ.
Le roi étant sans descendance directe et les dignitaires du royaume n’ayant pu se mettre d’accord sur le choix de son successeur, on eut recours à l’intervention divine, et ce fut, “l’Eléphant de la victoire” qui, chargé de désigner le nouveau roi, s’arrêta dans sa course précisément devant l’homme aux concombres doux, “le salua, trompe basse entre les pattes, s’agenouilla et l’enlaçant d’une trompe flexible, le jucha doucement sur son dos”.
Devenu roi, l’homme aux concombres fit rechercher le corps de son prédécesseur, et célébrer les cérémonies funèbres au Mébôn puis le rite de la crémation à Pré Rûp. Par la suite, les personnages de la Cour, humiliés d’être gouvernés par un Samrè, ne manquèrent pas de manifester leur opposition en feignant d’oublier les marques rituelles du respect. Le roi, n’ayant pu les fléchir ni par la bonté ni par la violence, quitta le Palais-Royal et s’en vint habiter à quelque distance de la cité, à Banteay Samré “où il resta claquemuré comme la tortue-boîte quand, peureuse, elle a rentré la tête dans la carapace”.
Là il faisait comparaître ses ministres, qui continuaient à affecter, d’adorer les attributs de la royauté et les emblèmes des anciens rois au lieu du Maître lui-même. Un jour, poussé à bout, il résolut de les punir et ayant fait apporter la chaise percée de son prédécesseur, fit décapiter tous ceux qui cherchaient à l’humilier en manifestant leur dévotion à ce misérable objet en tant que témoin de la dynastie éteinte. Son règne se poursuivit désormais dans le calme parmi ceux qui, conquis par sa bonté, lui étaient devenus fidèles…
Jacques