Il y a un endroit du Vietnam que je n’avais jamais visité, l’archipel de Côn Đảo.
Ce n’est pas que l’envie m’en manquait, mais Madame ne voulait pas y aller à cause des souffrances que des dizaines de milliers de personnes y avaient subies.
J’ai fini par la convaincre en argumentant que d’aller sur les lieux, c’étaient rendre hommage aux victimes.
C’est ainsi qu’il y a quelques semaines nous avons été y passer quelques jours.
C’est un petit archipel d’environ une douzaine d’îles, la plus grande, Côn Son, 20 km², concentre une bonne partie des quelques 5.000 habitants.
Elle est située à environ 250 km au sud-est de HCMV, on y accède en ¾ d’heures de vol depuis HCMV, ou par 5 heures de bateau depuis Vũng Tàu. En automne, la mer peut être agitée et la navigation interrompue pour un jour ou deux. Mais le vent a aussi son bon coté, il y a un « grand ventilateur » qui souffle en permanence sur toute l’île et fait oublier la touffeur d’HCMV.
En dehors des produits de la mer, tout arrive du continent, l’île, très accidentée, ne se prête pas à la culture, et. de toute façon, le parc naturel occupe une grande partie du territoire. Ceci explique que les prix sont plus élevés (de 20 à 30 %) que sur le continent.
Peu de touristes occidentaux (en une semaine de séjour je n’ai vu qu’un seul occidental), en revanche beaucoup de Vietnamiens venant, en quelque sorte, en pèlerinage.
Nous avons pris l’avion, un ATR 72, petit avion d’environ 80 places, mais confortable (entre 60-80 € l’aller-retour).
Logement, on trouve de tout, du petit Nhà Nghỉ (maison d’hôtes) à 8-10 €, à la villa pour 6 personnes à 700 €.
Nous étions dans un hôtel****, 65 € en demi-pension (nuitée+petit déjeuner+un repas midi ou soir). À 50 m. de la plage, piscine d’eau douce. Restaurant avec, évidemment sur une île, une forte note marine.
En dehors de la visite des sites historiques (j’en parle plus loin), c’est une île pratiquement totalement nature.
La majeure partie du territoire est un parc naturel luxuriant, donc rando, mais attention, le terrain est relativement accidenté, prévoir de bonnes chaussures.
Plages magnifiques, sur certaines plages, les tortues marines viennent pondre, mais elles sont extrêmement protégées, cela peut coûter cher de les déranger, passer par les « rangers » du parc si l’on est intéressé.
On peut aussi louer un bateau, avec son capitaine, pour parcourir l’archipel, on y trouve de belles plages, du corail, et, si on a vraiment de la chance, un dugong (une espèce de lamantin), chance que je n’ai pas eue.
Maintenant, les sites historiques. Côn Son, (Poulo Condor sous la colonisation française et la guerre US) est un endroit de mémoire pour les Vietnamiens. C’est là que les Français ont construit, dès le 19em siècle, un bagne à la fois pour les droits communs et pour les politiques (en fait, ceux qui refusaient la colonisation).
Au départ des Français, le bagne a été repris par le gouvernement de Ngô Đình Diệm pour y enfermer ses opposants politiques (une partie des dirigeants de Hanoï des années 1960-90 ont fait leurs « classes » dans le bagne de Con Son).
On peut visiter les anciennes cellules, en particulier les « cages à tigre », mises en situation à l’aide de mannequins. Très émouvant et prégnant.
On conclut par la visite du musée, si l’on prend soin de lire toutes les explications (en vietnamien et anglais), la visite occupe une bonne partie de la journée. J’ai poursuivi la visite par une discussion avec le directeur du musée, et j’ai bien aimé sa conclusion : « nous n’avons pas voulu stigmatiser Français ou Américains, mais montrer jusqu’à quel point l’être humain, y compris vietnamien, peut sombrer dans l’ignominie. »
Mon sentiment personnel, c’est que la seule différence avec les nazis, c’est que ces derniers tuaient relativement rapidement alors qu’à Côn Son c’était des tortures répétées jours après jours.
Quant à madame, elle était bouleversée.
La visite du cimetière du bagne est aussi à faire. On y trouve la tombe de Võ Thị Sáu, jeune héroïne, fusillée à 19 ans, en 1952, coupable d’avoir voulu libérer son pays du colonialisme.
Sa tombe fait l’objet d’un véritable pèlerinage, les gens viennent s’y recueillir, prier, lui demander de favoriser leurs affaires (les Vietnamiens sont très superstitieux, y compris les cadres du PCVN).
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Côn Đảo, un archipel en dehors du tourisme de masse, qui mérite une visite, en ne perdant pas de vue que ce n’est pas uniquement un lieu pratiquement totalement naturel au Vietnam , mais aussi un lieu de mémoire pour les Vietnamiens.